dimanche 22 janvier 2012

Le fond


je suis un être humain par carloschapman

Il n'y a pas si longtemps, je parle d'environ une dizaine d'années, en gros, deux types de productions prévalaient: les productions vidéos et les productions cinématographiques. 

Les premières, destinées au secteur corporatif, à la télé, souvent à la publicité locale et au web, ne laissaient que très peu de place à un rendu artistique, car le plus souvent limitées par l'équipement et la nature des projets, par les budgets. Nous avons tous visionné des dizaines de vidéos corporatives qui présentaient de manière aussi balisée qu'insipide une entreprise en utilisant la même petite musique de fond insignifiante, une variante de la musique d'ascenseur rehaussée d'un rythme électronique poche. Et là je ne parlerai pas du montage. Et qui n'a pas regardé des émissions tournées avec ce rendu qui rappelle la télé communautaire. En bref, une profondeur de champs infinie, rien qui ne se distingue, si ce n'est la carence de vision du réalisateur. De la petite recette plate. On justifiait la médiocrité par l'absence de moyens. Soit.

De l'autre côté, la pellicule, des caméras qui coûtaient de petites fortunes, des gros plateaux, des réalisateurs réputés, des films destinés au grand écran, des vidéoclips d'artistes populaires, des publicités de marques mondiales, des budgets stratosphériques et, souvent, un rendu qui relevait de l'Art. Et puis, graduellement, l'apparition de caméras numériques, imparfaites mais beaucoup plus intéressantes que le caméscope classique, ont fait leur entrée. Plusieurs doutaient. Mais des réalisateurs comme Éric Rohmer avec l'Anglaise et le Duc en 2001, ou encore Alexander Sokourov en 2002 avec l'Arche russe, une ode au musée de l'Ermitage, se sont risqués à réaliser en mode numérique des films destinés au grand écran, ce qui aurait été impensable dans les années 90. L'univers de la production ne serait plus jamais le même. Des boîtes qui vivaient sur la complexité des tournages devenaient soudainement confrontées à des manières de faire qui réduisaient sensiblement les effectifs. Plusieurs n'ont pas survécu à la mutation de leur secteur. Aujourd'hui, on tourne en numérique des ralentis artistiques à plus de 1600 images par secondes avec des caméras comme celles de la marque Phantom; des réalisateurs référentiels comme Peter Jackson utilisent en simultané des dizaines de caméras de marque Red qui permettent de filmer en 3D à plus de 300 images par secondes. Nous sommes à des années-lumière des classiques 24 images par secondes. Les possibilités sont infinies et tout aussi accessibles, enfin la plupart du temps.

Le petit film montré en introduction, un bijou, reflète parfaitement ce que je veux dire. Il a probablement été tourné avec une caméra Canon 5D ou quelque chose dans le genre, bref, avec du matériel accessible au commun des mortels. Un rendu photographique, des lentilles qui permettent de réduire la profondeur de champs et qui, par le fait même, laissent place à ces flous artistiques si prisés qui transforment des environnements mornes en véritables tableaux, bref, le meilleur des deux mondes, sans pellicule, voilà la réalité qui nous occupe. 

Le fond, l'idée, le talent, le métier, reprennent graduellement leur place. À matériel égal, à budget égal, seuls ceux qui savent établir leur vision tout en se servant de la forme, comme d'un langage au service du fond, arrivent à réellement se distinguer. Des petites agences comme celle où j'évolue réussissent à produire des films publicitaires de grande qualité et à se démarquer avec des budgets qui n'auraient pas été suffisants auparavant. Comme le dit si brillamment le narrateur à la fin du film montré en introduction, «nous sommes tous les artistes de nos vies». Et bien, nous sommes aussi les artistes de nos publicités télés et de nos films publicitaires destinés au web. Ce qui rend encore plus inacceptable de voir des annonceurs se laisser berner aujourd'hui par une qualité de production qui relève d'une autre époque…

Merci à Marie-Claude Dubois de m'avoir exposé à ce film sur Facebook.

1 commentaire:

  1. Je ne me souvient plus du dernier vidéo corporatif que j'ai vu. Je crois que le vidéo corporatif n'existe plus.

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