Le sens de l'humour est variable d'une personne à l'autre, mais aussi d'une génération à l'autre, d'un sexe à l'autre ou d'un segment démographique ou psychographique à l'autre. Quand on veut prôner l'humour pour faire passer notre message, faut s'assurer avant toute chose que notre cible primaire va trouver ça drôle, mais qu'elle va aussi assimiler le message de la bonne façon pour induire le bon comportement en bout de ligne. Si on fait rire les mauvaises personnes, on se plante. Si la blague prend le dessus sur l'objectif et tout ce qu'on retient est le punch, c'est également loupé. Si personne n'en rit et qu'on sent qu'on nous prend pour des imbéciles, c'est la catastrophe. C'est exactement ce qui s'est passé avec la dernière campagne gouvernementale visant à promouvoir la vaccination des filles pour les protéger du VPH, une ITS responsable du cancer du col de l'utérus (les types de VPH 16 et 18), disponible ici.
L'idée n'est pas de remettre en question la nécessité de la campagne. Mais pour ce qui est de la stratégie de création, là, je me prononce: c'est raté. Les cibles principales, soit les jeunes filles et leurs parents (fort probablement les mères) ne peuvent adhérer à ce faux dilemme: choisir entre la ceinture de chasteté ou le vaccin. Ça équivaut de communiquer simplement l'axe suivant: «si vous n'optez pas pour le vaccin, vous êtes taré». Or, de ne pas faire confiance à l'intelligence de la cible, en partant, c'est risquer de se la mettre à dos et c'est un risque inutile. Car ceux qu'on veut réellement convaincre sont sceptiques pour toutes sortes de raisons et il faut savoir se placer dans leurs souliers, les respecter, pour ensuite pouvoir espérer les faire changer de camp. Pour ce qui est de l'humour, ça ne marche pas. Et en plus, c'est mal réalisé, c'est du Powerpoint glorifié, bref, c'est un ramassis beige. J'ai une assez grande admiration pour l'agence qui a concocté la campagne, Cart1er, mais là, vraiment, je ne comprends pas. Ou en fait je comprends trop bien… On a misé sur une analogie peut-être intéressante en réunion, mais complètement à côté de la plaque dans la réalité.
Tout ça pour dire que l'humour est probablement le pire cheval de Troie de toutes les stratégies de création publicitaire. Ce n'est pas parce qu'un créatif trouve une idée réussie qu'elle l'est réellement. Le web est un véhicule d'information qui aurait pu véritablement faire la différence sur cet enjeu, si on avait ne serait-ce qu'un instant respecté les motifs des sceptiques en leur communiquant l'essentiel. Avec ce concept, l'essentiel a pris le bord, supplanté par une stratégie de création aussi inutile qu'offensante.