mardi 3 mai 2011

L’orange bleue

En communication et en publicité, je l’ai souvent mentionné, le fondement de toute stratégie repose sur sa pertinence à l’égard de la clientèle ciblée, de sa réalité, de son quotidien, de son mode de vie, de ses dispositions psychologiques individuelles comme des courants sociologiques qui orientent le groupe auquel elle fait partie. Sans connaître la cible en profondeur, point de salut. Alors lorsque je constate d’un point de vue purement objectif les résultats électoraux historiques de lundi soir, qui ont mené à la confirmation d’un gouvernement Harper majoritaire, malgré une récolte d’à peine 16% du suffrage universel et une représentation de seulement 6 députés au Québec, une baisse de représentation de 45% par rapport aux dernières élections, je me dis que la bibitte québécoise vote de manière très différente du reste du Canada, et ce peu importe sa langue.


Je ne veux pas partir de discussions sur la vague orange et ses motivations, tout ça est présentement décortiqué et sera documenté amplement dans les semaines et mois à venir. Tout ce que je constate, c’est que la population québécoise n’a pas voté en faveur du gouvernement actuel, avec lequel elle devra toutefois négocier au cours des quatre prochaines années. Tout ce que je constate, c’est que la polarisation du vote révèle au grand jour un fait qui sera dur à avaler pour plusieurs, à savoir que l'opinion du Québec n’importe plus vraiment dans la prise de pouvoir à Ottawa. Ce sera ainsi tant que l’Ontario, notamment la grande région de Toronto, demeurera d’allégeance conservatrice. Notre choix, notre influence, notre balance du pouvoir, se sont désintégrés aussi vite que le Parti Libéral du Canada, qui avait auparavant toujours maintenu une tension saine en régnant chez nos voisins immédiats. Je constate.


Sur le plan sociologique, le Québec est sous le choc. Une nouvelle phase de transition identitaire est en train d’opérer lentement sur l’inconscient collectif. Les publicitaires devront en tenir compte. Ce n’est pas le temps de marcher sur les pieds des Québécois présentement avec des publicités inutilement agressives et intrusives. Le respect et l’intelligence resteront de mise devant cet étalement au grand jour de notre impuissance collective. Car pour ce Québec inclusif, peu importe notre origine, notre religion ou notre langue, depuis lundi, comme le disait si justement Paul Éluard : «La terre est bleue comme une orange». Nous sommes désormais représentés en notre cœur par des néo-démocrates mais gouvernés en surface par des conservateurs. Et nous n’y pouvons plus rien.

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