dimanche 15 mai 2011

Le sexe, autrement



J'ai récemment amplement décrié le rôle de «cave de service» donné à l'homme québécois en publicité. J'ai aussi «bitché» sur les publicités de bières, notamment celles de Bud Light. Tout ça est bien beau, la majorité des gens semblent d'accord avec moi, certaines discussions ont émergé de tout ça, mais il en restera toujours quelques uns pour défendre ces approches créatives stupides. Les arguments présentés sont généralement aussi allumés que les pleutres qui les apportent: de un, c'est le client qui exige ce type de publicité; de deux, les résultats sont probants; de trois, les clients apprécient. Donc, si je comprends bien, certains publicitaires préfèrent produire des publicités bêtes qui plaisent au client plutôt que d'assumer leur rôle. De plus, dans cette perspective, le publicitaire n'aurait donc aucune réflexion éthique et évacuerait de ses responsabilités le progrès social. Finalement, les résultats seraient la preuve indubitable d'une réussite, et là je parle de résultats de ventes. De vendre et dépeignant l'homme québécois comme un arriéré n'importe guère. Le client est content, les ventes sont là, pourquoi donc se torturer de questions si futiles? Après tout, aucune loi n'est violée… Ces arguments reflètent ce que je méprise le plus en publicité. Nous devons être plus intelligents que ça.


Prenons la publicité présentée en introduction, destinée au marché grec et produite par Wieden Kennedy London. Est-ce que la cible ressemble à celle des fameuses publicités de Monsieur J'embarque de Bud Light? Absolument. Est-ce que le produit est ordinaire et peu différencié? Oui, tout à fait. Mais ici on explore une avenue créative audacieuse. Le sexe est présent, mais c'est un leurre. Une astuce pour nous transporter dans une vision de la vie qui déborde les stéréotypes et les préjugés où l'homme devient plus qu'un prédateur de jeune chair, où le plaisir est transcendé par une réelle complicité, où les différences d'âges ne signifient rien d'autre que la complicité. Ça ne rend pas ce thé glacé meilleur, mais ça le rend plus sympathique. Est-ce que les résultats de recherche de Nestlé, un géant mondial, seraient à ce point différents de ceux de nos génies québécois qui s'occupent des campagnes de bières? Pensez-vous réellement que Nestlé jouerait réellement à la roulette russe en laissant une agence comme Wieden Kennedy peaufiner ce message? Je ne crois pas.


Nous, les publicitaires, aurons toujours le choix de se mettre la tête dans le sable en regard à nos responsabilités sociales. Je crois que nous pouvons assez facilement concilier les objectifs de nos clients avec notre rôle d'innovateur des grands courants sociaux. C'est de cette façon que j'arrive à apprécier pleinement mon rôle. Je respecte toutefois ceux qui croient que je carbure aux vapeurs de rêves. Mais jamais, au nom de l'argent, je ne ferai partie de leur camp.

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