jeudi 27 mars 2014

La grande illusion

Et là elle me dit, tout d’un trait, un mardi soir à 19h22 à la suite de notre dernière bouchée d’un délicieux sauté asiatique de tofu, qu’elle réussissait assez bien : «Ça ne marche plus nous deux. Tu le sais, je le sais. Je ne t’aime plus comme avant. Je veux qu’on se sépare. J’aimerais garder le condo, je vais te rembourser ta part, mon père va m’aider, il est d’accord…». La suite n’a pas été glorieuse. Mais l’être que j’étais à l’époque - ça fait quand même une douzaine d’années de ça - n’arrivait pas à s’y faire. Je m’étais réfugié dans une sorte de distorsion de la réalité. Dans MA réalité, j’étais convaincu qu’il existait une phrase, une idée ou une combinaison de mots qui, exprimée sur le bon ton et au bon moment, arriverait à la convaincre qu’elle m’aimait encore. Mais j’avais tout faux. Cette formule magique n’existait pas dans LA réalité. Et tout ce que j’ai réussi à accomplir, c’est de m’enfoncer encore plus dans une tourmente inutile. Car son idée était faite. Toute faite. Et rien ne pouvait y changer quoi que ce soit.

Ceux qui me suivent régulièrement sur les médias sociaux savent à quelle enseigne politique je loge et quelles sont mes valeurs. Je n’ai jamais hésité à me mouiller personnellement. Partager mes convictions m’a toujours semblé essentiel, j'en assume les conséquences. Et oui, parfois pendant quelques instants, je retombe dans ce «pattern» de distorsion de la réalité où je crois pouvoir changer une opinion ou une perception avec un tweet ou un statut. Or, tout comme dans l’exemple mentionné précédemment, il n’en est rien. 

Je n’ai aucunement l’impression d’être au-dessus de la mêlée, mais un fait demeure malgré mes prises de positions : je sais que l’écrasante majorité des gens qui me lisent ou échangent avec moi ont leur propre opinion et qu’elle est la plupart du temps inaltérable. Cette chambre des échos, où tout un chacun attaque ou défend des postures politiques, avec ferveur, souvent avec hargne, constitue une illusion car elle ne change pas le cours des choses. 

C'est que je crois très peu au phénomène de l’indécision, mais beaucoup plus à la gêne de certains segments d’affirmer leur opinion politique. La grande majorité sait généralement pour qui elle va voter, et ce dès le début d'une campagne électorale. Et vous savez quoi? Les 5 à 8% de vrais indécis ne se retrouvent généralement pas sur Twitter ou sur Facebook. Et s’il y en a quelques uns, croyez-moi, ce ne sera pas vos interventions écrites qui vont les faire pencher de votre côté, mais bien un ensemble de facteurs qui vous échappent et qui échappent aux militants agressifs qui sévissent sur les réseaux sociaux. Fervents de petits ou de grands partis, diatribes de plusieurs pages ou tweets agressifs, ça ne change strictement rien. Rien.  

Ça ne m’empêche pas d’écrire ce que je pense, mais je le fais en toute connaissance de cause, sans attentes, sachant que la seule façon d’influencer le cours des choses repose sur la qualité et l’authenticité d’une relation vraie, sur la confiance; celle que je n’avais plus avec ma conjointe de l’époque et celle qu’il est impossible d’avoir avec des gens qu’on a jamais rencontrés en personne. Une belle grande illusion.

lundi 17 mars 2014

Le bon ton



Le principal problème de la publicité québécoise, c’est son ton. Toujours ce petit semblant d’humour pour initiés, pas vraiment sympathique; toujours cette autodérision qui cache un certain mépris de la marque, bref, cette navrante habitude à vouloir plaire aux autres créatifs en négligeant l’ingrédient principal: la complicité authentique. De la SSQ à Honda, en passant par Krispy Kernels, cette petite attitude me tue même si elle rapporte des prix à ses créateurs.

Le bon ton, ça se joue sur le fil du rasoir. Prenez Ricky Gervais, le magnanime acteur-animateur-humoriste britannique rendu célèbre par la série culte The Office: sa sincérité est palpable malgré son arrogance. Nous savons son empathie pour la justice tout comme sa distinction culturelle. Son sarcasme sur les réseaux sociaux est légendaire, ses répliques aussi concises qu'incisives, mais ses intentions demeurent nobles. Il véhicule un ensemble de valeurs qui dépassent la simple intelligence d’un Martin Matte: il incarne le raffinement de l’esprit, l'élégance de l'âme. 

Ces publicités, lancées aujourd’hui par Venables Bell & Partners pour la nouvelle A3 de Audi, empruntent le bon ton. Ce sont des exemples solides de création publicitaire ancrée sur le bénéfice produit tout comme sur la valorisation identitaire de la cible. Gervais sert les publicités et nous en redemandons!

lundi 10 mars 2014

Les minables



Rédiger des statuts Facebook répétitifs de plusieurs centaines de caractères pour décrier une candidature électorale (en étant persuadé que ça change vraiment quelque chose). Déchirer sa chemise sur l’autel de la justice sociale. Disserter sur les méfaits de l’École de Chicago au Chili. Étudier l’ensemble des oeuvres de Noam Chomsky et de Naomi Klein. Manger bio. Boire équitable. Recycler et composter même quand ça pue. Utiliser son vélo dans la gadoue. Bref, faire ce que l’on croit être les bonnes choses. Contrairement à tous ceux qui ne le font pas. Croire être au-dessus de tout, avec ses valeurs. Et surtout, conchier le pouvoir de l’argent.

Ils sont, nous sommes, des milliers, voire des centaines de milliers, à prétendre naviguer dans les eaux de la vérité avec notre petite dérision et notre sarcasme à trois sous. Peu de gestes, beaucoup de paroles, des tonnes d’écrits, et un torrent de prétention fondue dans de bonnes intentions. Mais vous savez quoi? Nous allons tous nous noyer infusés dans notre vérité, comme de vulgaires poches de thé. À se détourner de réalités trop dures. À décupler les mots au lieu d’agir. Et à laisser des enfants dépérir dans la souffrance à quelques heures d’avion de Montréal.

La projection de la situation d’un enfant syrien dans la réalité britannique, montrée dans le film en intro, une création de l’agence londonienne Don’t Panic pour le compte de Save the Children, nous remet en plein visage la futilité de notre militantisme anti-Walmarde. «Il est facile d’oublier que la Syrie était un pays formé d’une classe moyenne relativement prospère, où les enfants profitaient jusqu’à récemment des bienfaits d’une éducation et d’un système de santé que nous prenons pour acquis. Et c’est sans parler de leur comptes Facebook, de leurs consoles de jeux vidéo…», expliquait Jack Lundie, directeur de la marque et des communications chez Save the Children. 

Ce film, qui emprunte la structure d’une seconde par jour, a pour objectif de sensibiliser l’occident au conflit syrien, qui a provoqué à ce jour plus de 100 000 morts et le déplacement de près de 2 millions de réfugiés. Cette guerre débile aura bientôt trois ans et a engendré le décès ou, pire encore, la souffrance interminable, de dizaines de milliers d’enfants; des yeux vidés de leur âme et les nôtres qui se complaisent dans la masturbation intellectuelle et dans une morale dénuée de moyens pour vraiment changer le cours des choses. 

mardi 4 mars 2014

Réfléchir avant de se donner le «go»

Un slogan, un titre, une signature, appelez ça comme vous le voudrez, disons entre-nous une «phrase publicitaire», c’est avant toute chose une promesse. Que ce soit celle d’un parti politique, d’une multinationale ou du commerce du coin, le slogan permettra à la marque de se différencier et affirmera son essence tout en jouant le jeu de la séduction. L’idée, quand nous rédigeons un slogan, c’est de se sortir de la tête que nous rédigeons un slogan. Faire de la publicité qui ressemble à de la publicité, écrire une ligne qui ressemble à une ligne, réaliser un message qui ressemble à un message... C'est là que réside le vrai piège. Se conforter dans l’illusion de faire paraître une marque ou plutôt la faire exister dans l’esprit de la cible? Là est la vraie question. Et vous savez quoi? C’est précisément ce que le consommateur ressent quand il est exposé à une publicité. À savoir, est-ce qu’on me bourre comme une vieille valise ou est-ce qu’on me raconte une histoire plausible et inspirante? Et quand il se sent bourré, il décroche. Exactement comme en lisant certains slogans politiques dévoilés ces derniers jours… 

L’écriture prend son sens dans ce qu’elle provoque comme image mentale et comme émotion. C’est un levier important en communication, mais c’est aussi une arme qui peut facilement se retourner contre une organisation. Bâtir une marque, un mot à la fois, en demeurant cohérent, séduisant et vrai peut paraître facile. Mais vous le savez, toutes les choses qui semblent faciles en ce bas monde sont souvent la résultante d’un processus complexe et d’un savoir-faire qui ne peut être improvisé. 

Ma recette est simple: moins de mots, plus de sens et une couleur qui engendre la rétention. Et surtout le recul. Laissez mijoter votre idée et le temps vous dira si elle tient la route. Mais c’est probablement le poète Nicolas Boileau qui a le mieux décrit au 17e siècle, sans le savoir, ce qui deviendrait, au fond, l’essence de la rédaction publicitaire. Je vous laisse là-dessus…

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

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