vendredi 13 décembre 2013

Donner


Noël, ce n'est pas un temps pour communiquer de la bouillie commerciale et pour jouer le jeu de l'image. Non.

C'est plutôt l'occasion de se démaquiller, d'enlever toutes les croutes superficielles de sa personnalité, toutes les couches de vernis qui nous blindent, de notre visage tous les sourires faux qui servent de diversion; c'est une chance de supprimer de nos vies les illusions confortantes, les mimiques défensives, les réflexes néfastes; de dissoudre toute cette rancoeur refoulée, de lâcher prise devant ses peurs, de rayer les prétextes habituels, de cesser de se donner raison quand on sait qu'on a tort, d'accepter l'injustice en l'annihilant par l'action; en combattant l'anxiété par le geste, les craintes par l'amour, en se donnant, en s'abandonnant. 

Là où j'évolue, chez Défi, nous sommes une famille. Dans un secteur où le taux de roulement des employés est délirant, à l'image des valeurs des agences de publicité qui le composent, notre équipe est stable et soudée malgré sa diversité étonnante. Là où la complaisance deviendrait un piège pour certains, où les routines pourraient miner la performance des autres, notre équipe sait se développer et se surpasser dans l'effort, dans la cohésion et dans l'innovation. J'aime notre équipe et j'en suis fier. Alors quand nous avons discuté de ce que serait notre carte de Noël d'agence cette année, plusieurs idées ont été amenées. Certaines drôles et décalées, d'autres plus classiques, et finalement, celle-ci, qui synthétise l'esprit de Noël au-delà du mercantilisme puéril : «Noël c'est donner». 

Alors nous vous offrons aujourd'hui en primeur ce film sans prétention réalisé par notre magicien Félix Bernier, un film sans couleur, mais fait avec tout notre coeur et dont l'imagerie et la facture représentent ce que nous sommes chez Défi, sans artifice: une équipe qui se donne souvent sans compter, mais toujours avec l'intention de dépasser les attentes tout comme ses propres limites. 

À l'approche de cette période annuelle où nous faisons tous le point, merci à tous nos clients, passés, actuels et en devenir, votre confiance nous a propulsés à une multitude de destinations, souvent inconnues mais toujours fascinantes; merci à tous mes lecteurs, fidèles, infidèles, parfois critiques, toujours pertinents; merci à chacun des membres de mon équipe pour ce que vous êtes: Stéphanie, Ginette, Sandrine, Christiane, André, Fred, Normand B, Normand P., Manon, Félix; merci à mon associée et indispensable complice Marie-Michèle avec qui j'aurai le privilège de façonner l'avenir de l'agence, et un immense merci pour toutes ces années de passion à Claude, notre fondateur, notre mentor, notre lucidité. 

À tous et toutes, vous avez fait de moi une meilleure personne cette année, je le crois sincèrement. On se reparle bientôt en 2014 pour la suite de nos aventures. 

Joyeux Noël et bonne année!

Mathieu

dimanche 1 décembre 2013

Le temps perdu


C'est dimanche et j'ai vraiment pas envie de parler publicité, alors vous êtes avertis…

Il y a deux jours j'avais 6 ans et mon père, déguisé en Père Noël, arpentait la rue Dany jusqu'au 373 en jouant le jeu avec sa grosse voix. J'y croyais, mon frère aussi et c'était magique, tous ensemble. Le lendemain nous étions chez ma mère, j'avais 20 ans et la famille, disloquée, tentait tant bien que mal de tenir le coup. Aujourd'hui c'est décembre et l'esprit de Noël envahit la maison et les yeux de mon fils. J'ai quarante-deux ans et je réalise que tout sera terminé demain. Tout. C'est comme ça. Les minutes nous font vibrer, souffrir, parfois interminables, mais les années filent en un flash sans que nous nous en rendions compte.

Un typhon, il s'appelle Haiyan. Des milliers de morts aux Philippines, dont des centaines d'enfants… Mais si le nôtre a le malheur de se faire un bleu sur le front avec un ballon de basketball, nous nous retrouverons, outrés, à commenter notre poursuite au civil de la compagnie de ballon sur le show de Denis Lévesque tout en donnant des conférences de prévention sur le sujet dans les écoles. Mais des centaines de morts d'enfants n'entraveront en rien notre achat d'un gros SUV ou d'un deuxième véhicule. Nous allons donner notre 20 piastres à la Croix-Rouge mais ce sera un achat comme un autre, celui de notre apaisement. Car notre contribution à l'amplification des phénomènes climatiques demeure trop abstraite pour notre petite conscience. Minou disparaît dans la nature? Ce sera le psychodrame interminable sur Facebook, avec photos et tout. Au même moment, des espèces disparaissent à jamais de la surface de la terre et ça ne nous fait pas un pli sur le nombril. Nous serons tous devant notre télé en février prochain à regarder les Olympiques se dérouler dans un pays qui matraque les homosexuels et l'idéal des Jeux. Mais si notre frère ou notre meilleur ami se fait tabasser par la police à cause de son orientation sexuelle, nous serons les premiers à démarrer une pétition en ligne exigeant le congédiement des officiers coupables ainsi qu'une refonte complète de la formation et du processus d'embauche de la police. 

Nous sommes collectivement tarés. Quand le mal est plus grand que nous, il devient translucide. Nous demeurons intelligents mais restons le nez collé sur la fenêtre de nos vies, notre souffle provoquant de la buée. Nous ne savons plus distinguer nos envies de paraître de notre bien, de celui de nos enfants, au-delà des anecdotes.

Aujourd'hui c'est décembre et ça fait cent ans que Proust a publié Du côté de chez Swann, le premier tome de À la recherche du temps perdu. La période des Fêtes représente le pointeur émotionnel le plus puissant, car elle réfère à l'enfance, à la famille et souvent, par association, à la douleur de la perte. Comment en arrivons-nous à laisser filer le temps tout en abdiquant nos devoirs et nos responsabilités? Pourquoi nous mentons-nous ainsi? Je crois à notre intelligence, elle est là, mais elle semble figée au quotidien. J'aimerais que la nostalgie déclenche une cascade d'actions intelligentes sur le plan collectif, au-delà des dons diachylons, nécessaires mais stériles à changer la nature néfaste des choses. Pour qu'à travers l'oubli de soi, dans l'action, nous retrouvions enfin le temps perdu.

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