Musique douce de Noël, feu qui crépite dans le foyer, narration par une voix masculine humaine et mature:
«Une fête religieuse basée sur la commémoration intime de la naissance de Jésus; une fête familiale, de partage, sincère; une rencontre empreinte d'humilité où la messe de minuit, solennelle, au centre, comme un passage obligé, nous projette dans une forme de recueillement aussi mélancolique qu'authentique. Une rupture avec la course du quotidien, une pause salutaire, un moment pour inspirer, expirer, pour prendre le temps. Une célébration de l'enfance, de l'innocence, de l'émerveillement. Des décorations lumineuses et vives, des cadeaux signifiants, un arbre et un père Noël aussi vrai que furtif. Des souvenirs qui se perpétuent chez nos tout-petits. La joie.»
Effet sonore de scratch d'une aiguille sur un microsillon, reprise de la narration, mais dans un registre plus angoissé, avec comme trame sonore de fond le bruit cacophonique d'une foule:
«Trente minute d'attente sur la voie de service qui mène à l'entrée du Carrefour Laval, 45 minutes pour trouver une place de stationnement, il fait chaud, les allées sont bondées, la liste est longue, il débute par une visite au Apple Store, ensuite chez La Baie, puis Lacoste, pour terminer chez Zara. Nous sommes le 3 décembre. Il recommencera ce manège au moins 2 fois, pour un total de 2400$ en cadeaux dépensés, enfin reportés sur la carte de crédit platine ou sur la marge bancaire qui intègre l'hypothèque de la maison de 800 000 $ située à Val des Arbres au prêt sur la Range Rover noire au moteur Supercharged. Ces dépenses s'additionneront aux frais d'abonnement de ski au Mont-Saint-Sauveur pour toute la famille, à un voyage à Riviera Maya en couple en février, au complet Tom Ford acheté 2600$ chez Harry Rosen sur Peel en novembre et à la soirée bien arrosée entre amis de jeudi dernier chez Bremner dont il aura réglé la note, 687$, incluant le pourboire de 18% laissé par le biais de ces magnifiques petites machines sans fil où l'on peut fixer le pourcentage du service sans se tromper, même quand on est un peu pompette. Il semble heureux mais croule intérieurement sous la tristesse qui l'afflige. Noël arrive. Fin.»
Loin de moi l'idée de porter un jugement sur Noël ou de vous faire la morale sur la société de consommation à laquelle nous contribuons tous, moi le premier. Mais si Noël doit nous servir qu'à une chose, seulement une, ça devrait selon moi être le déclenchement d'une prise de conscience. De consommer et d'en être conscient est une chose, de rester emporté dans un tourbillon sans même le réaliser en est une autre. C'est à ce moment que Noël devient amoral, quand nous ressemblons à des robots compulsifs qui dépensent pour combler un vide sans fin. Le film d'Unicef montré en introduction est tendancieux et manipulateur, mais une phrase de ce Père Noël est trop vraie pour être ignorée: «I don't do poor countries». Eux ils crèvent.
Cette année, plusieurs personnes en arrachent. L'avenir n'est pas très prometteur. Mais tant que nous conserverons cette faculté d'émerveillement, ce potentiel d'agir, ce pouvoir de changer les choses, cette metaconscience, l'espoir perdurera.
Joyeux Noël, bonne année, je vous aime tous et on se revoit tout début 2012 après cette petite pause que je m'accorde pour terminer 2011. Ce sera encore une grosse année pour moi, les projets se bousculent, j'ai hâte de partager tout ça avec vous et de continuer pour une troisième année ce parcours particulier, celui de FacteurPub !
Sincèrement, Mathieu xx