mercredi 12 décembre 2012

Faire le point

L'année s'achève. Ceci est mon 81e billet de 2012 et mon dernier de l'année. Les prochaines semaines me serviront à faire le point. Je vais travailler fort, puis prendre congé en famille, dans ma tanière. Il est facile de tomber dans les perceptions trop négatives ou trop positives. De voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Je nous sens dans une période volatile. On se cherche collectivement. On prétend beaucoup mais on vit peu. Beaucoup de paroles, de jugements, d'accusations, de constatations, mais peu de changement sur le fond. Peut-être pas assez de recul. Cette année a été, en publicité, une année très très moyenne. Peu de coups de coeur. À la lumière de la société dans laquelle nous évoluons, à sa remorque même. Les créatifs marchent plus que jamais sur des oeufs. Tout et son contraire peut engendrer un tollé de contestations. Les meilleures intentions ne suffisent plus: il faut être plus blanc que blanc, plus limpide que de l'eau de roche, plus honnête que le pape, fût-il honnête. Ma prochaine conférence, que je donnerai à l'UQAM en avril prochain, portera sur ce thème de la rectitude politique en création publicitaire.

Je suis loin d'être un saint et de prétendre être au-dessus de la mêlée. J'ai parfois critiqué des campagnes que je n'aurais jamais dû critiquer. J'ai conçu au moins un concept qui a été contesté par plusieurs même si je visais exactement le contraire. Cet univers de perception est plus glissant qu'une pelure de banane. Personne n'est à l'abri d'un faux pas. Rien n'est jamais acquis. Ce contexte est à la fois exaltant et déstabilisant. Mais aussi très frustrant parfois, croyez-moi.

J'amorce une autre période charnière de mon cheminement professionnel. Mes ambitions sont grandes, mon égo probablement trop gros, mais je me rattache à un idéal, mon idéal, celui de faire «performer» des marques et des organisations grâce à de la publicité qui respecte l'intelligence du consommateur. Je vous mentirais si je n'admettais pas que mes convictions sont constamment ébranlées par la connerie ambiante, mais je persiste et je signe. En publicité, la concurrence est féroce, omniprésente, créative, solide. Pour évoluer dans mon milieu, faut pas trop penser et foncer. Mais là, en cette fin d'année, j'ai décidé de réfléchir un peu avant de foncer à nouveau, pour mieux avancer. Pour contribuer plus efficacement à l'émergence de l'agence où j'évolue. Tout ça en prônant mes valeurs.

Merci de continuer à me lire même si je me fais moins présent. Cette année, j'ai tenté d'écrire moins mais mieux. Le temps me dira si j'ai réussi. Ce blogue est à la fois, pour moi, un laboratoire, une thérapie et un lieu d'échange. Et sans vous il n'existerait pas. Je vous souhaite à tous et toutes des Fêtes ambrées d'émerveillement, de joie et de paix. Je vous reviendrai en 2013 pour mes voeux de début d'année. Je vous laisse sur une rétrospective bien ficelée, signée Google, vue sur le mur de mon fidèle ami Jordan ainsi que sur une chanson de Noël de 1963 qui ne vieillit pas.

Mathieu




mercredi 5 décembre 2012

L'évidence



Dans notre univers du chacun pour soi, de la réalité à géométrie variable et de la malhonnêteté intellectuelle banalisée, des notions évidentes sont ignorées par une bonne partie de la population. Civisme, respect et altruisme sont graduellement devenue, dans ce gros Mail Champlain de l'opportunisme qu'est devenue notre société, des concepts voués aux faibles et aux nuls. Les acquis issus de combats historiques sont banalisés par des gens tétanisés par la jalousie à la vue d'un travailleur profitant de conditions plus enviables que les siennes. Imaginez: en 2012, en occident, les femmes récoltent encore des salaires généralement inférieurs à ceux des hommes, sur la seule base de leur sexe. C'est donc dire que la présence bête d'un pénis et de poils sur le torse d'un individu suffisent à lui procurer des avantages en termes de rémunération. Nous en sommes là. Le bon vieux Boys' Club résiste encore progrès. C'est d'une tristesse infinie. Et on se dit évolués.

Cette publicité de l'agence DDB New Zealand vise tout simplement à sensibiliser la population sur la nécessité d'agir pour favoriser l'équité salariale, notamment en appuyant en ligne un projet de loi. On prône le ridicule pour révéler le ridicule et l'évidence de l'injustice actuelle. Une stratégie déstabilisante pour les rétrogrades débiles, mais plutôt efficace auprès de ceux qui possèdent un fond de jugeote ou de culpabilité saine. Le jeu est juste, le ton réaliste et la facture générale sans prétention. Mais ça fonctionne, car parfois, il faut appeler un chat un chat pour rappeler l'évidence, surtout quand l'iniquité est maintenue par la cupidité ambiante et l'obsession de crétins des Appalaches de posséder une piscine creusée plus grande que celle du voisin.

Cannes à Montréal, efficace contre le rhume...
Oubliez l'échinacée et les doses gargantuesques de vitamine c. Un bouillon constitué d'un condensé de publicités irrésistibles demeurera toujours le meilleur remède contre le rhume avant les Fêtes. Je vous propose donc d'assister à cette grand-messe annuelle de la créativité au Cinéma du Parc, du 7 au 20 décembre prochain. Bien évidemment, les publicités lauréates du Festival international des Lions de Cannes 2012 seront au programme, un rendez-vous annuel à ne pas manquer!

lundi 3 décembre 2012

La voix



La voix, nos cordes vocales qui vibrent, qui résonnent, constitue un formidable transmetteur d'émotions. Oubliez les effets spéciaux qui coûtent des gonzillions de dollars, oubliez la vedette dont le contrat fera se dresser les cheveux (ou ceux qui restent) sur le crâne de votre comptable, oubliez votre scénario complexe où s'enchevêtrent différents plans, oubliez tout ça, respirez et écoutez…

Dans cette publicité de la filiale américaine de l'Oeuvre des Manoirs Ronald McDonald, une création de DDB Chicago, rien de compliqué: une série d'animations simples qui viennent appuyer un témoignage troublant. Simples dans la mesure où rien ne perturbe notre décodage de la voix, donc des émotions aussi vraies que prenantes qui en émanent. Un mode ultra réaliste est prôné pour le son, un décalage légèrement surréaliste pour l'image, les couleurs n'agressent pas l'oeil: on nous raconte tout simplement une histoire authentique, celle d'une mère et sa tragédie. La projection psychologique opère naturellement. Écouter cette publicité, c'est ressentir la vulnérabilité et l'impuissance auxquelles l'organisme répond. C'est ressentir sa mission.

En création publicitaire, nous digérons des millions d'idées et sommes directement influencés par l'univers dans lequel nous vivons. Un homme qui m'inspire énormément, un maître, Jim Jarmush, énonce dans l'une de ses règles d'or, ce que j'ai toujours pensé du processus créatif. Je me plais à le rappeler ad nauseam à tous les étudiants que je croise : 

« Nothing is original. Steal from anywhere that resonates with inspiration or fuels your imagination. Devour old films, new films, music, books, paintings, photographs, poems, dreams, random conversations, architecture, bridges, street signs, trees, clouds, bodies of water, light and shadows. Select only things to steal from that speak directly to your soul. If you do this, your work (and theft) will be authentic. Authenticity is invaluable; originality is nonexistent. And don’t bother concealing your thievery—celebrate it if you feel like it. In any case, always remember what Jean-Luc Godard said: “It’s not where you take things from—it’s where you take them to." »

Mais au-delà du fait de dénicher une bonne idée, de faire naître un concept qui vivra par lui-même et suscitera des réactions, nous avons tous au fond de nous, je crois, un certain idéal de cohérence qui permettra, des années plus tard, de distinguer notre griffe de celle des autres créatifs. Nous avons tous le rêve de trouver notre voix. Cette publicité, elle, l'a vraiment trouvée. 

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