Le rôle principal du publicitaire est de faire des liens, des connexions, émotionnelles, rationnelles, entre des marques et des individus, pour vendre, fidéliser et vendre encore plus. Les marques qui s'adressent principalement aux jeunes doivent de surcroît tenir compte de l'aspect éphémère des modes, de la vitesse fulgurante à laquelle passent les courants technologiques, bref, ils doivent conjuguer avec l'instant présent. Or, rien ne ramène plus à l'instant présent que la musique, qui restera toujours le meilleur moyen pour les jeunes de se «positionner» socialement. Qu'une marque comprenne ça est en soi très très louable.
La marque Converse demeure une marque mineure si on la compare à des géants comme Nike, Adidas ou Reebok. Elle représente néanmoins un avantage marqué en ce sens qu'elle est associée de près depuis longtemps aux courants alternatifs, elle relève donc plus de la contre-culture que de la culture pop dite «mainstream». Porter des «Converse noirs» signifie un certain état d'esprit, une prise de position en faveur des arts, bref, une ouverture. Cette force, car c'est une grande force selon moi, c'est de transcender son produit, de véhiculer un héritage, une histoire, qui est aujourd'hui véhiculée par plusieurs artistes pour qui le célèbre logo «Converse All Stars Chuck Taylor» signifie l'unicité, la liberté. Ce qui nous ramène à la musique. Car une tactique prônée depuis l'automne dernier par cette marque fondée en 1908 consiste à tout simplement choisir des artistes musicaux connus mais clairement dans le ton de la marque, et de leur faire produire une chanson unique, accompagnée d'un clip interactif où l'on peut, en empruntant un microsite dédié et la plateforme Facebook, littéralement s'y intégrer. Le produit est réellement derrière, la musique prend toute la place, mais la signature finale est sans équivoque. La chanson, lancée il y a deux jours, est une collaboration exclusive de Paloma Faith, de Graham Coxon (Blur) et de Bill Ryder-Jones qui faisait partie du groupe Coral. J'aime bien la chanson, mais ce que j'aime encore plus, c'est l'idée qu'une marque puisse faire suffisamment confiance à l'instinct des gens et à l'association naturelle qu'ils font entre la musique, leur apparence et leur «positionnement» personnel. Assez brillant.
À cette époque où la vidéo règne, il ne faudrait jamais sous-estimer le pouvoir de la musique. Plus qu'une génératrice d'émotions, la musique peut inspirer, soulager, bref, fédérer différents segments autour d'une marque. Parfois, il faut faire confiance à l'ouïe des gens, même si tout de notre époque nous mène à vouloir en mettre plein les yeux pour convaincre les éternels sceptiques.