mercredi 31 octobre 2012

Dans la gorge


Quand je me rends à l'agence le matin en prenant le métro, je suis dans ma bulle. Faut me comprendre, comme plusieurs d'entre vous, je ne suis pas une personne du matin. Mon humeur est très variable entre 7h et 11h. Par la suite ça s'améliore. J'ai toujours été comme ça. Donc dans ma bulle, concentré sur la translation de ma carcasse vers cet univers impersonnel mais si pratique (quand il n'y a pas de panne) qu'est le métro de Montréal. En arrivant sur le parvis de la station, ça se bouscule un peu. De longs autobus se mêlent aux autos pour alimenter la station en usagers, comme une fourmilière. Certains, comme moi, ont la chance de se rendre à la station à pieds. Le civisme doit régner quand autant de gens franchissent si rapidement les portes et les tourniquets, et il règne généralement, quoique rien n'est et ne sera jamais parfait. Donc je suis dans ma bulle, c'est plein de monde, seuls ensemble comme le chantait Daniel Bélanger, quand nous sommes tout à coup obstrués par des gens qui ont comme travail quotidien de nous distribuer des journaux gratuits ou des quotidiens offerts gratuitement pour la journée. Leur rôle est à la fois primordial pour les journaux et nuisible pour moi. Et je ne suis pas seul.

J'ai toujours cru à la logique implacable de la loi de l'intérêt en affaires. Sans intérêt, il n'y a pas de vente, pas de passage à l'action. L'offre de toute entreprise doit répondre à un intérêt, canaliser un besoin, bref, se fonder sur du solide. Le marketing et la publicité agissent comme des «facilitateurs», mais nous les publicitaires savons plus que quiconque que sans un produit ou un service solide en amont, aucun beau discours n'aura d'impact réel à long terme sur les résultats de vente d'une entreprise. On ne peut pas imposer un produit ou un service à un client, qu'il soit gratuit ou pas. Dans le monde des publications imprimées, bien au-delà des tactiques de distribution et de positionnement en points de vente, c'est cette même loi de l'intérêt qui prime. Si un journal ne répond pas à mes attentes et ne sait pas mériter mon attention, pour ensuite revendre mes regards à ses annonceurs, rien n'y fera. Pas même 4 ou 5 personnes qui me bloquent le chemin et m'obligent à refuser leur offre, ou encore pire, m'amènent implicitement à être rustre en les ignorant. Qu'ils soient dehors ou à l'intérieur de la station m'importe guère, je n'en veux pas de leur torchon et c'est mon droit! En connaissez-vous plusieurs catégories de produits qui forcent l'attention du consommateur en violant l'intégrité de sa bulle le matin? Je me considère, je nous considère comme infiniment plus que des têtes de bétail que l'on utilise pour vendre de la pub en gonflant des statistiques de portée et de distribution. Nous vallons mieux. Sommes-nous à ce point dénués de jugement? Si ces journaux ne peuvent pas survivre sans nous agresser, qu'ils crèvent!

Quand j'étais jeune, on pouvait choisir, je dis bien choisir, de prendre dans leurs présentoirs respectifs des journaux comme le Voir (toujours vivant), comme feu le Mirror et comme bien d'autres. Jamais je ne croirai que des présentoirs bien en vue et bien alimentés ne suffisent pas aux usagers du métro de Montréal. Il y a 20 ans, je choisissais de lire le Voir car son contenu me touchait, par intérêt. Là, en désirant me pousser dans la gorge l'un des journaux offerts dans les stations, j'ai l'impression d'être exploité. Or, ce pouvoir, j'ai décidé de ne pas le concéder. Mais ça me coûte injustement, à presque chaque matin, un instant de frustration qui frôle l'éternel.

jeudi 25 octobre 2012

Le syndrome Rush



J'ai partagé la vie d'une fille compliquée comme c'est pas possible pendant plus de 7 ans. Ça m'a pris des années pour réaliser que j'associais à défaut sa présumée complexité à l'ampleur de notre amour, quand dans les faits, nous n'étions juste pas faits l'un pour l'autre. Mais voyez-vous, à la fin de ma vingtaine et au début de ma trentaine, je n'avais pas la maturité nécessaire pour discerner l'authenticité de la complexité. Car si une chose m'apparaît évidente aujourd'hui, et je sais que je me répète parfois, c'est qu'une chose n'est pas plus vraie si elle est compliquée. Au contraire, les personnalités alambiquées masquent souvent leur insipidité en générant le flou, en déformant la réalité à leur avantage, à doses fréquentes d'émotions irrationnelles et de névroses pas trop assumées. 

La semaine dernière, j'ai été invité dans une loge du Centre Bell au spectacle du groupe Rush, monument canadien du rock progressif. J'y suis principalement allé en tant qu'accessoire pour ma conjointe, accessoire aussi heureux d'y être que consentant et curieux de savoir si le groupe que je détestais le plus sur la planète rock pouvait me réconcilier avec quelques uns de ses airs, dans une ambiance survoltée. J'étais positif, je voulais me laisser convaincre, plusieurs personnes présentes étaient de véritable fans finis, bref, je vous assure de ma bonne foi. Et vous savez quoi? J'ai vaguement apprécié deux chansons sur 28. Deux. J'aurais préféré le supplice de la goutte, voire même celui du pal, à cette succession de métaphores stupides entrecoupées par des feux d'artifices et des solos de batterie inutiles. Mes oreilles saignent encore. Chaque pièce semblait une longue agonie sans fin. Rush est pour moi l'incarnation même de la complexité qui masque l'insipidité. Rush, c'est mon ancienne blonde. C'est moi dans une ancienne vie. 

En publicité, parfois, on arrive à marquer des points avec des concepts tarabiscotés. Mais généralement, plus l'approche créative est complexe, plus l'énergie demandée à la cible pour la décoder sera importante et, en bout de ligne, elle abandonnera avant de comprendre et d'être séduite. Si vous n'êtes pas capable d'expliquer votre concept en quelques lignes, en quelques secondes, si le client ne le comprend pas, ne le visualise pas, si l'idée repose uniquement sur des effets de réalisations, c'est peut-être que vous êtes dans le champs. La notion la plus importante en création, c'est de bien comprendre que nous ne sommes pas nos idées. Que nous avons la capacité d'en générer à volonté. De s'attacher émotionnellement à une idée trop compliquée serait l'équivalent de composer une toune de Rush. Et comme Rush qui fait vibrer sa tribu de musiciens de garage des années 70 et 80, vous n'auriez comme bénéfice que celui d'exciter certains maniaques de la réalisation. Pas votre cible. Sachez décrocher d'une idée pour rapidement vous enticher d'une autre, meilleure, plus simple. Le syndrome Rush existe. Il est partout. Dans votre vie amoureuse, à votre travail, dans votre famille. Je préfère désormais m'en tenir à l'essentiel.

lundi 22 octobre 2012

La confusion des genres


Qu'est-ce qu'une publicité sur le plan formel? Une affiche? Un message de 30 secondes? Une promotion de 15 secondes à la radio? Oui. Mais avec l'explosion des canaux disponibles dans le mix communicationnel, avec les différentes stratégies mises de l'avant par les grands annonceurs, on assiste depuis quelques temps déjà à une grande confusion des genres. De grands films servent de publicité pour vendre de la bière (même pas besoin de mentionner de nom), des vidéoclips musicaux introduisent en primeur des séquences de films, des objets promotionnels redirigent les fans d'une franchise vers un vidéoclip, les causes sociétales servent de plus en plus de prétextes aux marques... Bref, la structure de communication classique ne tient plus. Les secteurs du divertissement et de la publicité se fondent pour insidieusement induire des modifications de comportement et de perception, en rendant invisibles les frontières qui font qu'un individu sait ou ne sait pas qu'il est exposé à de la publicité. Innovation ou nouvelle étape dans le programme de manipulation des masses? 

J'aime les Black Keys. C'est un groupe pas prétentieux pour trois sous qui livre la marchandise avec une ferveur et une transparence remarquables. Mais quand je regarde en primeur depuis ce matin le clip de leur nouvelle chanson (montré en intro), suis-je exposé à de la musique ou à une publicité du film attendu de RZA (présenté par Tarantino): The Man With The Iron Fists ? Je sais bien que cette technique ne date pas d'hier, mais quand on tient compte de l'impact viral bien réel des médias sociaux, de la convergence implicite vers le site Web du film, de l'osmose et de la complicité entre Dan, Patrick et RZA, on en vient à réellement constater une mutation entre le divertissement, les arts et la promotion. Mais ne soyez pas dupes, c'est bien l'impératif commercial qui motive le tout. 

Notre objectif premier, à nous publicitaires, c'est de générer de l'efficacité commerciale. Nous savons tous que les canaux classiques sont en décroissance et que la population a développé des anticorps particulièrement efficaces aux techniques traditionnelles de manipulation. Au-delà de la tendance de l'authenticité qui n'est pas celle empruntée par tous, la confusion des genres n'est pas qu'un leurre, c'est l'un des derniers moyens d'arriver à ses fins, quand la vérité de notre marque ne séduit plus, ne suffit plus.

vendredi 19 octobre 2012

Tricher


Il a mené le peloton, monté une fondation milliardaire et gagné sept fois le Tour de France. Il a monté le Tourmalet et le Ventoux à un rythme inhumain. C'est un grand coureur cycliste. Un champion. C'est un survivant d'un cancer agressif. Un courageux dont le niveau de tolérance face à la souffrance physique est aussi élevé que son rythme cardiaque au repos est bas. C'est un Texan. Un surhomme. Voici Lance Armstrong.

Lance Armstrong était l'incarnation d'une grande marque: Nike. Elle en faisait l'image même de la résilience et de la transparence dans un monde faux. 

La planète savait la vérité depuis des lustres et vivait avec cette vérité. Lance Armstrong, au-delà du mythe scénarisé par la marque, est un être arrogant, contrôlant, revanchard. Un homme qui écrasait la divergence à coup de masse. C'est un dopé. Un menteur.

Et là, quand les preuves irréfutables émergent, que plus d'une dizaine de coéquipiers brisent l'omertà, que les unions cyclistes et les agences antidopage prennent des mesures concrètes, là, en octobre 2012, Nike décide tout d'un coup, par un communiqué laconique et tendancieux, de briser tout lien avec Armstrong. 

Toute la planète savait mais Nike ne savait pas. Ah bon. Qu'est-ce que ça me dit de la marque? Qu'elle est soit naïve, soit malhonnête ou, pire encore, tout simplement opportuniste et capable de trahir quand bon lui semble, selon ses intérêts. Lance Armstrong n'est pas mieux ni pire que son époque, il en est entièrement représentatif. Quand une multinationale fonde son identité sur l'authenticité dans la quête et l'action, prenant comme slogan le fameux «Just Do It», elle doit demeurer au-dessus de tout soupçon. Nike va continuer à prospérer, le cyclisme étant un sport mineur, mais dans mon esprit à moi, elle s'est tirée dans le front, pour de bon. À la fin, quand on regarde la publicité montrée en intro, selon vous, qui a vraiment triché?

lundi 15 octobre 2012

Moins, c'est plus



Moins d'effets spéciaux. Moins de prises de vue. Moins de figurants. Moins de décor. Moins de musique. Moins de couleurs. Moins de mouvement… Après avoir diffusé un aperçu mystérieux la semaine dernière, Chanel vient tout juste de lancer sa première campagne de publicité mettant en vedette un homme. Une première historique qui demandait un homme qui marque l'histoire à sa façon: Ze Brad. Et ce, pour une pacotille avoisinant les 7 millions de $. Une approche qui prône moins de tout ce qui fait généralement qu'une publicité est une publicité. Mais est-ce que la stratégie fonctionne? Est-ce que le message passe? Oui. 

Le seul fait de placer un homme au centre de la stratégie permettra à Chanel de creuser une faille de San Andreas entre le «avant» et le «maintenant» de la marque. Une immense impulsion créative. Mais ce qui rend cette publicité unique, c'est qu'elle fait exactement le contraire de ce que toute pub doit faire. Elle pourrait servir n'importe quelle marque. La seule réelle différenciation réside dans le ton, mais vraiment, rien dans le fond n'approche la zone du bénéfice tangible. Un produit à la fin, nommé, ontologique comme dans la majorité des parfums et produits de luxe, mais autrement, rien d'autre qu'une simple association à l'univers existentiel du bellâtre. On assume entièrement la publicité comme moteur de séduction pure, comme vulgaire entremetteuse entre le prospect et le produit. Le discours est vide comme une bonne bouteille de blanc dégustée rapidement à l'apéro le vendredi soir, Brad pourrait réciter le bottin de téléphone (choisissez lequel), on abandonne toute symbolique implicite et on se fout du monde entier pour se concentrer sur un regard, mais quel regard! Une publicité indécente de transparence. Un gros support de Brad.

Moins c'est plus, car ça signifie l'abandon des artifices, des écrans de fumée et des prétextes qui masquent l'absence de talent. Moins c'est plus car ça veut dire plus de réflexion, de vision, de courage. Ça ne veut pas dire de placer une marque au-dessus de la mêlée, ça exige plutôt de créer un autre univers juste pour elle. Moins ne coûte pas nécessairement moins cher, car les belles et bonnes choses sont chères, mais ça garanti à coup sûr plus de résultats. Beaucoup plus.

lundi 8 octobre 2012

Frileux?


Grosse semaine de tourmente dans le milieu de la publicité québécoise. Deux campagnes attaquées, une publicité retirée des ondes, des victimes d'intimidation outrées, des mères frustrées, à raison, bref, une semaine qui provoque des questionnements. Je trouvais justement, à la suite de mon passage ce matin sur les ondes de TVA à Salut, Bonjour! , qu'il serait intéressant de remettre les choses en perspective.

À la question «Sommes-nous rendus trop frileux envers la publicité percutante au Québec?», la réponse évidente est oui. Mais la réalité est beaucoup plus nuancée. Selon moi, Il faut faire la différence entre une levée de bouclier nécessaire des organismes de défenses des droits des gais (publicité de Familiprix) et une réaction d'allergie émotionnelle forte des mères ayant déjà vécu l'expérience de l'allaitement (publicité sur l'allaitement mettant en vedette Mahée Paiement). Dans le premier cas, il y avait clairement banalisation de la violence entre hommes dans un contexte burlesque de séduction, alors que dans l'autre il n'y avait pas de préjudice causé mais plutôt une irritation provoquée par un schisme des valeurs. Dans les deux cas, une société éteinte et blasée n'aurait pas vu certains de ses éléments réagir. Disons que ça me rassure d'une certaine façon. Était-ce de la rectitude politique? Dans le premier cas oui, dans le deuxième non. 

La société québécoise a évolué depuis 30 ans, lentement, trop lentement peut-être, mais assez pour aiguiser son jugement sur différents enjeux. Ça ne fait cependant pas de nous une collectivité très ouverte, plusieurs courants réactionnaires minant le climat social et ralentissant notre progression. Voici donc en vrac quelques observations qui justifierait notre promptitude à réagir à certaines publicités percutantes...

1- Le refus du conditionnement
La population est blasée par la publicité, on tente de la manipuler depuis 40 ans, on lui a menti, on a abusé de textes légaux illisibles et communiqué des offres frauduleuses ou des prix mensongers trop souvent. Nous sommes naturellement toujours plus critiques à l'égard de ceux qui veulent nous arnaquer. La publicité rentre malheureusement dans ce lot. Notre «boulechite-ô-mètre» collectif s'est sensibilisé avec le temps. 

2- Le bombardement
Le consommateur moyen est bombardé de plus de 5000 stimulis commerciaux par jour et les créatifs ressentent une forte pression de bien démarquer leurs clients de la concurrence. Les annonceurs doivent redoubler d'ardeur pour mériter l'attention du public, de là certains dérapages. Il ne faut cependant pas généraliser, la très grande majorité des messages diffusés demeurent de qualité.

3- Notre personnalité
La société québécoise en est une de consensus. Nous n'aimons pas argumenter, contrairement à nos cousins français, et nous détestons la chicane. Nous avons tendance à rejeter rapidement ce qui remet en question l'ordre établi, insécurité collective oblige. Ce trait de caractère culturel favorise une surutilisation de l'humour en publicité, ce qui constitue une sorte de fuite en avant pour une société adolescente qui n'a pas toujours envie de réfléchir… Mais l'humour est subjectif et les risques qui y sont associés sur le plan de la perception sont plus grands qu'on ne le croirait. 

4- La facilité
Les médias sociaux amplifient les «crises» à la vitesse de la lumière.  Il est plus facile que jamais de décharger son fiel et de contribuer à l'émergence de mouvements de contestation, ce qui n'était pas nécessairement le cas il y a 40 ans. À une époque où les frustrations s'accumulent, nous ne sommes qu'à quelques clics de faire connaître notre opinion à notre réseaux de contacts, voire même à toute une communauté. Rappelons-nous qu'à une époque pas si lointaine, il fallait prendre le téléphone. Notre portée individuelle est décuplée par cette facilité. 

Sur ce, je déclare officiellement une trêve de critique négative pour quelques jours et je vous promets quelques publicités géniales dans mes prochains billets. Car pour être un peu moins frileux, il avant tout commencer par voir ce qui se fait ailleurs!

vendredi 5 octobre 2012

De l’occupation-doublalisation de l’allaitement.



Préambule
Je suis complètement sidéré par la stupidité de la nouvelle campagne portant sur l'allaitement, lancée hier par l'Agence de la santé et des services sociaux. Cette campagne, qui vise les jeunes mères, ne servira en fin de compte qu'à mousser la notoriété d'une starlette qui désire donner un sens à sa superficialité. C'est aussi et surtout une utilisation irrespectueuse des fonds publics pour la portion média de l'opération. Mais malgré tout ce que j'en pense, je ne me sentais pas à l'aise de la commenter plus en détails. J'ai également ressenti un fort malaise à entendre certains hommes banaliser le tout à la radio et sur le Web. J'ai donc décidé, et c'est une première sur FacteurPub, de laisser la parole à une personne qui se sentait interpelée. Elle est une amie, une mère de deux enfants, bref, une femme qui a réellement vécu l'expérience de l'allaitement. Elle s'appelle Sylvie Gagnon et j'endosse chacune de ses syllabes dans cette montée de lait essentielle.  

- Mathieu Bédard


Ainsi donc, ‘Allaiter c’est glamour’. Eh ben. Par où commencer… me calmer, d’abord.  Voyez-vous, ce genre de marchandisation cheap et cavalière d’un acte aussi profondément humain vient me chercher, au plus profond de ma fibre maternelle. Du pur oxymoron, par un groupe l’étant tout autant, l’oxy en moins.

Prétendre que l’allaitement est glamour pourrait difficilement être plus à des années-lumière de la réalité. Il ne l’est pas mais surtout, ne DEVRAIT pas l’être. Comment l’Agence de la santé et des services sociaux peut être aussi déconnectée me sidère, et me révolte. On ne parle pas ici d’une campagne de pub qui polit les arêtes, rentre les bourrelets et blanchit les dents. On est dans la méconnaissance la plus totale, crasse et insidieuse du sujet.

Avoir des enfants, et tout ce qui gravite autour, n’est pas glamour.  C’est humain. Point. L’allaitement est un don de soi, au propre comme au figuré, n’ayant aucunement besoin d’un public pour trouver sa raison d’être. On n’est pas dans le paraître ici. On parle de maintenir la vie en vie. Excusez du peu.

Si vous avez un minimum de guts, Agence de la santé et des services sociaux, sortez donc de vos bureaux et allez visiter la nouvelle maman vers 3h du matin. C’est souvent l’heure où elle  sanglote dans le noir, parce que bébé ne prend pas bien le sein. Quand elle vous fera part de son angoisse qu’il ne se nourrisse pas suffisamment, cheerleadez–la en lui parlant de la glamourité de la situation. Voilà qui devrait l’apaiser, c’est certain.  Allez aussi donner cet implacable argument au nouveau papa désemparé, qui ne sait plus comment rassurer sa blonde qui se tape des mastites et engorgements à répétition.  Répétez au besoin.

Allaiter, c’est faire en sorte que l’être humain que t’aimes le plus au monde dépende de toi pour sa survie. C’est donc un choix on ne peut plus personnel. On n’allaite pas parce notre sœur, notre meilleure amie, Julie Snyder ou Mahée Paiement le fait, mais parce qu’on se sent bien là-dedans. La pression sociale ne donne rien, la culpabilisation ne donne rien, la pseudo-glamourisation encore moins.

Fort intéressant également de voir à quel point les futures mères sont considérées au passage comme de véritables cruches, spontanément aptes à gober toute nouvelle formule marketing, pour peu qu’elle soit enrobée de paillettes. Vraiment, Agence de la santé et des services sociaux, vous sous-estimez la population à ce point? Il ne vous a jamais traversé l’esprit que l’argent investi dans l’achat média de cette campagne aurait pu servir à autre chose? Je ne sais pas, fabulons un peu, étendre les heures des cliniques d’allaitement? Dispenser de la formation aux jeunes infirmières en poste à la maternité des hôpitaux, qui sont souvent bien démunies quand vient de temps de donner des conseils à la nouvelle maman? Dommage que ce genre de mesure n’ait pas un taux de glamour très élevé, pas plus qu’un potentiel de viralité sur les médias sociaux.

Au lieu de tenter de nous vendre vos concepts et autres inepties, et de nous dicter quoi faire avec nos glandes mammaires, serait grand temps que vous commenciez à nous supporter dans nos décisions. C’est comme ça que nous serons en meilleure santé physique et mentale, avec l’épanouissement qui en découle.

Parce qu’au final, la dépression, même avec une couche de glamour, c’est pas ben ben vendeur.

Sylvie Gagnon


Ajout (par Mathieu Bédard)
Il s'avère que la campagne en question ne semble pas comprendre d'investissement en média ou en production de la part de l'ASSS et que cette initiative demeure un projet bénévole effectué de bonne foi, autant par Mahée Paiement, sa famille, que par les autres intervenants. Toute attaque sur la pertinence des investissements de l'ASSS devient donc futile. Il est important de le mentionner, même si je persiste à croire qu'une campagne bénévole mieux adaptée aurait pu mobiliser les femmes en tant qu'ambassadrices plutôt que de susciter une controverse relativement stérile.

jeudi 4 octobre 2012

Les pièges de l'humour


L'humour fait partie des stratégies de création les plus prisées en publicité. Avec raison, car ça rapporte énormément aux annonceurs. Mais l'humour comporte aussi plusieurs pièges qu'il faut tenter d'éviter. Malheureusement, parfois, les meilleurs créatifs se plantent royalement en sous-estimant la sensibilité de certains segments de clientèle. Ce fut le cas de LG2 avec la dernière publicité de Familiprix, retirée aujourd'hui des ondes après une avalanche de réactions de la part de la communauté gaie tout comme de la plupart des intervenants en prévention de l'intimidation, un sujet chaud au Québec depuis environ deux ans. J'ai discuté de la publicité en question sur les ondes de LCN aujourd'hui, mais je tenais à approfondir un peu le sujet ici en développant sur les pièges reliés à l'utilisation de l'humour en publicité.

1- L'humour est culturel
Demandez à tout humoriste si le résultat d'un numéro sera la même devant différents publics parlant la même langue mais évoluant dans des espaces culturels différents et les réponses seront unanimes. Le niveau de sensibilité, de rectitude politique et d'ouverture variera passablement selon les marchés. De tenter de diffuser une publicité humoristique française ou algérienne sans l'adapter au contexte québécois pourrait vous coûter cher. 

2- L'humour s'inscrit dans le temps
Les différents courants sociologiques et les grandes tendances affectent de manière importante le contexte dans lequel l'humour s'inscrit. Des sujets très sensibles aujourd'hui ne l'étaient pas il n'y a pas si longtemps. Il faut impérativement tenir compte du contexte social. Évident pour plusieurs, mais pas dans le cas de la dernière publicité de Familiprix. 

3- L'humour est subjectif
Ce qui fera plier en deux de rire une personne peut en dégoûter une autre. Le décodage d'une situation humoristique est relié à notre culture collective, mais aussi à notre bagage de vie personnel tout comme à notre personnalité. Dans le cas qui nous occupe, il me semble évident qu'une personne ayant subi de l'intimidation ou de la violence physique, qu'elle soit ou non attribuable à son orientation sexuelle, ne réagira pas de la même manière qu'une personne depuis toujours à l'abri de sévices. Les commentaires que j'ai lus sur la page Facebook de Familiprix vont exactement dans ce sens. C'était prévisible.

La tentation de défier le cadre «acceptable» est souvent très forte. On met beaucoup de pression sur les créatifs pour qu'ils créent des messages percutants qui marquent les esprits. L'humour de type burlesque, grossier par définition, ne sied que très rarement à des marques dont les valeurs relèvent de l'empathie et de l'écoute. Le vrai problème avec la dernière publicité de Familiprix, c'est qu'elle a complètement évacué la mission première de la campagne - promouvoir la capacité de ses pharmaciens de se mettre dans notre peau - au détriment d'une blague décalée qui ne fonctionnait pas auprès de plusieurs segments. En publicité, ll n'y a pas de consommateurs stupides ou prudes, il n'y a malheureusement que des créatifs qui se trompent. Je suis entièrement d'accord avec Laurent McCutcheon, président de Gai-écoute, qui a mentionné ceci aujourd'hui: «Parfois en publicité, il peut y avoir des erreurs. De voir que l'entreprise ait pris la décision de retirer sa publicité, je crois qu'ils s'agit d'un geste noble». Personnellement, et c'est un paradoxe, j'ai également un peu peur du jour où les créatifs ne défieront plus les limites, car ça signifiera que nous vivons hélas dans un monde entièrement aseptisé. Car la publicité, quoiqu'en pensent certains, n'a pas comme mission première de défricher et d'amorcer les courants sociaux, elle doit plutôt se servir insidieusement de ces derniers pour rejoindre les objectifs des marques… Mais elle ne doit pas être plate pour autant!

mardi 2 octobre 2012

Le classement des grands


Interbrand vient tout juste de publier son fameux classement des 100 plus grandes marques du monde. J'ai eu le plaisir de le commenter sur les ondes du Canal Argent plus tôt aujourd'hui. Ce palmarès, qui représente une combinaison de la performance financière, du rôle de la marque dans le processus décisionnel ainsi que de sa force dans son secteur d'activité, démontre la puissance de l'univers technologique dans lequel nous évoluons.

Les grandes gagnantes sont clairement les rivales Apple et Samsung. Deux visions du monde, deux philosophies, l'une misant sur une différenciation par l'image et le bénéfice en estime de soi, l'autre par une diversification de ses produits et par leurs attributs. Un combat de titan qui ne fait que débuter. La chute de Coke du sommet de la pyramide m'apparaît imminente.

Ces cent marques représentent la crème de la crème à l'échèle globale. Elles transposent également les grands mouvements tectoniques provoqués par les directions marketing d'empires intraitables. L'analyse déductive des vecteurs de succès des marques qui se démarquent permet à la fois de s'inspirer dans notre pratique quotidienne tout en alimentant notre culture marketing.

Combien d'entreprises québécoises aspirent-elles à franchir le cap de cet univers? Concilier la spécificité d'une marque et sa compatibilité culturelle au niveau planétaire est un défi de tous les instants. Que ce soit des joueurs connus comme le Cirque du Soleil, des producteurs bien aiguillés sur le marché asiatique comme La Face Cachée de la Pomme avec ses cidres ou encore un innovateur de la mode nordique comme Harricana par Mariouche, le potentiel pullule sur l'échiquier québécois. À nous de persévérer, d'établir des liens, de communiquer notre unicité et notre qualité à la planète. Rien ne doit nous arrêter.

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