Et là elle me dit, tout d’un trait, un mardi soir à 19h22 à la suite de notre dernière bouchée d’un délicieux sauté asiatique de tofu, qu’elle réussissait assez bien : «Ça ne marche plus nous deux. Tu le sais, je le sais. Je ne t’aime plus comme avant. Je veux qu’on se sépare. J’aimerais garder le condo, je vais te rembourser ta part, mon père va m’aider, il est d’accord…». La suite n’a pas été glorieuse. Mais l’être que j’étais à l’époque - ça fait quand même une douzaine d’années de ça - n’arrivait pas à s’y faire. Je m’étais réfugié dans une sorte de distorsion de la réalité. Dans MA réalité, j’étais convaincu qu’il existait une phrase, une idée ou une combinaison de mots qui, exprimée sur le bon ton et au bon moment, arriverait à la convaincre qu’elle m’aimait encore. Mais j’avais tout faux. Cette formule magique n’existait pas dans LA réalité. Et tout ce que j’ai réussi à accomplir, c’est de m’enfoncer encore plus dans une tourmente inutile. Car son idée était faite. Toute faite. Et rien ne pouvait y changer quoi que ce soit.
Ceux qui me suivent régulièrement sur les médias sociaux savent à quelle enseigne politique je loge et quelles sont mes valeurs. Je n’ai jamais hésité à me mouiller personnellement. Partager mes convictions m’a toujours semblé essentiel, j'en assume les conséquences. Et oui, parfois pendant quelques instants, je retombe dans ce «pattern» de distorsion de la réalité où je crois pouvoir changer une opinion ou une perception avec un tweet ou un statut. Or, tout comme dans l’exemple mentionné précédemment, il n’en est rien.
Je n’ai aucunement l’impression d’être au-dessus de la mêlée, mais un fait demeure malgré mes prises de positions : je sais que l’écrasante majorité des gens qui me lisent ou échangent avec moi ont leur propre opinion et qu’elle est la plupart du temps inaltérable. Cette chambre des échos, où tout un chacun attaque ou défend des postures politiques, avec ferveur, souvent avec hargne, constitue une illusion car elle ne change pas le cours des choses.
C'est que je crois très peu au phénomène de l’indécision, mais beaucoup plus à la gêne de certains segments d’affirmer leur opinion politique. La grande majorité sait généralement pour qui elle va voter, et ce dès le début d'une campagne électorale. Et vous savez quoi? Les 5 à 8% de vrais indécis ne se retrouvent généralement pas sur Twitter ou sur Facebook. Et s’il y en a quelques uns, croyez-moi, ce ne sera pas vos interventions écrites qui vont les faire pencher de votre côté, mais bien un ensemble de facteurs qui vous échappent et qui échappent aux militants agressifs qui sévissent sur les réseaux sociaux. Fervents de petits ou de grands partis, diatribes de plusieurs pages ou tweets agressifs, ça ne change strictement rien. Rien.
Ça ne m’empêche pas d’écrire ce que je pense, mais je le fais en toute connaissance de cause, sans attentes, sachant que la seule façon d’influencer le cours des choses repose sur la qualité et l’authenticité d’une relation vraie, sur la confiance; celle que je n’avais plus avec ma conjointe de l’époque et celle qu’il est impossible d’avoir avec des gens qu’on a jamais rencontrés en personne. Une belle grande illusion.