Nous allons l’appeler Sophie. Sophie représente le commun des mortels qui travaille, aime, rêve, voyage à l’occasion et vit pour avancer, pour combler ses enfants, apprécie une bonne bouteille de vin, un film collé sur l’amoureux ou l’amoureuse, bref, Sophie c’est pas mal nous. Grossièrement, mais pas tant que ça.
Sophie, quand elle se lève le matin, doit s’occuper de tout-petit, le conduire à la garderie (l’amoureux fait la routine du soir), déjeuner rapidement en maximisant l’apport de protéines, se préparer pour sa journée de travail, apporter son sac pour le gym sur l’heure du midi, se rendre au métro et ensuite se donner à fond à l’hôpital où elle travaille. La publicité n’est même pas un irritant pour elle, car elle l’ignore 99,9% du temps, à l’exception des rares fois où elle a l'occasion d’écouter la télé ou encore de regarder dehors à partir du bus où elle aura exceptionnellement trouvé un siège pour le trajet. Et même là, même pendant ces rares moments, pour être intéressée par une publicité ou une marque, le produit ou le service devra la rejoindre dans ses préoccupations à court terme car elle envisage un achat, ou encore la faire rêver. Et les réseaux sociaux et les clips «viraux» et tous ces trucs que les publicitaires vendent à leurs clients la laissent généralement de glace. Elle vit.
Sophie affectionne certaines marques par nostalgie de l’enfance ou de l’adolescence, elle achète souvent par mimétisme en étant oui, probablement, inconsciemment influencée par la publicité, mais encore plus par les gens de son entourage qui font le travail de défrichage pour elle. Elle possède une identité unique, certes, et l’image qu’elle veut projeter demeure en harmonie avec ses valeurs, sa culture, ses goûts. Elle aime ce qui est doux. Elle trime dur pour gagner son salaire et ne le dépense pas futilement. Enfin parfois mais très rarement, car elle déteste se sentir coupable ensuite.
Quand je vois des tonnes de gens se branler sur ce qu’une marque fait, dit, sur les nouveautés, les prototypes, sur telle ou telle orientation, s’offusquer de la refonte d’un logo qu’ils n’aiment pas (mettons celui d’Astral il n’y a pas si longtemps) ou encore prendre une photo du nouveau magasin «flagship» de telle bannière branchée, je me dis deux choses. De un, cette personne travaille en publicité et pense que tout tourne autour d’elle et de ce qu’elle fait, et elle fait bêtement erreur. De deux, si la première option n’est pas valable, et parfois elle le sera aussi, je me dis que cette personne n’a tout simplement pas de vie. Ou qu’elle vit par procuration et que notre nouvelle religion collective, le consumérisme, l’a faite apôtre. Un apôtre, c’est un «early adopter». Et franchement, quand tout ce que tu as à faire dans la vie est de faire la file une nuit de temps à moins vingt-douze pour te procurer le nouvel iPhone, c’est que vraiment, à y repenser, t’as pas de vie.
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