mercredi 31 août 2011

Le sens de l'humour

Le sens de l'humour est variable d'une personne à l'autre, mais aussi d'une génération à l'autre, d'un sexe à l'autre ou d'un segment démographique ou psychographique à l'autre. Quand on veut prôner l'humour pour faire passer notre message, faut s'assurer avant toute chose que notre cible primaire va trouver ça drôle, mais qu'elle va aussi assimiler le message de la bonne façon pour induire le bon comportement en bout de ligne. Si on fait rire les mauvaises personnes, on se plante. Si la blague prend le dessus sur l'objectif et tout ce qu'on retient est le punch, c'est également loupé. Si personne n'en rit et qu'on sent qu'on nous prend pour des imbéciles, c'est la catastrophe. C'est exactement ce qui s'est passé avec la dernière campagne gouvernementale visant à promouvoir la vaccination des filles pour les protéger du VPH, une ITS responsable du cancer du col de l'utérus (les types de VPH 16 et 18), disponible ici.

L'idée n'est pas de remettre en question la nécessité de la campagne. Mais pour ce qui est de la stratégie de création, là, je me prononce: c'est raté. Les cibles principales, soit les jeunes filles et leurs parents (fort probablement les mères) ne peuvent adhérer à ce faux dilemme: choisir entre la ceinture de chasteté ou le vaccin. Ça équivaut de communiquer simplement l'axe suivant: «si vous n'optez pas pour le vaccin, vous êtes taré». Or, de ne pas faire confiance à l'intelligence de la cible, en partant, c'est risquer de se la mettre à dos et c'est un risque inutile. Car ceux qu'on veut réellement convaincre sont sceptiques pour toutes sortes de raisons et il faut savoir se placer dans leurs souliers, les respecter, pour ensuite pouvoir espérer les faire changer de camp. Pour ce qui est de l'humour, ça ne marche pas. Et en plus, c'est mal réalisé, c'est du Powerpoint glorifié, bref, c'est un ramassis beige. J'ai une assez grande admiration pour l'agence qui a concocté la campagne, Cart1er, mais là, vraiment, je ne comprends pas. Ou en fait je comprends trop bien… On a misé sur une analogie peut-être intéressante en réunion, mais complètement à côté de la plaque dans la réalité.

Tout ça pour dire que l'humour est probablement le pire cheval de Troie de toutes les stratégies de création publicitaire. Ce n'est pas parce qu'un créatif trouve une idée réussie qu'elle l'est réellement. Le web est un véhicule d'information qui aurait pu véritablement faire la différence sur cet enjeu, si on avait ne serait-ce qu'un instant respecté les motifs des sceptiques en leur communiquant l'essentiel. Avec ce concept, l'essentiel a pris le bord, supplanté par une stratégie de création aussi inutile qu'offensante.

5 commentaires:

  1. Excellent billet Mathieu, ton billet résume bien le malaise que j'éprouvais face à cette campagne de pub. Je ne savais plus trop si je devais rire ou non. Évidemment, je ne suis pas dans le public-cible, mais bon... Et oui, je trouve qu'on ne se fie pas à l'intelligence de la cible. C'est ordinaire!

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour ton commentaire Roch! Tous les commentaires semblent aller dans le même sens, dommage dans le fond, de voir ce budget «gaspillé» ainsi...

    RépondreSupprimer
  3. Je serais beaucoup plus virulente que toi Mathieu. Tout sonne faux, mais faux dans cette campagne et j'en suis vraiment déçue. D'une part, est-ce une bonne idée de cibler les parents, parce qu'on s'adresse ici aux parents, tout dans le ton, la démonstration, l'explication de la maladie le suggère. Juste le fait de penser que les parents d'aujourd'hui puisse faire un choix entre un vaccin et une ceinture de chasteté ; c'est complètement illogique et irréaliste, c'est vraiment prendre la cible pour des caves. C'est un mauvais choix stratégique. J'avoue que c'est pas évident de parler de maladie et de solutions (pharmaceutiques ou non). J'ai fais assez de campagnes pour des produits pharmaceutiques pour m'apercevoir que c'est pas évident de faire passer une idée a tous les niveaux d'approbation et aux instances gouvernementales et il n'aurait pas été nécessairement plus simple de parler aux adolescent (e) s directement; mais peu importe c'est certainement pas en empruntant ce ton qu'ils vont réussir à convaincre qui que ce soit. Cette campagne est déconnectée. de la cible, de la sous-cible et pour le saut et la stratégie créative - on repassera parce que c'est râté. Dommage. Lors de la dernière édition de la Relève Publicitaire 7 équipes de 6 étudiants universitaires ont développés une campagne qui adressait le même enjeu pour le vaccin contre le VPH de Gardasil et toutes les équipes universitaires ont 100 fois mieux réussis que Cartier à avoir une campagne stratégique, intelligente, surprenante et audacieuse pour le propos. Le ministère pourrait s'en inspirer pour la prochaine fois

    RépondreSupprimer
  4. @Sonya

    Ouch! Mais tu as trop raison! Merci d'avoir cerné toute la question Spnya!

    RépondreSupprimer
  5. Très mauvaise campagne en effet. Merci Mathieu de dessiner, en si peu de mots, un si juste portrait de cet échec. Nous faire changer d'avis ou accepter un fait en nous traitant de cave n'est jamais une bonne tactique. Pourquoi alors l'utiliser en marketing?

    RépondreSupprimer

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails