La réponse facile, automatique, c'est bien évidemment non! Comment une discipline qui vise essentiellement la promotion et la vente de produits ou services par le biais de stratégies manipulatrices peut-elle être, ne serait-ce qu'un instant, associée à la liberté d'expression absolue que représente l'art? Poser la question c'est y répondre, selon la très grande majorité des gens. Je crois que ce raisonnement est trop facile.
Quel est le but de l'art, quel qu'il soit, si ce n'est de communiquer sa vision de la société, sa perception de la vie, de l'amour, bref, sa conception du monde? Certains le font par le biais d'affirmations brutes et évidentes, d'autres par des questionnements plus subtils, mais un fait demeure: pourquoi communiquer si on ne veut pas être compris? Or, être compris, c'est aussi vouloir indirectement convaincre de sa légitimité. Rares sont les artistes qui évoluent sans se soucier de l'opinion des autres. Rares sont les artistes dont l'oeuvre est repliée sur elle-même au point de ne pas considérer la perception d'autrui. Les stratégies de communication utilisées par les artistes sont probablement inconscientes, les messages plus ou moins clairs, les cibles floues, mais croyez-moi, je ne connais aucun artiste qui ne veuille pas séduire.
D'un autre côté, nous avons la publicité, futile exercice mercantile la plupart du temps, avec des exécutions majoritairement stupides qui meublent notre quotidien. Avec des marques de merde comme Léon et tant d'autres qui forcent dans la gorge du consommateur des monologues tellement abrutissants qu'ils en viennent à provoquer bien malgré eux un syndrome de Stockholm chez ce dernier. Mais d'autres marques, plus évoluées, décident volontairement de respecter l'intelligence du public et de donner à leurs agences de publicité une latitude créative qui relève pratiquement de l'art. Entre une chanson formatée de Coldplay ou une toune comme celle de la marque Converse rapportée la semaine dernière, laquelle relève plus de l'art avec un grand A? Une fois écumées, les univers publicitaires et artistiques se rapprochent étrangement.
La publicité n'est généralement pas de l'art. Ce n'est pas sa fonction. Mais une vague de fond vient depuis quelques temps affecter ses fondements. Des liens sont créés avec les consommateurs d'une manière plus inusitée, esthétique, directe, mais aussi par pragmatisme parce que l'authenticité vend. Plus que jamais, des réalisateurs, des graphistes, des ingénieurs de son et des rédacteurs laissent libre cours à leurs instincts créatifs à des niveaux qui relèvent pratiquement de l'art. À une question posée, je vais toujours me méfier des réponses trop faciles, tout en continuant à carburer à l'idéal d'une publicité éthique, efficace, belle, artistique.