lundi 30 janvier 2012

Le morceau de viande


La stratégie de création publicitaire qui repose sur l'utilisation du sexe, ou pour être plus précis, sur la pulsion inconsciente de reproduction, la pulsion de vie, me semble tout aussi pertinente et efficace que toute autre stratégie. On peut y arriver en misant sur l'intelligence, par de la symbolique subtile ou encore par l'humour. Quand on mise sur l'humour, faut réellement faire attention. Car le sens de l'humour varie d'un individu à l'autre et que la fine ligne qui nous fait passer du côté du sexisme primaire est parfois plus proche qu'on ne le croirait. 

Quand on associe, ne serait-ce que subtilement, la femme à un morceau de viande, on se tire tout simplement un coup de calibre 12 dans le front. C'est ce que j'appelle une faute triple: une faute de goût, une faute éthique et une faute marketing. Car voyez-vous, les quelques zoufs qui adhéreront à votre message ne vaudront jamais le tort que vous causeront des clients sérieux et assidus. Et c'est sans compter sur une réalité inaliénable: la majorité des décisions de consommation sont initiées par des femmes. Respectez les femmes parce que c'est dans vos valeurs, respectez-les par intérêt, mais respectez-les, vous n'avez pas le choix.

Le restaurant Newtown est donc tombé dans le panneau de la facilité et du sensationnalisme en exploitant un concept stupide pour mousser les réservations de ses clients et prospects sur le web en vue de la soirée de la Saint-Valentin. Et là, qu'on ne me taxe pas de puritanisme. J'aime qu'on utilise le sexe en publicité, mais il y a tant d'avenues inexplorées que je ne peux réellement croire qu'on emprunte encore une voie si vulgaire, intellectuellement parlant.

Choisir son restaurant, choisir sa viande, choisir la personne qui nous accompagnera pour cette soirée organisée par Cupidon, montrer un gros steak saignant, une fille qui se dénude, tenter de se donner de la classe avec une texture et un exercice typographique aussi illisible que bâclé, bref, se la jouer comme Newtown se la joue, c'est mépriser autant  l'intelligence des hommes que des femmes, car un homme, un vrai, en 2012, sait très bien exprimer sa virilité sans diminuer les femmes. Seuls les couillons, et j'espère que les gens du Newtown n'en sont pas (l'erreur est humaine), croient encore, au fond, contre vents et marées, que le sexisme est payant. Et vous savez quoi? Ils passent leur Saint-Valentin dans un club d'effeuilleuses avant de s'endormir seuls et sans-le-sou. C'est qui le morceau de viande en fin de compte?

mercredi 25 janvier 2012

Vingt


Vingt c'est la perte de l'innocence. C'est un billet vert de plus en plus insignifiant. C'est un «g» muet. Mais surtout, ça se vit. Une journée à la fois. À développer des relations saines avec des clients. À trouver de bonnes idées, de moins bonnes aussi qu'on jette à la corbeille et qui ressuscitent mutées pour nous ramener, parfois, à la grande idée. À assembler graduellement une équipe comme on bâtit une famille, une personne à la fois. À vivre l'exaltation de la réussite comme les amères déceptions inhérentes à ce secteur, celui de la publicité, un secteur aussi cruel que gratifiant.

Vingt pour vingt ans. C'est hier, c'est un regard sur le passé de l'agence où je travaille, Défi marketing, et c'est une vision d'avenir.  C'est un anniversaire, unique, qui témoigne de beaucoup plus que de la longévité, car durer pour durer ne veut rien dire. Vingt ans, c'est le passage du fax au courriel à skype. C'est le passage du monologue au dialogue. C'est la multiplication des canaux. Des médias qui s'éclatent. C'est une vision évolutive. C'est une capacité d'adaptation. La majorité des tigres et des lions de la pub d'il y a vingt ans n'y sont plus. Nous y sommes. Plus forts que jamais. Affamés.

Pour rester vingt ans en affaires dans cette jungle intraitable, quand t'as de bonnes valeurs et que tu es honnête, il te faut du talent, avant tout celui d'être rassembleur. C'est un des multiples talents de notre président et de mon associé, Claude Dutil. Je suis fier d'évoluer pour Défi à ses côtés. Je suis fier de notre équipe, de chaque individu qui en fait partie. De l'ambiance au jour le jour. De la qualité de notre travail. Du fait que nous livrons la marchandise. Que chaque projet est une fête. 

Demain, le 26 janvier, ce sera un autre tournant avec la soirée DéfiXX. Ensuite, on se donne rendez-vous dans 20 ans!

dimanche 22 janvier 2012

Le fond


je suis un être humain par carloschapman

Il n'y a pas si longtemps, je parle d'environ une dizaine d'années, en gros, deux types de productions prévalaient: les productions vidéos et les productions cinématographiques. 

Les premières, destinées au secteur corporatif, à la télé, souvent à la publicité locale et au web, ne laissaient que très peu de place à un rendu artistique, car le plus souvent limitées par l'équipement et la nature des projets, par les budgets. Nous avons tous visionné des dizaines de vidéos corporatives qui présentaient de manière aussi balisée qu'insipide une entreprise en utilisant la même petite musique de fond insignifiante, une variante de la musique d'ascenseur rehaussée d'un rythme électronique poche. Et là je ne parlerai pas du montage. Et qui n'a pas regardé des émissions tournées avec ce rendu qui rappelle la télé communautaire. En bref, une profondeur de champs infinie, rien qui ne se distingue, si ce n'est la carence de vision du réalisateur. De la petite recette plate. On justifiait la médiocrité par l'absence de moyens. Soit.

De l'autre côté, la pellicule, des caméras qui coûtaient de petites fortunes, des gros plateaux, des réalisateurs réputés, des films destinés au grand écran, des vidéoclips d'artistes populaires, des publicités de marques mondiales, des budgets stratosphériques et, souvent, un rendu qui relevait de l'Art. Et puis, graduellement, l'apparition de caméras numériques, imparfaites mais beaucoup plus intéressantes que le caméscope classique, ont fait leur entrée. Plusieurs doutaient. Mais des réalisateurs comme Éric Rohmer avec l'Anglaise et le Duc en 2001, ou encore Alexander Sokourov en 2002 avec l'Arche russe, une ode au musée de l'Ermitage, se sont risqués à réaliser en mode numérique des films destinés au grand écran, ce qui aurait été impensable dans les années 90. L'univers de la production ne serait plus jamais le même. Des boîtes qui vivaient sur la complexité des tournages devenaient soudainement confrontées à des manières de faire qui réduisaient sensiblement les effectifs. Plusieurs n'ont pas survécu à la mutation de leur secteur. Aujourd'hui, on tourne en numérique des ralentis artistiques à plus de 1600 images par secondes avec des caméras comme celles de la marque Phantom; des réalisateurs référentiels comme Peter Jackson utilisent en simultané des dizaines de caméras de marque Red qui permettent de filmer en 3D à plus de 300 images par secondes. Nous sommes à des années-lumière des classiques 24 images par secondes. Les possibilités sont infinies et tout aussi accessibles, enfin la plupart du temps.

Le petit film montré en introduction, un bijou, reflète parfaitement ce que je veux dire. Il a probablement été tourné avec une caméra Canon 5D ou quelque chose dans le genre, bref, avec du matériel accessible au commun des mortels. Un rendu photographique, des lentilles qui permettent de réduire la profondeur de champs et qui, par le fait même, laissent place à ces flous artistiques si prisés qui transforment des environnements mornes en véritables tableaux, bref, le meilleur des deux mondes, sans pellicule, voilà la réalité qui nous occupe. 

Le fond, l'idée, le talent, le métier, reprennent graduellement leur place. À matériel égal, à budget égal, seuls ceux qui savent établir leur vision tout en se servant de la forme, comme d'un langage au service du fond, arrivent à réellement se distinguer. Des petites agences comme celle où j'évolue réussissent à produire des films publicitaires de grande qualité et à se démarquer avec des budgets qui n'auraient pas été suffisants auparavant. Comme le dit si brillamment le narrateur à la fin du film montré en introduction, «nous sommes tous les artistes de nos vies». Et bien, nous sommes aussi les artistes de nos publicités télés et de nos films publicitaires destinés au web. Ce qui rend encore plus inacceptable de voir des annonceurs se laisser berner aujourd'hui par une qualité de production qui relève d'une autre époque…

Merci à Marie-Claude Dubois de m'avoir exposé à ce film sur Facebook.

mercredi 18 janvier 2012

Le bagage



En tant que créatifs, nous ne pouvons nier l'influence sur notre travail de ce que nous voyons, de ce que nous percevons, de scènes de films marquants à une période ou une autre de nos vies, de paroles de chansons qui nous rappellent des moments d'extase comme de souffrances insupportables, un peu à la manière des petites madeleines de Proust. Nous désirons créer ce qui ne l'a jamais été, je désire innover, faire vibrer, changer des perceptions, créer des attentes et les combler de manières absolue; un créatif en publicité, c'est une bibitte qui carbure à la réaction, à l'émotion, à l'action, je suis, nous sommes, des excessifs.

De voir une chanson relativement insignifiante mais néanmoins porteuse de nostalgie transmettre autant de symboles et d'ambiances en utilisant le cinéma, c'est pour moi une révélation de l'immensité des références culturelles qui façonnent nos créations. Ce petit film du réalisateur Matthijs Vlot, basé sur la célèbre chanson Hello de Lionel Ritchie, m'apparaît comme une véritable prise de conscience du temps qui passe et du bagage accumulé. La mosaïque culturelle et médiatique, les possibilités qui s'offrent aujourd'hui à nous pour faire d'une campagne publicitaire une réussite, en fait, tous les outils mis à notre disposition nous poussent souvent, peut-être implicitement, à créer des publicités qui, en réalité, représentent des «mashups», des assemblages, parfois complexes, souvent sincères, de notre vécu individuel. 

Dans la même veine, être créatif publicitaire, c'est mettre sans le savoir son intimité au service des marques que l'on dessert. Faut donc pas se surprendre quand nous avons de la difficulté à se dissocier de ce que nous faisons, à accepter les critiques…


Ajout important: Une lectrice et amie, que je respecte beaucoup, Hélène Dion pour ne pas la nommer, m'a fait remarquer que je parlais de la chanson de Lionel Ritchie quand, dans les fait, Hello est une chanson interprétée par lui mais écrite par Tania White et Shomari Wilson, ses auteurs. Trop de gens, dont moi, ont la fâcheuse habitude de ne pas mentionner les auteurs et de laisser sous-entendre que la chanson a été produite par l'interprète, ce qui est rarement le cas. Je vais tâcher d'y remédier à l'avenir.

dimanche 15 janvier 2012

L'effet contraire



Vous êtes Educ'Alcool et vous produisez une publicité de sensibilisation aux effets de l'alcool, avec comme objectif avoué d'induire un changement de comportement chez votre cible, soit une réduction de sa consommation hebdomadaire d'alcool. Disons que je suis votre cible, nous sommes mardi, il neige et j'ai eu une sale journée. Petit réflexe en arrivant à la maison, je me verse un scotch. Normalement, je ne m'en verserai pas un deuxième, car je sais que la semaine sera longue, mais après le souper, en regardant le téléjournal, je tombe sur votre publicité, montrée en intro, qui m'explique que je ne devrais pas dépasser les 3 verres par jour, parfois me rendre jusqu'à 4 et tenter de ne rien boire du tout au moins une fois par semaine. Je n'avais rien bu lundi. Alors l'effet direct, concret, de la publicité en question à court terme? Simple, elle me donne le goût de me verser un deuxième scotch et me conforte dans ma normalité. Elle me dit que c'est correct de me rendre à 15 consommations dans la semaine. Alors je me verse un autre scotch sans culpabilité aucune et je le déguste les yeux rivés sur un épisode de Mad Men. Sérieusement, c'est un collègue qui m'a décrit cette situation, c'est donc un cas réellement vécu et je ne crois pas qu'il soit isolé. 

Est-ce une campagne réussie? Oui et non. Oui car on y adopte un ton et un discours transparents et clairs, que les animations sont sympathiques, qu'on ne prend pas les gens de haut et qu'on gère la réalité en se basant sur la science et non sur la culpabilisation. Non, parce qu'on communique implicitement qu'il est normal de consommer de l'alcool sur une base régulière, alors que ce ne l'est pas vraiment, même si une majorité d'entre nous le faisons sans sourciller, souvent moi le premier. On concède trop, selon moi, pour réellement induire un changement de comportement. On baisse les bras.

C'est malheureusement une campagne de publicité qui a, dans une certaine mesure, absolument engendré l'effet contraire à celui désiré. Doit-on consentir à ce qu'une campagne de sensibilisation puisse provoquer des effets collatéraux indésirables? Est-ce acceptable en bout de ligne de nuire implicitement à une minorité d'individus mous pour en sensibiliser et possiblement en aider une majorité?

mercredi 11 janvier 2012

L'intangible au service du tangible



L'annonceur: le Rona de la Norvège nommé Byggmakker. L'énoncé final montré en langue norvégienne: «Nous aidons les autres à réussir». Une promotion sur le plancher flottant? Non. Des produits placés subtilement dans la publicité? Aucun. Qu'un message, induit à la fin de la publicité; que des humains, des situations aux antipodes de la marque; qu'une grande valeur: aider. Vous me direz qu'ils les vendent leurs produits et vous aurez bien raison. Mais ils les vendent avec élégance, en faisant appel à notre intelligence, en se positionnant comme notre allié, en soutenant nos aspirations, nos projets. Des annonceurs de cette catégorie chez nous ont flirté assez intensément avec ce type d'approche sans jamais réellement repousser les limites établies, les frontières convenues. C'est typique car ça fait peur d'évacuer le «tangible» de notre publicité, particulièrement dans le secteur de la vente au détail où le produit est roi, encore plus quand on est redevable à un gestionnaire à cravate qui connaît autant la communication qu'un enfant la physique quantique. Ça ne veut toutefois pas dire qu'on ne doive pas essayer. Dans cette publicité norvégienne, on a réussi.

Le fameux saut créatif, ce passage du tangible au concept, ce saut dans l'imaginaire et dans l'émotion, il est plus souvent qu'autrement avorté pour des causes politiques plutôt que pour de réelles causes marketing. Ce phénomène est la résultante de la peur. Pour s'en affranchir, il faut savoir se convaincre et persuader les autres de l'importance de se démarquer de la concurrence dans l'esprit du consommateur. Il faut aussi assumer qu'une erreur motivée par un souci réel de changement rapportera toujours plus, ne serait-ce qu'en apprentissages, que la sempiternelle application de la même recette plate. Moi, je ne les vois plus les publicités de Brault et Martineau. Ni celles de Léon et de nombreux autres annonceurs si insipides qu'ils forcent mon cerveau à les zapper de ma mémoire malgré moi, voire pire encore, à ne tout simplement plus les voir, même si j'y suis exposé des centaines de fois dans la semaine. J'ai récemment été confronté à une huître aussi fermée que terrifiée à l'idée de modifier une recette, la sienne, qui a mené son entreprise à une décroissance progressive de ses affaires. Des pertes pour lui bien tangibles, mais pas au point de défier l'ordre établi.

Se battre pour sortir des sentiers battus, forcer la main de nos supérieurs et risquer, faire arriver des choses, apprendre et avancer, redéfinir la manière de communiquer d'une marque pour la faire passer à un autre niveau, je crois que c'est un défi qui n'est pas relevé assez souvent au Québec. Je crois aussi que de s'y investir peut réellement mener à attirer l'attention des projecteurs du reste du monde sur notre entreprise. Car l'intangible, au service des marques, je le crois fermement, peut entraîner des montagnes de dollars, celles-là bien tangibles...

lundi 9 janvier 2012

Les chimères essentielles


La saga qui a suivi l'embauche d'un entraîneur unilingue anglophone par notre Sainte flanelle a déclenché chez moi un questionnement dont le dénouement s'est révélé par quelques échanges sur les médias sociaux. Je ne vous parlerai pas de langue, pas de politique, je ne vous parlerai pas d'affirmation nationale, loin de moi l'idée de débattre de ces questions ici, de un parce que ça ne me tente pas, de deux parce que ce n'est selon moi pas le bon endroit. J'aimerais plutôt vous entretenir sur le sens que l'on donne au concept même de réussite dans notre société. À l'importance accordée à l'efficience, à l'optimisation. Car c'est selon moi de là que proviennent toutes les mésententes et divergences. 

Réussir, pour la plupart d'entre nous, c'est atteindre des résultats, voire même de les dépasser. Les cibles atteintes sont par la suite remplacées par d'autres objectifs, dans une succession d'événements qui nous mèneront inexorablement à la mort. Le temps étant compté, il faut réussir vite, car des échecs répétés signifieraient implicitement que nous sommes incompétents, que ce soit au travail ou dans notre vie personnelle. Personne ne voudrait se retrouver avec une étiquette de perdant accolée au dos. Alors pour réussir vite, on coupe les coins ronds, on prends des raccourcis, on joue au jeu de l'échelle en espérant ne pas tomber sur un serpent. Certains sont chanceux, d'autres moins, mais une constante demeure, personne n'est chanceux ou ne réussit tout le temps. Nous vivons tous des cycles de périodes fastes et de léthargies. C'est une évidence. Mais nous demeurons obsédés par cette quête au détriment du moment présent, de la manière.

Alors de placer des valeurs humaines au centre de tout ce que l'on fait, d'avoir une vision qui dépasse le rendement financier, tout ça semble considéré comme une chimère inutile. Pourquoi s'enfarger dans les fleurs du tapis? Pourquoi s'énerver avec la manière quand seul le but importe? Pire encore, pourquoi revendiquer le droit  à l'échec quand seule la réussite renferme son lot de valorisation? Simplement parce qu'il y a toujours un après. Par «après», j'entends une question bête mais tout aussi primordiale, que restera-t-il de vos réussites sauf un solde bonifié de vos actifs? Il ne vous restera rien. Ce sont les échecs qui pavent la voie à l'innovation réelle. Ce sont les valeurs et les liens forgés avec des gens foncièrement émotionnels qui nous permettront d'avancer et de grandir. En agence de publicité, là où rien ne compte plus que le moment présent et l'anticipation des tendances, de l'avenir, que restera-t-il de nos campagnes éphémères si nous ne prônons pas les bonnes valeurs pour réellement «connecter» avec le consommateur? Que vaut une coupe Stanley remportée par une bande de mercenaires sans âmes dirigés par un entraîneur de club générique? 

C'est très à contre-courant de s'investir dans l'intangible, mais je crois que ça redeviendra graduellement à l'ordre du jour. Les entreprises n'ont pas les moyens de tout rebâtir à chaque trimestre, ça coûte cher d'être sans coeur, de passer des gens en entrevue, de tout recommencer, alors je vous le dis, ne perdez pas espoir, vos chimères sont essentielles. Redevenir humain, par pragmatisme, la prochaine grande tendance de notre époque?

jeudi 5 janvier 2012

L'effet papillon



C'était à l'automne 1988. J'arrivais avec mes 140 livres, mouillé, au Cégep Bois-de-Boulogne pour y étudier en Lettres. Avec un ami qui provenait du même collège que moi, nous avons décidé d'aller investir le local du journal étudiant pour pouvoir y profiter d'un rutilant Macintosh SE, un cube beige aujourd'hui insignifiant. Et peut-être d'y rencontrer des gens. Des gens, il y en avait. Pas vraiment des gens intéressants avec le recul, mais certaines personnes qui m'ont permis de m'incruster au sein de ce clan pour y devenir le directeur l'année qui suivit. Certains sont devenus animateurs à la télé, d'autres des publicitaires, comme moi, tandis que plusieurs ont pris le chemin de l'informatique, du droit ou du génie. Mais cette décision d'aller faire un petit tour au local du journal a été déterminante dans ma vie. J'y ai rencontré mes meilleurs amis lors de la deuxième année, mon premier amour aussi. J'y ai finalement découvert ma passion pour le design, le graphisme et aussi pour l'écriture. En plus d'un sens instinctif du leadership, grossier mais tangible, à peaufiner. Je le peaufine toujours.

Des petites initiatives comme celle-ci, je pourrais vous en énumérer des dizaines. Elles ont toutes eu un impact majeur sur le cours de ma vie. L'enchaînement de décisions prises sur le moment, sans trop y penser, ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. On a toujours une idée assez fidèle de ce qu'un choix entraînera comme impact immédiat, mais pratiquement jamais assez de recul pour prévoir où la combinaison nous mènera. J'ai récemment pris part à une sorte de cocktail de retrouvailles de mon ancien collège au secondaire. Certaines personnes s'en sont visiblement bien tirées, d'autres moins, mais une constante s'exposait: ce sont ceux qui représentaient un potentiel flou et qui étaient les moins «populaires» à l'époque, qui avaient le mieux ouvert leurs ailes et exploité leur potentiel par la suite. Ces éclosions tardives avaient produit des papillons plus épanouis, tandis que les «populaires» étaient restés pris avec leurs tics, figés dans ce qu'ils considéraient peut-être comme leur apogée hâtive. Pris au piège dans leur cocon doré.

La publicité en introduction démontre par l'absurde à quel point nous sommes la résultante d'une chaîne d'événements. C'est une bonne publicité, possiblement plus un beau prétexte pour que je vous raconte ma petite histoire, mais une bonne publicité quand même. Car je crois que l'effet papillon existe vraiment et que les décisions et choix que nous prenons, souvent trop précoces pour en mesurer l'impact réel, affectent vraiment le cours de notre vie et de celle de nos proches. Il n'est par contre jamais trop tard pour bien faire. Le pouvoir de changer nous appartient, si la douleur et la peur ne nous figent pas trop les ailes...

dimanche 1 janvier 2012

L'impertinence


La publicité, le soir du 31 décembre, représente une réelle opportunité offerte aux grands annonceurs qui possèdent un peu de budget. Une occasion de se démarquer et de positionner avantageusement leurs marques en prônant la créativité, le décalage, les émotions. C'est une opportunité, donc seulement ceux qui veulent réellement la saisir le font. Il faut que ce soit stratégique et surtout, rentable. Mais qu'est-ce que le rôle de la publicité si ce n'est pas de donner à une marque une aura et, par association, une valeur particulière dans l'esprit du consommateur? Selon moi, hier soir, personne n'a réellement relevé le défi, si ce n'est Sid Lee avec les magnifiques animations qu'elle a produite pour IGA. Dans tout le reste, que de la redite ou de l'adaptation insipide qui donne dans la recette classique des bons voeux. 

Est-ce la faute des agences de publicité? Je ne crois pas. Aucune agence ne pourra exploiter sa créativité si le client lui attache les mains dans le dos. Or, nous évoluons à une époque où les directions marketing ont peur d'avoir peur et préfèrent investir des sommes mirobolantes en média tout en roulant toujours les mêmes sempiternels messages. On exploite les marques comme le faisaient les agences de Madison avenue en 1967. Un grand leitmotiv: R-É-P-É-T-I-T-I-O-N. Le grand règne du quantitatif beige sur le qualitatif vibrant. Des ratios «production-média» qui plaisent aux gestionnaires mais aucun impact réel. D'une tristesse qui frise le mépris du consommateur. Surtout quand ça provient la majeure partie du temps d'une ville, Montréal, dont l'ADN est supposément constitué essentiellement de créativité. 

Pour revenir au temps des Fêtes et à la soirée du 31 décembre, de grâce, des publicités qui parlent de la mort et du cancer, celle de la Fondation des maladies du coeur pour ne pas la nommer, quelques minutes avant minuit, suis-je le seul à trouver que c'est absolument désagréable et anti-climatique? Me semble que le gros bon sens devrait dicter certaines choses et que le contexte de diffusion devrait être pris en compte, or, ça n'a tout simplement pas été le cas. #gigafail. Même chose pour la publicité de Terre sans frontières qui, même si j'adore Guy Nantel et si la mission de l'organisation est plus que louable, me hérisse le poil tellement elle redéfinit la notion même de stupidité. Mon message aux médias: arrêtez «don» de la passer à toutes les 5 secondes et demandez à l'organisation de vous fournir une publicité sympa. Continuons le bitchage. Le docteur Barrette qui tente d'être émouvant et même de sourire en nous souhaitant une bonne année, ça ne fonctionne pas. Il est bête notre bon docteur Barette, c'est pas de sa faute c'est sa nature, alors même avec un feu de foyer en arrière plan et un pull sur les épaules, ça ne marche pas. Point. Et je vous épargnerai mon analyse déductive de la marque Qualinet. Eux autres, faut le leur concéder, ils aiment passer au bâton (pourquoi ne pas tomber dans la métaphore de baseball?): ils frappent dans le champ gauche, dans le champ droit, ils frappent des chandelles, des flèches, des amortis, tout sauf un circuit. Mais bon, je ne connais rien et ça doit être très rentable pour eux…

Ça nous ramène au dilemme le plus marquant en publicité: de la fréquence ou de l'impact? Bien honnêtement, la deuxième option est de loin ma préférée, même si une fréquence média correcte sera toujours requise pour rejoindre son monde. Être exceptionnel une fois me parle plus que de rester insipide mille fois. Car le bouche à oreille démarre de l'excellence et de l'innovation. De la déstabilisation. De la réinvention. Mon message aux annonceurs pour 2012: soyez courageux! Vous ne le regretterez pas.

Sur ce, bonne année, j'ai l'impression que je ne serai pas reposant, alors vous êtes avisés. Ça va passer ou ça va casser cette année...

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