La saga qui a suivi l'embauche d'un entraîneur unilingue anglophone par notre Sainte flanelle a déclenché chez moi un questionnement dont le dénouement s'est révélé par quelques échanges sur les médias sociaux. Je ne vous parlerai pas de langue, pas de politique, je ne vous parlerai pas d'affirmation nationale, loin de moi l'idée de débattre de ces questions ici, de un parce que ça ne me tente pas, de deux parce que ce n'est selon moi pas le bon endroit. J'aimerais plutôt vous entretenir sur le sens que l'on donne au concept même de réussite dans notre société. À l'importance accordée à l'efficience, à l'optimisation. Car c'est selon moi de là que proviennent toutes les mésententes et divergences.
Réussir, pour la plupart d'entre nous, c'est atteindre des résultats, voire même de les dépasser. Les cibles atteintes sont par la suite remplacées par d'autres objectifs, dans une succession d'événements qui nous mèneront inexorablement à la mort. Le temps étant compté, il faut réussir vite, car des échecs répétés signifieraient implicitement que nous sommes incompétents, que ce soit au travail ou dans notre vie personnelle. Personne ne voudrait se retrouver avec une étiquette de perdant accolée au dos. Alors pour réussir vite, on coupe les coins ronds, on prends des raccourcis, on joue au jeu de l'échelle en espérant ne pas tomber sur un serpent. Certains sont chanceux, d'autres moins, mais une constante demeure, personne n'est chanceux ou ne réussit tout le temps. Nous vivons tous des cycles de périodes fastes et de léthargies. C'est une évidence. Mais nous demeurons obsédés par cette quête au détriment du moment présent, de la manière.
Alors de placer des valeurs humaines au centre de tout ce que l'on fait, d'avoir une vision qui dépasse le rendement financier, tout ça semble considéré comme une chimère inutile. Pourquoi s'enfarger dans les fleurs du tapis? Pourquoi s'énerver avec la manière quand seul le but importe? Pire encore, pourquoi revendiquer le droit à l'échec quand seule la réussite renferme son lot de valorisation? Simplement parce qu'il y a toujours un après. Par «après», j'entends une question bête mais tout aussi primordiale, que restera-t-il de vos réussites sauf un solde bonifié de vos actifs? Il ne vous restera rien. Ce sont les échecs qui pavent la voie à l'innovation réelle. Ce sont les valeurs et les liens forgés avec des gens foncièrement émotionnels qui nous permettront d'avancer et de grandir. En agence de publicité, là où rien ne compte plus que le moment présent et l'anticipation des tendances, de l'avenir, que restera-t-il de nos campagnes éphémères si nous ne prônons pas les bonnes valeurs pour réellement «connecter» avec le consommateur? Que vaut une coupe Stanley remportée par une bande de mercenaires sans âmes dirigés par un entraîneur de club générique?
C'est très à contre-courant de s'investir dans l'intangible, mais je crois que ça redeviendra graduellement à l'ordre du jour. Les entreprises n'ont pas les moyens de tout rebâtir à chaque trimestre, ça coûte cher d'être sans coeur, de passer des gens en entrevue, de tout recommencer, alors je vous le dis, ne perdez pas espoir, vos chimères sont essentielles. Redevenir humain, par pragmatisme, la prochaine grande tendance de notre époque?
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