Coca-Cola vend de l'eau sucrée. Ou de l'eau du robinet embouteillée mais purifiée pour justifier l'arnaque. Ou des variantes avec succédanés du sucre. Et oui, l'entreprise vend aussi du jus. En fait, Coca-Cola est une entreprise qui veut simplement générer des profits, comme toute autre entreprise privée oeuvrant dans une économie de marché: c'est normal. Le sucre fait grossir. Soit. Il fait grossir, a tendance à dérégler le pancréas et, consommé sans modération, amplifie les risques de problèmes cardio-vasculaires. Est-ce que le sucre doit être banni pour autant? Non. À ce compte-là, faudrait bannir toute forme de vie à l'extérieur d'un bunker nucléaire.
Coca-Cola vend de l'eau sucrée. Elle vend aussi du réconfort et de la nostalgie. Elle propose un plaisir basique et ne devrait s'en excuser. Coca-Cola n'est ni ma mère ni mon père, elle n'a pas à jouer au ministère de la Santé pour se donner bonne conscience ou tenter de se reconstituer un capital de sympathie. Quand elle se donne la mission de réduire le nombre de calories ingérées par ses clients, elle me ment. De un, parce qu'elle sait très bien, et ce depuis plus de 50 ans, que ses produits sont souvent nocifs et caloriques. De deux, parce que son nouveau positionnement n'a été provoqué que par la décroissance des ventes de son produit principal. Et moi, une entreprise qui joue à la bonne maman après avoir gavé ses enfants de sucre pendant des décennies sans se soucier de leur santé, ça ne m'émeut pas. Ce n'est pas comme si les corollaires entre l'ingestion de sucre, la prise de poids et les problèmes de santé dataient d'hier. Respecter l'intelligence du consommateur, c'est être capable de dialoguer avec lui d'égal à égal. L'infantiliser, ne serait-ce qu'au deuxième niveau, relève d'une arrogance bien maladroite.
Coca-Cola vend de l'eau sucrée. Elle n'a pas à vouloir mon bien. Elle doit respecter les lois, les règlements et me proposer un produit ou un service exceptionnel. Or, quand je constate ce que Coke offre, je réalise que c'est tout sauf exceptionnel, de là son intérêt à faire diversion avec un discours opportuniste de solidarité sociale. Sa nouvelle publicité est un écran de fumée, car si Coke voulait vraiment mon bien, elle assumerait son produit classique sans en diminuer la taille de la canette. Quand une entreprise comme Coca-Cola en est rendue à prôner un discours qui vise à nous convaincre de sa réelle préoccupation pour notre santé, c'est que notre sens collectif du jugement se retrouve à des niveaux abyssaux, c'est que les politiques de sensibilisation de nos gouvernements sont une faillite, c'est tout simplement un gros constat d'échec de notre capacité de juger par nous-mêmes des plaisirs qu'on peut s'offrir. C'est un symptôme pire que celui de la surcharge pondérale: c'est celui de notre maigreur intellectuelle.