L'annonceur: le Rona de la Norvège nommé Byggmakker. L'énoncé final montré en langue norvégienne: «Nous aidons les autres à réussir». Une promotion sur le plancher flottant? Non. Des produits placés subtilement dans la publicité? Aucun. Qu'un message, induit à la fin de la publicité; que des humains, des situations aux antipodes de la marque; qu'une grande valeur: aider. Vous me direz qu'ils les vendent leurs produits et vous aurez bien raison. Mais ils les vendent avec élégance, en faisant appel à notre intelligence, en se positionnant comme notre allié, en soutenant nos aspirations, nos projets. Des annonceurs de cette catégorie chez nous ont flirté assez intensément avec ce type d'approche sans jamais réellement repousser les limites établies, les frontières convenues. C'est typique car ça fait peur d'évacuer le «tangible» de notre publicité, particulièrement dans le secteur de la vente au détail où le produit est roi, encore plus quand on est redevable à un gestionnaire à cravate qui connaît autant la communication qu'un enfant la physique quantique. Ça ne veut toutefois pas dire qu'on ne doive pas essayer. Dans cette publicité norvégienne, on a réussi.
Le fameux saut créatif, ce passage du tangible au concept, ce saut dans l'imaginaire et dans l'émotion, il est plus souvent qu'autrement avorté pour des causes politiques plutôt que pour de réelles causes marketing. Ce phénomène est la résultante de la peur. Pour s'en affranchir, il faut savoir se convaincre et persuader les autres de l'importance de se démarquer de la concurrence dans l'esprit du consommateur. Il faut aussi assumer qu'une erreur motivée par un souci réel de changement rapportera toujours plus, ne serait-ce qu'en apprentissages, que la sempiternelle application de la même recette plate. Moi, je ne les vois plus les publicités de Brault et Martineau. Ni celles de Léon et de nombreux autres annonceurs si insipides qu'ils forcent mon cerveau à les zapper de ma mémoire malgré moi, voire pire encore, à ne tout simplement plus les voir, même si j'y suis exposé des centaines de fois dans la semaine. J'ai récemment été confronté à une huître aussi fermée que terrifiée à l'idée de modifier une recette, la sienne, qui a mené son entreprise à une décroissance progressive de ses affaires. Des pertes pour lui bien tangibles, mais pas au point de défier l'ordre établi.
Se battre pour sortir des sentiers battus, forcer la main de nos supérieurs et risquer, faire arriver des choses, apprendre et avancer, redéfinir la manière de communiquer d'une marque pour la faire passer à un autre niveau, je crois que c'est un défi qui n'est pas relevé assez souvent au Québec. Je crois aussi que de s'y investir peut réellement mener à attirer l'attention des projecteurs du reste du monde sur notre entreprise. Car l'intangible, au service des marques, je le crois fermement, peut entraîner des montagnes de dollars, celles-là bien tangibles...