Quand la nature d'un service est fondée sur des valeurs superficielles, que sa facture, et je ne parle pas d'argent, demeure vulgaire au point où la viabilité même de la marque dépend entièrement d'une concentration démographique intense ou d'une défaillance culturelle, c'est qu'on a affaire au fruit le plus nauséabond du capitalisme occidental d'un point de vue sociologique: je parle ici de la chaîne de restaurants Hooters.
La marchandisation de la poitrine féminine, cette utilisation grossière des implants au silicone comme appâts pour attirer des hommes qui n'ont visiblement pas constaté la réalité de la révolution sexuelle, trop occupés à dévorer des ailes de poulet aussi infectes que mortelles pour leurs artères, en dit beaucoup sur la voracité d'une entreprise à vouloir engranger les profits au détriment du respect élémentaire. Mais lorsque dans une publicité dont la seule stratégie est la controverse, Hooters s'en prend directement à l'apparence des femmes âgées, elle se dégrade elle-même plus qu'elle ne pourra jamais dégrader qui que ce soit. Aucune controverse ne générera de croissance tangible lorsque basée sur l'embarras. Hooters a donc fait le choix du démarketing, probablement par stupidité, ou pire encore, par cupidité, et elle aura à en payer cher le prix. Personne ne rit.
Mais quel est ce prix au juste? Simple, c'est sa clientèle. Elle devra son existence à un segment de plus en plus rare, constitué de machistes abrutis qui calent de la bière à en vômir et de neuneus qui ne connaissent que l'odeur de leurs ébats solitaires dans l'humidité du sous-sol de chez leurs parents. Et voyez-vous, optimiste comme je suis, je crois à la décroissance rapide de ce segment «d'infirmes de la sexualité», qui relève d'une autre époque. Les temps changent, certaines régions des États-Unis restent à la traîne et se réjouissent toujours de voir leurs Hooters prospérer, c'est le propre des rétrogrades de se réveiller en retard à la fête du progrès, mais bon, ici au Québec, Hooters n'a jamais vraiment percé, à part pour une succursale à Greenfield Park. L'éminent Jean Boileau me faisait d'ailleurs remarquer que le resto de Gatineau n'avait pas fait long feu.
Vous comprendrez que disséquer cette publicité aurait été l'équivalent de préparer un poulet oublié 3 semaines d'été dans le coffre arrière d'une AMC Eagle 1981. Mais je ne peux m'empêcher de vous faire remarquer le comble de l'inélégance dans les gestes et les regards de ce sauveteur attardé, lors des derniers moments de la publicité. Quand l'âgisme et le sexisme sont vos seuls arguments de vente, c'est que vous êtes résolument au service de la honte.
Un gros merci à Jason Lemire pour m'avoir aiguillé sur cette pub via Roch Courcy.