Telle Crosby Street à Soho en 1978, la beauté n’est jamais aussi vibrante que lorsqu’elle est sale, obstruée, glauque. Une beauté qui sent la Gitane, où le Velvet Underground déchire un bar dans un sous-sol de Washington Square, pavant la voie sans le savoir à Sid Vicious, à Bowie, à Kobain. Une beauté injectée à la liberté, la seringue sale propageant le virus, les yeux partis dans un orbite désaxé, la tête penchée vers l’arrière, la main caressant des cheveux trop gras, la sueur s’imprégnant à des vêtements lavés sans détergent. Une beauté qui célébrait l’instant. Car après, il n’y avait plus rien.
City on Fire. Garth Risk Hallberg (traduit par Élisabeth Peellaert). Plon, 960 pages. |
C’était l’époque de Siouxsie Sioux, de Joy Division, d’Anne Clarke, de Sisters of Mercy. La grande dépression post-tout. Exit le disco, le punk, l’indépendance, les rêves; exit la possibilité d’un bon emploi en terminant l’Université : bienvenue dans un trou noir qui a avalé et digéré les espoirs de la génération Y pour en faire une bande de zombies désabusés et obsédés par leurs REER et leurs enfants-rois. Mais beauté quand même. Comme ce roman-fleuve dans lequel vous voudrez vous noyer : City on fire, de Garth Risk Hallberg. Un roman où les intrigues deviennent le prétexte crédible d’un voyage dans le temps, à New York en 1977 précisément. Aussi saisissant qu’hallucinant de réalisme, ce périple vous fera voir, sentir, goûter, ressentir. Presque mille pages qui, si c’est ce que vous désirez, vous feront oublier un peu l’hégémonie du lisse et de l’aseptisé dans laquelle nous vivons, propres, rivés à nos écrans, seuls ensemble, déshumanisés. Allez. Vous ne le regretterez pas.
Mathieu
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