jeudi 27 février 2014

Le château de cartes

Je ne vous parlerai pas de la magnifique série House of Cards diffusée sur Netflix. Trop de gens en parlent et je n’aurais rien à apporter de neuf. J’aimerais plutôt vous parler de stratégie.

À une époque où nos églises ont été remplacées par des centres commerciaux et nos chapelets par des téléphones intelligents renouvelés à tous les 18 mois, il serait juste de présumer de l’importance de la stratégie dans l’atteinte des objectifs personnels du Québécois moyen. Quand votre but ultime dans la vie est d’acquérir une grande maison à Rosemère, une BMW de série 7 et de jouer au golf à Pebble Beach, pourquoi attendre des décennies quand vous pouvez dresser un plan stratégique qui réduira sensiblement le temps qui vous sépare de votre nirvana existentiel?

Or, il n’en est rien. Est-ce que le dictat de l’instantanéité auquel nous adhérons tous en est responsable? Est-ce une question de paresse intellectuelle? Est-ce une carence marquée en vision à plus long terme, vision dont les marchés boursiers et la classe politique sont totalement dénués? Probablement que cette propension à ne pas voir plus loin que son nez et à célébrer l’instant présent au lieu de préparer le terroir des prochaines étapes de ses accomplissements relève d’un peu tous ces facteurs. Mais un fait demeure, sans stratégie, sans compréhension des écosystèmes dans lesquels nous évoluons, sans recul et sans perception claire de nos potentiels et aspirations, sans cette sensibilité à l’égard des autres et de soi-même, réaliser ses rêves devient aussi réaliste que de gagner au 6/49.

En publicité, c’est un peu la même chose. Les entreprises aspirent à rencontrer MAINTENANT leurs objectifs marketing, mais elles ne dotent que très rarement leurs marques d’une vision stratégique et différenciatrice à long terme. La planification se rétrécit au profit d’un concept qui fait jouir les directions marketing: la réactivité. Mais à force de vouloir réagir maintenant, on mine trop souvent l’essence des marques en leur affublant de caractéristiques et de valeurs qui ne cadrent pas avec leur essence. Bien sûr qu’il faut réagir à la concurrence, mais il faut tout autant savoir garder le cap et voir plus loin. Gagner une bataille c’est bien, mais gagner la guerre, c’est mieux. Mais il faut du courage, de la conviction et les facultés de défendre ses positions. 

Francis Underwood, le personnage principal de House of Cards, sait réagir. Mais il sait tout autant se retenir. Nous faisons souvent l’apologie de l’action mais que trop rarement celle de la retenue. Or, par définition, agir ou ne pas agir n’est pas une question en soi. Nous devrions plutôt percevoir le rôle de nos actions en fonction de leur impact réel sur notre objectif ultime. Car à placer les émotions ou la peur au centre de nos vies, nous bâtissons, bien malgré nous, des châteaux de cartes aussi vulnérables au moindre coup de vent que la perception des autres, si chère, sur notre propre richesse.

jeudi 13 février 2014

L’amour fromage


L’amour se retrouve dans une infinité de nuances, d’expressions, dans une mimique précise, dans la répétition du quotidien. Ce sont les détails qui donnent de la couleur à l’amour qu’on ressent, qui nous font basculer entre des vagues d’empathie, de désir, de profonde amitié ou dans l’osmose. Sorti de son contexte intime, l’amour qu’on nous montre généralement dans les films et les publicités sent le cheddar mal vieilli. Mais pas ici, dans cette publicité allemande du fournisseur de produits pour coloristes Schwarzkopf, créée par l’agence BBDO.

Vous me trouverez cucul ou romantico-quétaine. Et vous aurez probablement raison. N’empêche, j’aime ce film car il dissèque en quelque sorte le sentiment amoureux pour lui donner un sens en lien direct avec la couleur, soit l’attribut principal du produit annoncé en bout de ligne.

Laissez-vous aller un peu pour la Saint-Valentin, en vous disant que même si cette fête bidon et artificielle ne sert qu’à vendre des trucs inutiles et à torturer certains célibataires en véhiculant des gonzillions de clichés éculés, elle nous sert également de rappel nécessaire. Car si nous savons que l’amour se vit au quotidien, nous savons tous aussi que c’est ce même quotidien qui vient en altérer la couleur, quand on ne sait pas préserver notre cocon des tracas insidieux d’une vie trop souvent agressante. Un peu d’amour qui sent le fromage, dans une époque sans âme où le temps file comme un voleur? Oui, je le veux.

lundi 10 février 2014

La moutarde hot-dog

Pour accorder une valeur à la culture, encore faut-il préalablement pouvoir comprendre son rôle. La culture représente un reflet double, soit celui d’oeuvres d’artistes qui témoignent individuellement de leur vision du monde par leur griffe unique, mais aussi le reflet de ce que nous sommes collectivement, de notre état du monde à nous, en occurrence au Québec. De tous les temps, les impératifs commerciaux ont dicté une partie de la production culturelle. Sans moyens, l’artiste ne peut créer. Mais de qualifier certaines oeuvres selon leur seule atteinte d’objectifs marketing relève de la plus pure ignorance. Je ne parle pas ici de rabrouer ce qui est qualifié de «populaire», au contraire, mais bien de cette absurdité de percevoir le processus créatif avec comme impératif principal de plaire aux masses et non de témoigner d’une vision. Que des gens comme Vincent Guzzo, dont je ne doute absolument pas de la bonne foi, souhaitent que le cinéma québécois soit plus accessible et «vendeur», n’est pas en soi un problème, tant que ça reste un souhait et un constat en lien avec des goûts personnels. Là où le bât blesse, c’est quand il minimise le réel apport culturel d’oeuvres dites «moins populaires» en diminuant leur valeur. Pire encore, quand je vois M. Guzzo jouer à la victime rabrouée des «créateurs-obscurs-et-hautains-qui-ne-veulent-accepter-sa-lucidité et-ses-lumières», je me dis qu’être à la fois un diffuseur dont les intérêts financiers personnels dépendent de la vente de billets, et un juge des caractéristiques artistiques, relève du conflit d’intérêts le plus basique qui soit. 

Combien d’artistes célèbres ont été ignorés de leurs contemporains? Combien d’artistes québécois ont été boudés par la population jusqu’au moment où une validation extérieure, qu’elle soit américaine ou française, vienne soudainement les rendre attrayant à la suite d’un reportage au bulletin de nouvelles du soir? Les artistes possèdent généralement une sensibilité et une vision de ce que nous sommes collectivement, voire un recul, qui échappent à la moyenne des ours. En entretenant la culture par des subventions publiques, nous cultivons notre empreinte collective au monde dans lequel nous vivons et, par le fait même, nous nous rendons attrayants à l’extérieur, car symbolisés, avec notre couleur propre et nos codes uniques. La notion de culture évoquée par Vincent Guzzo et nombre de tenants d’une droite lucide et pragmatique, s’apparente à de la moutarde hot-dog : elle possède une saveur aussi uniformisée qu’indifférenciée à l’échelle occidentale. C’est en soi une vision à courte vue de notre société qui ensache une quête inconsciente d’assimilation dans un contexte de négation du soi collectif. Soyons plutôt fiers de nos créateurs, peu importe le degré de popularité de leurs oeuvres et mettons plus d’accent sur la qualité de leur condition. Leurs démarches sont souvent douloureuses, leurs statuts précaires, leur courage immense, mais surtout, ils sont les gardiens indispensables de notre ADN, de notre essence, de notre nature. Assumons cette nature au lieu de l'aseptiser en nivelant par le bas.

mardi 4 février 2014

Les mesquins



Ce n'est pas d'hier que certaines grandes marques s'affrontent sur le terrain publicitaire. Que ce soit dans le secteur de la restauration rapide, des boissons gazeuses, des ordinateurs ou encore des fournisseurs de services cellulaires, ces duels illustrent généralement une réalité marketing où le «challenger» vient attaquer le roi d'une catégorie en s'y frottant comme le feraient des plaques tectoniques.

De la perspective branding, agresser la concurrence peut ajouter à la virilité d'une marque et par le fait même à son pouvoir attractif, mais peut aussi contribuer à miner le capital de sympathie d'une entreprise en lui collant une personnalité teintée de cupidité, de malhonnêteté. Feriez-vous confiance à une personne qui se remonte sur le dos des autres constamment? Savoir être sympathique et arrogant à la fois est un art.

Dans cette nouvelle publicité de RE/MAX, l'organisation vante le fait qu'elle vend plus et plus vite. C'est une approche qui a le mérite d'être limpide et centrée sur la préoccupation principale de ses clients potentiels. Un père, agent d'immeuble, dénombre toutes ses ventes à son garçon. Jusqu'ici ça va, même si son fils est clairement instrumentalisé. Là où je trouve la stratégie de création discutable, c'est lorsque le papa réagit à la mention d'une maison invendue, représentée par un concurrent, en arborant un sourire totalement mesquin. À ce moment précis, cette marque devient pour moi un monstre à abattre. C'est qu'il faut comprendre que la perception des principaux rivaux de RE/MAX est complètement confondue, notamment parce que «Proprio Direct» (celui qui est carrément attaqué et dont le logo est pastiché, probablement à cause de sa présence publicitaire récente) et «Du proprio», sont des noms entremêlés dans l'imaginaire des masses. Alors au lieu de miser sur cette confusion pour attaquer les faiblesses des «directs», elle contribue à donner implicitement une importance qu'elle ne devrait jamais donner à l'un d'eux en particulier. Et c'est sans compter sur le manque total d'empathie et de respect démontré par ce courtier RE/MAX envers un client potentiel qui ne l'a pas choisi. Sa satisfaction semble malsaine, point.

En 2014, se contenter d'affirmer gratuitement que son sexe est plus gros et plus long que celui du voisin ne suffit plus. Il faut le faire avec le bon ton. Avec dérision. Avec assurance. Le consommateur sait généralement distinguer le vrai du faux et arrivera à se faire une idée réaliste de ses options en consultant son entourage. La publicité représente une formidable occasion d'entamer une relation avec ce dernier, mais encore faut-il qu'elle soit à la hauteur de ses valeurs. Or, cette publicité de RE/MAX trahit surtout les insécurités de ceux qui l'ont mise en onde, en prônant bien maladroitement une attitude méprisable à l'égard de ceux et celles qu'elle veut courtiser. Là où ses courtiers devraient être représentés comme des partenaires humains et sensibles, ils sont incarnés par un «smatte» à qui on voudrait botter le derrière. Je ne voudrais pas des clients que cette campagne va attirer, si elle en attire...

dimanche 2 février 2014

Faire un pas


Faire un pas - Bande-annonce de 60 secondes from OTSTCFQ on Vimeo.

Au début des années 2000, j'avais à peine 30 ans. À une étape où je devais commencer à m'établir, à construire ma vie, à capitaliser sur mes forces et à passer à un autre niveau, rien n'allait. Absolument rien. De l'hystérie d'une blonde-victime-de-la-vie qui abusait du Paxil aux frasques paternelles en passant par un associé qui sombrait dans le nuage de prétention de sa fumée de tétrahydrocannabinol à partir de 8h le matin, je me sentais attaqué de toutes parts. En fait, tout ça n'était que le reflet de ce que j'étais, de mes choix, de mon parcours. Je ne pouvais changer la nature des gens de mon entourage, mais je pouvais choisir de vivre autre chose. Un jour, à bout de jongler avec des idées sombres, j'ai demandé de l'aide et ce fut le début d'une autre vie pour moi. MA vie. Pas celle des autres, la mienne. Oui, y arriver a été très pénible: une rupture amoureuse et une amicale avec ledit associé, des problèmes financiers, de la vulnérabilité, mais j'y suis arrivé et jamais je ne retournerais en arrière. Aujourd'hui tout ça me semble si loin, mais quand j'y repense, ça m'apaise sur la qualité du chemin parcouru depuis et sur l'état de ma vie, maintenant.

Je me suis souvent demandé à quel moment ou quel déclencheur m'avait poussé à me tourner vers l'aide disponible. Malheureusement, plusieurs s'engouffrent sans avoir l'énergie de faire ce pas et se perdent indéfiniment dans la douleur. Ça ne doit surtout pas rester ainsi. Parmi ceux qui peuvent initier cette étincelle de changement, il y a les travailleurs sociaux. Ils savent détecter la toile sur laquelle nous sommes englués. Ils peuvent identifier des causes. Parfois ces causes sont en nous, mais souvent elles sont à l'extérieur de nous: personne ne se lève le matin avec la ferme intention de perdre son emploi ou de voir sa vie basculer par la mort d'un proche, d'un enfant. Personne ne se lève le matin en désirant la précarité de sa famille au détriment du confort et de la chaleur d'un foyer. Mais trop de gens ignorent encore que les TS peuvent aider. La campagne de sensibilisation que Défi lance aujourd'hui pour l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, et que je vous présente ici en primeur, vise justement à démystifier plusieurs perceptions et à inspirer certaines personnes à demander de l'aide. La misère humaine existe et arbore plusieurs visages. Le train de la vie ne passe qu'une fois et c'est notre responsabilité à tous de tenter d'en faire une expérience digne. Tout ce qu'il faut pour tout changer, c'est parfois un simple geste, un appel… Ça vient de soi. Faire un pas, c'est ça. C'est aussi le thème de cette campagne.

Ancrée sur un film de près de 7 minutes dont la promotion se fera par des bandes-annonces de 60 secondes et de 30 secondes à la télé, la campagne sort du carcan publicitaire habituel en transposant le septième art. Le film, disponible sur un microsite qui offre des compléments d'information et des ressources, vit par lui-même et représente le résultat d'une collaboration exceptionnelle entre des individus qui voulaient que ça fonctionne. L'équipe du client (Luc, Anouk et Lucie pour ne pas les nommer) a été merveilleuse de compréhension du concept et d'osmose avec notre gang à l'agence, tant lors de la préparation que sur place lors des tournages et des séances d'enregistrement. Mon ami Félix Bernier a réellement mis toute la gomme à la réalisation et à la composition de la musique en investissant sa sensibilité au profit d'un projet plus grand que nous. Les figurants ont tous été merveilleux: à la fois humbles, touchants et généreux. À ma complice Marie-Michèle, à Sandrine, Fred, André, Normand, Christiane et à tous ceux qui se sont donnés pour ce projet chez Défi: merci! Je dis souvent que je suis fier de notre équipe, mais je ne l'ai probablement jamais été autant qu'aujourd'hui. Ce projet prouve que notre modèle, celui d'une agence boutique entièrement intégrée, est parfaitement rodé pour développer des campagnes aux facettes multiples, de la création à la réalisation, en passant par le design, le Web, la stratégie média et les réseaux sociaux. Alors si la campagne vous plaît, partagez-la sans vous ménager. Faire un pas, c'est une étincelle qui pourrait en allumer plusieurs vers une vie meilleure. 

Les bandes-annonces et le film sont disponibles sur le microsite de la campagne: FaireUnPas.ca. La campagne sera lancée ce soir par la diffusion de la bande-annonce de 60 secondes, montrée en intro de ce billet, lors de l'émission Tout le monde en parle.

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