C'était à l'automne 1988. J'arrivais avec mes 140 livres, mouillé, au Cégep Bois-de-Boulogne pour y étudier en Lettres. Avec un ami qui provenait du même collège que moi, nous avons décidé d'aller investir le local du journal étudiant pour pouvoir y profiter d'un rutilant Macintosh SE, un cube beige aujourd'hui insignifiant. Et peut-être d'y rencontrer des gens. Des gens, il y en avait. Pas vraiment des gens intéressants avec le recul, mais certaines personnes qui m'ont permis de m'incruster au sein de ce clan pour y devenir le directeur l'année qui suivit. Certains sont devenus animateurs à la télé, d'autres des publicitaires, comme moi, tandis que plusieurs ont pris le chemin de l'informatique, du droit ou du génie. Mais cette décision d'aller faire un petit tour au local du journal a été déterminante dans ma vie. J'y ai rencontré mes meilleurs amis lors de la deuxième année, mon premier amour aussi. J'y ai finalement découvert ma passion pour le design, le graphisme et aussi pour l'écriture. En plus d'un sens instinctif du leadership, grossier mais tangible, à peaufiner. Je le peaufine toujours.
Des petites initiatives comme celle-ci, je pourrais vous en énumérer des dizaines. Elles ont toutes eu un impact majeur sur le cours de ma vie. L'enchaînement de décisions prises sur le moment, sans trop y penser, ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. On a toujours une idée assez fidèle de ce qu'un choix entraînera comme impact immédiat, mais pratiquement jamais assez de recul pour prévoir où la combinaison nous mènera. J'ai récemment pris part à une sorte de cocktail de retrouvailles de mon ancien collège au secondaire. Certaines personnes s'en sont visiblement bien tirées, d'autres moins, mais une constante s'exposait: ce sont ceux qui représentaient un potentiel flou et qui étaient les moins «populaires» à l'époque, qui avaient le mieux ouvert leurs ailes et exploité leur potentiel par la suite. Ces éclosions tardives avaient produit des papillons plus épanouis, tandis que les «populaires» étaient restés pris avec leurs tics, figés dans ce qu'ils considéraient peut-être comme leur apogée hâtive. Pris au piège dans leur cocon doré.
La publicité en introduction démontre par l'absurde à quel point nous sommes la résultante d'une chaîne d'événements. C'est une bonne publicité, possiblement plus un beau prétexte pour que je vous raconte ma petite histoire, mais une bonne publicité quand même. Car je crois que l'effet papillon existe vraiment et que les décisions et choix que nous prenons, souvent trop précoces pour en mesurer l'impact réel, affectent vraiment le cours de notre vie et de celle de nos proches. Il n'est par contre jamais trop tard pour bien faire. Le pouvoir de changer nous appartient, si la douleur et la peur ne nous figent pas trop les ailes...