Devenir avocat comme papa. Avoir les dents parfaitement droites à 16 ans. Porter des Manolo Blahnik lors d'un cocktail branché. S'entraîner à perdre haleine pour fondre de 5 livres quand on mesure 5 pieds 8 et que l'on en pèse 128. Jouer au football quand on préfère la danse contemporaine. Caler sa bière à en avoir les yeux qui coulent et vomir par la suite… Les exemples pullulent. La pression sociale est partout et ses effets sont pernicieux, voire même dévastateurs. Les marques investissent des milliards de dollars pour nous faire entrer dans un moule qui les dessert. Au détriment de notre santé. De nos aspirations intimes. De nos rêves débridés. Au détriment de ce que nous sommes, des êtres profondément uniques.
Aux États-Unis, les filles pratiquent moins de sport que les gars à partir de l'âge de 14 ans, c'est un fait documenté. Avant ça, c'est pareil pour les deux sexes. Après ça, plus rien n'est pareil. Certains diront que c'est attribuable au caractère génétique féminin, que ça relève de notre évolution, que les hommes sont programmés pour chasser et les femmes pour materner. Je n'en crois rien. J'opte plutôt pour la théorie de Gatorade dans cette dernière publicité qui vise l'égalité entre les sexes dans la pratique du sport: les filles se désistent de manière importante à partir de 14 ans car elles consacrent beaucoup de temps à correspondre au modèle qu'on leur pousse dans la gorge. Elles s'investissent dans une mission complexe, celle d'être belles et désirables selon les paramètres qu'on leur dicte partout.
Ça fait 40 ans que la constitution américaine interdit toute forme de discrimination sur la base du sexe dans les programmes d'éducation soutenus par l'État. L'amendement à la constitution s'appelle «Titre IX» (http://fr.wikipedia.org/wiki/Titre_IX). Mais à quoi bon inscrire un droit dans une constitution s'il est attaqué de tous bords tous côtés? Lee Clow et sa bande chez TBWA/Chiat/Day Los Angeles viennent de lancer un contrepoids intéressant avec cette publicité. Le lien avec le chef d'oeuvre absolu 1984 est palpable. Leur paternité ne peut être niée.
Nous devons tous faire notre part au quotidien pour immuniser nos jeunes contre les signaux qu'ils reçoivent et interprètent comme la «normalité». C'est un travail de longue haleine qui arborera souvent le visage de l'échec, mais j'y crois. Les jeunes sont intelligents et même s'ils donnent souvent l'impression de rejeter nos apprentissages, la crème finit toujours par remonter à la surface. Résister à la pression sociale, c'est se donner une réelle chance de s'inscrire dans le continuum de l'évolution avec ce que nous avons de plus beau: notre singularité.