Le Cannes Lions International Festival of Creativity, le rendez-vous de tous les publicitaires du monde, débute aujourd'hui. Évidemment, nous remarquerons l'ajout du terme «créativité» au nom officiel du festival, qui déborde désormais le seul champ de la publicité normalement dédié aux médias plus traditionnels, et par là j'inclus le web. On me demande souvent, étant donné mes fonctions de VP - Lions de Cannes à l'APCM, où le Québec se situe par rapport aux grands?Si nous sommes à la hauteur? Absolument. En douter serait de se laisser miner par notre éternel complexe du colonisé. Car pour gagner à Cannes, il faut simplement avoir une grande idée. Nous en sommes capables. Amplement.
Si des pays émergents comme le Brésil ou l'Afrique du Sud arrivent à se démarquer, c'est qu'il y a là-bas une manière d'aborder la créativité sans complexe, en toute liberté. Cette liberté repose principalement sur l'ouverture d'esprit des clients annonceurs, mais aussi sur des techniques innovantes qui décomposent les mythes souvent associés à l'élaboration d'un concept. Premièrement, il n'y a pas de lieu ni de procédé qui puisse faire surgir subitement une grande idée «sur commande». Les séances de «brainstorming», aussi appelées «tempêtes d'idées», correspondent parfaitement à l'aura hollywoodienne que plusieurs se font des équipes de création. La réalité est pas mal moins sexy, mais plus intuitive: il faut savoir saisir le moment. Ce moment, il peut se passer lorsque nous sommes sous la douche, à conduire notre véhicule, et même à d'autres occasions que je m'abstiendrai de vous décrire. Les bonnes équipes de création sont avant tout bien dirigées, bien balisées, mais sont surtout celles qui laissent les cerveaux de leurs membres travailler à volonté dans les zones inconscientes. Celles qui prennent le temps. Pour gagner à Cannes, il faut donc avant toute chose se faire confiance et se donner la chance.
Mais pour être honnête, il faut plus qu'une bonne idée. Il faut une idée qui transcende les cultures, une idée assez marquante pour laisser des traces, il faut susciter la grande émotion, il faut la simplicité, possiblement un concept au service d'un annonceur connu, mais avant tout, il faut que la pièce eut fait son chemin dans l'esprit des membres du jury, et ce souvent par une présence marquée dans différents concours qui précèdent la grand-messe. Car oui, comme dans toutes choses, il y a de la politique à Cannes, probablement pas plus qu'ailleurs, mais bien assez pour en tenir compte. Bonnes chances à tous, mais surtout à toutes les agences québécoises qui tentent le coup cette année. J'y reviendrai. Je vous laisse sur cette publicité dont j'ai souvent parlé, celle qui m'a le plus marqué l'an dernier parmi les gagnantes à Cannes. Elle me donne encore aujourd'hui les mêmes frissons que lors de mon premier visionnement.
Encore une fois, très bel article! Effectivement il faut y croire mais aussi se donner les moyens et l'envie d'y croire.
RépondreSupprimerEt si ca ne marche pas cette fois-ci, il faudra se retrousser les manches et continuer à y croire et à aller de l'avant :)
Ca me fait penser à Denis Villeneuve à Cannes pour Incendies! Quelque soit l'issue, on est fier de nos talents locaux!
Je lisais un article du Harvard Business Week hier soir et j'ai pensé à ton billet. À savoir si nous étions bon, au Québec, pour rayonner à l'international.
RépondreSupprimerJe crois que oui mais que cette créativité tombe dans un certain mutisme. Je ne sais pas si c'est une tendance qui empire (ne soyons pas alarmiste non plus) mais évidemment, la perte de marché au main de Toronto vient gruger quelques comptes de catégorie international qui auraient du potentiel.
Le Québec est un petit spot mystérieux de l'Amérique du Nord. Et les clients vivent un certain malaise face au mystère parce qu'une entreprise cherche le concret et le vérifiable. Dans l'Harvard Business Week, une chroniqueuse écrit:
"We manage numbers because it's easier. We focus on stuff that matters, surely, but we are doing the thing of managing the measurable, rather than the meaningful."
"The meaningful" résume ce qui se passe au Québec présentement. Une pub « mesurable » est priorisé face à une pub « qui a du sens ». Qui a une raison d’être.
Vendre notre potentiel créatif vu notre culture et notre langue est par moment difficile parce que les entreprises gère ce qui est mesurable et non ce qui a réellement de l'impact. Et vu notre place un peu ambigüe en Amérique, ces chiffres vendeurs ne sont pas toujours au rendez-vous.
Les chiffres sont un bon indicateur. Les tendances sont de bons indices. Mais la publicité efficace, c'est celle qui pénètre l'esprit et qui nous accompagne durant la journée. Comme un film elle nous transmet des valeur que l'on adopte ou refuse. L'objectif c'est de ne pas nous laisser indifférent. Et ça, les chiffres et les tendances ne sont pas un gage de contact avec le public.
Les sondages et les focus group se bâtissent autour de réponses logiques et concrètes. Le mesurable est réponse réfléchie de notre part, le public. Pourtant, un message efficace est une réponse spontanée et émotive sans aucune réflection. On adopte ou non. Comme un coup de foudre ou un coup de gueule.
On a le potentiel créatif mais les occasions de le prouver internationalement sont plutôt limités.
Je me trompe?