En branding comme en marketing, une grande partie de la réussite relève de l'analyse, de l'idéation et de la planification. Ceux qui voient loin et envisagent les choses différemment s'en sortent généralement mieux que les autres, car ce sont des innovateurs et que le consommateur adore s'identifier au progrès. Mais au-delà de la vision stratégique à plus longue vue, il faut savoir gérer les facteurs qui peuvent affecter l'expérience de marque à court terme et tirer son épingle du jeu. Ces facteurs relèvent plus souvent qu'autrement du macro-environnement: ce sont des vagues, des opportunités, des barrières qui surviendront sur l'air du temps. L'idée ici est de bien gouverner sa marque en anticipant les écueils. Comme le disait si justement Émile de Girardin: «Gouverner c'est prévoir». Rien n'est plus vrai.
Imaginez que vous êtes un gestionnaire de haut niveau d'une bannière bien établie de complexes de cinémas. Le vendredi 24 juin arrive à grands pas et ce sera une grosse journée, vous le savez, c'est comme ça toutes les années à cette période, car plusieurs «blockbusters» prennent l'affiche simultanément et que cette année, de surcroît, c'est congé, la Saint-Jean oblige. La suite attendue d'un des plus grands succès de Pixar, Cars 2, sortira en salle à cette occasion, ce qui implique que les familles seront au rendez-vous (n'importe quel parent vous dira que Flash McQueen est une icône incontournable pour les enfants). Nous sommes le lundi 20 juin. La météo est superbe, mais un méga système dépressionnaire est prévu sur le Québec à partir de mercredi, pluie assurée pour plusieurs jours. L'achalandage sera donc décuplé, avec des enfants déchaînés (inutile de dire que l'école primaire et secondaire se termine la veille). Donc, pour revenir à notre histoire, vous êtes un gestionnaire de haut niveau de cette bannière. Vous faites quoi au juste? C'est ça, vous vous penchez sur l'optimisation de la gestion des files, vous incitez les gens à se présenter plus tôt, vous avisez vos employés de se tenir prêts et vous vous assurez d'avoir suffisamment de gens sur le terrain pour répondre à la demande, notamment aux comptoirs de bouffe. Bref, vous êtes proactif pour trois raisons: engranger un maximum de profits, surclasser la concurrence et faire vivre à votre clientèle une expérience de marque supérieure. Ce que je viens de vous décrire relève malheureusement de la science fiction.
La réalité, crue, je l'ai vécue avec mon fils ce vendredi. Nous avons acheté nos billets trois heures à l'avance et nous sommes pointés sur place une heure avant le début fixé de la projection, bref, nous avons été de bons clients. Et qu'avons-nous eu droit en retour? À vingt minutes d'attente pour un sac de pop-corn et à 40 minutes à faire le pied de grue dans une file infinie et surtout, mal définie, où l'on se faisait sans cesse bousculer par ceux et celles qui désiraient acheter du maïs soufflé. Un bordel total. Des enfants qui pleurent, qui crient, des parents angoissés de perdre leur place quand tout-petit demande d'aller à la toilette… Les portes de la salle qui s'ouvrent à 15h15 quand le film doit débuter à 15h10. Une projection qui débute avec pas mal de retard le temps que tous soient assis. De la publicité et des bandes annonces pendant presque 20 autres longues minutes, bref, une attente interminable, particulièrement pour des enfants impatients par jour de pluie. Nous étions considéré comme un troupeau dont on extirpait un maximum de rendement. Une expérience qui relève de la torture. Vais-je y retourner? Vont-ils y retourner. Pour moi c'est clair.
Malheureusement, ce problème semble généralisé. On ne tente pratiquement jamais de gérer le «prévisible» et, pour ajouter l'insulte à l'injure, certains responsables ont le culot de se poser, au contraire, en victime des événements. Allo? Y-a-t-il un pilote dans l'avion? Nos politiciens des différents paliers de gouvernements se réveillent soudainement pour concerter les travaux de réfection des routes lorsque la ville de Montréal est figée dans la congestion depuis des semaines et que les médias font leurs choux gras de l'anarchie ambiante. Les Conservateurs réduisent pour des motifs incompréhensibles les effectifs de sécurité aux aéroports sans envisager les effets collatéraux que subiront les voyageurs, qui doivent depuis quelques temps se taper des heures et des heures d'attentes… Les exemples pullulent. Et ce sont les consommateurs, les citoyens, bref, le monde ordinaire qui en subit les conséquences. C'est pourtant si simple de se mettre dans la peau de l'autre quand on a un minimum de jugeote. Gérer le prévisible ne demande pas un quotient intellectuel très élevé, mais plutôt de la rigueur, de l'organisation, de l'empathie et du gros bon sens. Mais voyez-vous, ces facultés semblent avoir été amputées des hémisphères cérébraux de trop de dirigeants d'entreprises et de politiciens. Qu'ils ne s'étonnent pas si nous décidons d'aller voir ailleurs, de voter autrement, ou tout simplement de changer de planète!
C'est drôle que tu parles de ce sujet. Vendredi dernier, j'ai été témoin d'un exemple complètement inverse de "gestion de crise"... ou disons plutôt de "gestion de festivité".
RépondreSupprimerAu Chamard spécialiste de la bière, à Repentigny, c'était le bordel. En fait, non, c'était sensé être le bordel vu la quantité de gens et la fébrilité dans l'air mais, finalement, il n'en était rien.
Le 24 juin, toutes les épiceries étaient fermées. À part les stations services et quelques dépanneurs qui tenaient des bières commerciales de mauvaise qualité, tous étaient congés. Chamard savait pertinemment qu'il ramasserait toutes ces brebis égarées et assoivées.
Au lieu de gérer un troupeau à coup de fouet et de cris guerriers, le propriétaire a prévu transformer la place en... lieu de fête! Il s'est engagé un DJ électro et l’a mis en plein centre de la place, il y avait PLEIN d'employé dont une bonne partie s'occupait de gérer la circulation et d’autre aidaient les clients à trouver ce qu’ils cherchaient rapidement afin d’éviter un emboutaillage dans les frigos.
En prime, le proprio lui-même s'occupait de trier les gens à l'entrée. Avec le sourire et en s’amusant en plus de ça. Bon, vu les profits de la journée je comprends son sourire facile. :P
Résultat de la gestion: tout le monde s'amusait malgré qu'il y avait une fil d'attente INTERMINABLE à chacune des deux caisses... Ceux qui trouvaient le temps long dansaient sur la musique, les autres jasaient avec le proprio ou les employés.
Au lieu de contrer une vague de panique de dernière minute, le propriotaire de l'établissement a su surfer sur cette vague afin que chacun y trouve son compte dans le bonheur. Pas de casse. Pas d'impatience.
Ça m'a redonné espoir et m'a démontrer que les bons exemples de gestions se retrouvent partout. Même dans les petits commerce de banlieue. :P