lundi 6 février 2012

La symbiose


Ma publicité préférée du dernier Superbowl n'est pas la plus drôle. Ni la plus percutante. Ce n'est pas une publicité qui met en vedette un artiste de la musique pop ou une top modèle. Pas plus qu'un dénouement qui nous transporte dans une 4e dimension. Ma publicité préférée ne comporte pas de prouesse technique ni d'animation. C'est un exercice qui met à l'avant-plan les aspirations d'une nation à se sortir définitivement de la crise. C'est un message dont le coeur est aussi en osmose avec la nature même de ce qu'est un match de football, et par osmose j'entends les concepts de persévérance, de résilience, d'espoir, de solidarité, de fierté. Ma publicité préférée du dernier Superbowl est une publicité décriée par certains républicains, dont l'éminent stratège Karl Rove, docteur Evil pour les intimes. C'est là la preuve indubitable qu'elle fonctionne à merveille. C'est la publicité de Chrysler.

Pourquoi?  Tout simplement parce qu'elle déborde du cadre de la marque pour s'arrimer avec le contexte sociologique et politique dans lequel nos voisins du sud évoluent présentement, avec tout ce que ça représente comme écueils. C'est une stratégie de création aussi arrogante que payante, car on s'attribue la reprise économique, on devient les manches que doivent se relever toute une nation, on se fond avec notre cible pour qu'elle devienne une composante essentielle de la marque. Or, la marque, ici, c'est plus que Chrysler, c'est le rêve américain avec tout ce qu'il contient de symboles et de valeurs. Cette stratégie reste également une diversion parfaite lors d'un événement où l'humour prime. Une magnifique occasion d'imprégner nos cibles d'une émotion unique.

Et pour transposer ce rêve, cette prise de conscience, ce positionnement irrésistiblement états-unien, qui de mieux que l'incarnation même de la virilité et de l'importance de demeurer les deux pieds sur terre ? C'est ça. Clint Eastwood incarne tout ça. C'est un républicain notoire qui s'élève au-dessus de la mêlée politique en devenant la voix rassembleuse de l'ensemble du secteur automobile, mais plus précisément celle de Chrysler, qui avait déjà l'an dernier annoncé ses couleurs avec une publicité vibrante qui mettait en vedette un Eminem sobrement efficace. «Importé de Détroit», c'est plus qu'une signature, c'est un rehaussement immédiat de la perception des véhicules conçus à Motor City par l'entremise d'une allusion indirecte au prestige des voiture importées. On dira à raison que cette entreprise sauvée à coups de milliards par les fonds publics et pratiquement avalée par l'italienne Fiat, se la joue plus authentique que sa réalité. N'empêche, avoir été le stratège de marque de l'entreprise, c'est exactement là où j'aurais aimé l'amener: en symbiose avec son marché, au-delà du goût du jour ou du dernier modèle à la mode, au-delà des considérations environnementales ou technologiques, au delà du design, bref, directement dans les tripes de l'Américain moyen.


3 commentaires:

  1. Eh bien voilà, nous sommes d'accord. De loin l'annonce la plus puissante, à mon point de vue. Mais non, mais non, je n'ai pas regardé le Superbowl… quand même ! Mais j'ai fait le tour des présentations des annonces aujourd'hui (pas tellement d'accord avec les choix de Top Five - et toi ?), y compris les finalistes des Doritos et l'hilarante Happy Grad, de Chevrolet. Ma deuxième meilleure est probablement Volks, The Dog Strikes Back, avec le petit aboiement navré devant le miroir et le clin d'oeil à l'annonce The Force de l'an passé (better than the kid) - j'aime aussi que la publicité ne se prenne pas au sérieux le jour de sa fête. Et je n'ai pas aimé Dannon (ni le canapé réinventé de Camry) même si, sûrement, on me dira que c'est à prendre au 137e degré.

    RépondreSupprimer
  2. Salut Hélène...

    Pour ma part, ma 2e préférée est celle de M&M. J'ai eu beaucoup de plaisir à la regarder, elle m'a donné le goût d'en acheter, c'était de l'humour à saveur sexuelle décalée et divertissante. J'ai bien aimé celle de Chevrolet même si elle fait dans le déjà vu. Celle de Volks était franchement bien, mais un peu trop rafistolée à mon goût, je trouvais le lien avec Star Wars très indirect, le clin d'oeil au garçon irréaliste, mais j'ai beaucoup aimé la première partie avec le chien, très très bien. Doritos m'a déçu. Bud aussi. Celle de la Camry était bien mais le produit est tellement beige qu'elle travestissait la réalité...As-tu le lien pour Top Five? je ne le trouve pas.

    RépondreSupprimer
  3. Je n'ai pas écouté encore les pubs du Super Bowl. Oui je sais, honte à moi! :P J'préfère laisser l'engouement passé pour les voir refroidit. ;)

    Ici, Chrysler a fait une superbe campagne. Elle me rappelle le chocolat de Pâques de mon enfance: super bon et réconfortant mais à force d'en manger, ça donne mal au coeur.

    J'ai préféré la pub de l'an dernier avec Eminem. Plus sobre et elle en beurrait moins épais, il me semble. Celle-ci a littéralement l'air d'une campagne politique avec les familles, les travailleurs ,les pompiers. Il manque juste "This message is paid and approved by Clint Eastwood". :P

    Je sais que ça peut être lu comme du cynisme mais il n'en est rien. J'adore ce que la pub couvre et les valeurs que la marque se greffe. La seule chose, c'est qu'elle en met trop. La même intensité avec 30 secondes de moins, aurait été bien. Ou encore mieux, un 2 minutes avec de plus longs silences.

    Le silence, une discours tellement puissant quand il est bien utilisé.

    Par contre, la voix de Clint Eastwood, sont visage mature et endurcie par la vie, vient donner une touche de guerrier prêt à se relever à la culture des travailleurs de Detroit.

    Malgré mon haut-le-coeur, parce que trop sucré, elle sera à mon avis ma préférée de cette année.

    P.S. On me parle surtout de celle de Ferris Bullet ces temps-ci. Je l'ai vu... Et je n'ai toujours pas envie d'aller vers Honda. Haha! Très ordinaire mais sympa comme retour. ;)

    RépondreSupprimer

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails