mercredi 1 janvier 2014

Les clics vides


Le rendement de la publicité se mesure plus que jamais. En établissant des liens entre certaines données et les ventes, les stratèges arrivent donc, en amont, à favoriser tangiblement l'atteinte des résultats. Tout ça est très bien, car la publicité a trop été et ne doit surtout plus être un poste comptable associé à une perte volontaire mais incontournable à la crédibilité d'une organisation dans son écosystème sectoriel. Combien de clients m'ont déjà confié qu'ils fantasmaient à l'idée de ne pas faire de publicité pendant quelques années pour vérifier si elle était réellement essentielle? Les métriques sont et demeureront au coeur de l'efficience marketing. En douter équivaudrait à douter que la terre est ronde.

D'un autre côté, la mesure entraîne trop souvent cette obsession quantitative pour les clics, pour le potentiel viral des campagnes; une quête de chiffres qui ne veulent souvent rien dire en bout de ligne. Tout ça devient déprimant, car on confond selon moi certaines notions relativement contradictoires. Atteindre des millions de clics ne signifie aucunement qu'une campagne est pertinente sur le plan créatif et génératrice de résultats. Cela confirme plutôt qu'elle est populaire. Or, avez-vous déjà vu un album de Radiohead exploser les ventes? Ou un film de Wes Anderson défoncer le box office? La popularité et l'excellence sont deux concepts la plupart du temps incompatibles (à plusieurs exceptions près, j'en conviens, notamment pour les Beatles). Voulez-vous être populaire ou exceller? À qui voulez-vous vraiment parler? La publicité est une question de choix, certains sont difficiles.

J'en entends déjà me répondre que maximiser la portée en publicité est en soi un gage de succès… Mais de quelle portée parlons-nous? Pour qu'une publicité soit commercialement performante, qu'elle soit un film sur le Web ou encore un contenu enchâssé sur un palmarès de Buzzfeed, elle doit favoriser une attribution très nette de la marque tout comme une rétention du bénéfice, qu'il soit en estime de soi ou simplement fonctionnel ou ludique. Or, pour transmettre efficacement un bénéfice, il faut que la marque soit crédible, que son message demeure clair et surtout, qu'il colle à l'esprit. Cette dernière caractéristique est primordiale et trop souvent évacuée. Coller à l'esprit est absolument le contraire d'un rire momentané entre deux photos de chats. Coller à l'esprit nécessite quelque chose de plus profond, de plus proche de la cible et de sa réalité. Pour qu'un message colle, il doit réellement imprégner l'individu. Je crois sincèrement que la très grande majorité des campagnes statistiquement délirantes en nombre de clics ne collent pas. Elles provoquent des réactions, mais elles disparaissent de la mémoire tout aussi rapidement, catégorisées dans la case des divertissements éphémères. Après la période des calories vides, nous en sommes à l'époque des clics vides. Certaines agences Web en sont même devenues des spécialistes. On garantie 15 000 adeptes Facebook en deux mois. On promet des centaines de milliers de vues sur Youtube. Mais on en vient à oublier l'essentiel: la relation. Ce qui est acquis facilement se perd facilement. Ne tombez pas dans ce panneau. Vous et votre organisations valez plus que ça.

Pour 2014, je vous souhaite moins de fans acquis par des concours futiles, moins de «followers» qui se foutent de votre gueule, moins de visionnements compulsifs et moins de clics inutiles. Je vous souhaite surtout de la qualité, de la complicité, des liens vrais et de la performance marketing et publicitaire qui dépasse la courte vue des gestionnaires à la petite semaine. Je vous souhaite un succès ancré dans les fondations de marques fortes et signifiantes qui sauront concilier la nécessité de contribuer au tissus social, à celle de combler les attentes des actionnaires. Je vous souhaite une pile de fric haute comme la Place Ville-Marie si c'est ce que vous désirez, mais de grâce pour les bonnes raisons. Mais vraiment, vraiment, moins de clics vides. 

Bonne année!

1 commentaire:

  1. Tout cela me fait penser au grand dilemme de la franchise Star Trek chez Paramount.

    La série originale de Star Trek fut en ondes à NBC de septembre 1966 à juin 1969, à une époque, faut-il le rappeler, où les États-Unis étaient en mode de conquête lunaire. Pourtant, au bout de la troisième saison, pour des raisons de baisse d'audience (mesures à court terme), NBC retira la série de sa programmation...

    Résultats 55 années plus tard?

    L'originale de la série Star Trek a été et toujours en rerererererediffusion dans je ne sais combien de langues et combien de pays dans le monde; 4 autres séries furent créés à partir de la première idée originale de Gene Roddenberry (Star Trek: The Next Generation, 7 saisons d'une vingtaine d'épisodes, toujours en rediffusion; Star Trek: Deep Space Nine, 7 saisons d'une vingtaine d'épisodes, toujours en rediffusion; Star Trek: Voyager, 7 saisons d'une vingtaine d'épisodes, toujours en rediffusion; et Star Trek: Enterprise (dont l'histoire est la genèse de tous les Star Trek), 4 saisons d'une vingtaine d'épisodes, toujours en rediffusion. Puis 6 films avec l'équipe de la série originale, 4 films avec l'équipe TNG et 2 autres films dont la mission visait à recréer le monde de Star Trek (reboot). Sans parler d'une communauté de fans inconditionnels (et j'en suis un) que l'on nomme Trekkies.

    Quelle démonstration suis-je en train d'établir avec cet exemple de Star Trek vs le monde de la publicité? Celle de la force d'une marque.

    Je pense qu'il ne serait nullement exagéré de comparer la force de la marque de Star Trek au monde télévisuel et cinématographique à celui de Coca-Cola ou celui d’Apple dans le monde de la consommation et de la publicité.

    Qu'est-ce qui dénote la force d'une marque? Une publicité ou encore la croissance de la force de cette marque dans l'esprit du consommateur, qui ne peut se mesurer que son évolution dans le temps et son encrage dans l'esprit de la communauté des consommateurs? Il me semble que poser la question s'est y répondre.

    Est-ce les publicités faites par Paramount qui m'ont incité à aller voir le dernier Star Trek (Into Darkness) lorsqu'il est arrivé au cinéma? Aucunement, je n'en pouvais plus d'attendre la suite dès la fin du visionnement du précédent, quelques années auparavant. On pourrait noter un comportement similaire aux inconditionnels de Apple lorsqu'un nouveau produit est annoncé. Cependant ces publicités ont peut-être permise à de nouveaux amateurs de devenir des Trekkies après le visionnement du film. Mais cela ne se mesurera pas maintenant, que dans quelques années.

    Ce que je crois comprendre du message de Mathieu en ce début d'année et que je me permet de complémenter, d'une certaine manière, est que beaucoup trop de patrons d'entreprises se laissent prendre au piège du résultat immédiat, à très court terme, sans avoir aucune espèce vision d'avenir à long terme d'un produit, d'une marque ou de leur propre entreprise. Ce qui compte uniquement c'est le gros profit à court terme uniquement. C'est une erreur de taille!

    Warren Buffet a-t-il construit sa fortune personnelle sur ce genre de philosophie économique? D'aucune manière. Buffet est reconnu pour investir sur des valeurs sûres, parfois même sous-estimées, mais dont le rendement est modeste et durable. Le gros profit à court terme ne l'a jamais intéressé et ne l'intéressera jamais non plus.

    S'il y a une attitude qu'un patron d'entreprise doit avoir en termes de gestion de marque, de marketing et de publicité, elle se doit être modelée sur celle de Buffet en matière de finances et d'économie.

    Et si tous les patrons d'entreprises avaient une philosophie comme celle de Buffet, les récessions économiques deviendraient accidentelles et très rares.

    Normand Perry.

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