dimanche 27 février 2011

C'est pas grave

Twitter s'ouvre de plus en plus, prend de la maturité et voit se joindre à son noyau de purs et durs des segments qui relèvent plus de la «masse» que des innovateurs de type «early adopters». En harmonie avec la démocratisation des téléphones intelligents, en accord avec un certain progrès technologique, les pionniers de ce média se sentent de moins en moins valorisés d'être là, de moins en moins spéciaux. Tout ce que je peux leur dire, c'est que ce n'est pas grave. Il leur faudra désormais vivre avec plusieurs usagers, voir des milliers, qui ne connaîtront pas les us et coutumes établis arbitrairement par une petite secte fermée et puérile. Encore là, ce n'est pas grave. De toutes façons, il y aura sûrement bientôt d'autres plateformes qui émergeront et où ces grappes de geeks arrogants pourront se retrouver et renouveler leur sentiment de défricheur, leur estime de soi fondée sur la nanoseconde où ils auront été LES PREMIERS à utiliser un truc ou à laisser leur marque sur un autre. Ou à décréter l'utilisation d'un terme, d'une formule, d'une mode. Je préfère profiter du temps présent et apprécier d'être en contact direct avec une tonne de gens intéressants.


Il ne faut jamais surestimer l'attrait des autres sur sa petite personne, particulièrement dans certains médias servant principalement à s'exprimer et où le nombre d'individus exposés à nos dires relève plus du leurre que de la réelle portée médiatique. La vraie question que nous devons tous nous poser, vraiment, sans arrière-pensées, est la suivante: qu'est-ce que ça change que je m'exprime ou pas sur twitter ou ailleurs? Dans la très grande majorité des cas, dont le mien, la réponse est claire: pas grand chose. J'oserais même dire que la majorité des gens que je trouve inutilement virulents trouvent leur compte dans les réactions qu'ils provoquent. Rarement dans ce qu'ils apportent, leur arrogance ne menant nul part, sinon à la trahison de leur propre narcissisme. Finalement, quand on se dit que les gens en ont probablement rien à cirer de ce que l'on raconte, ça nous permet de pratiquer une certaine retenue saine, ou encore d'être candide sans attentes. Être et paraître sont trop souvent confondus.


Entre temps, je souhaite à tous les nouveaux adeptes de twitter d'y trouver leur compte sans perdre leur spontanéité, même si certains leur reprocheront de ne pas y avoir été plus tôt. Moi, ils m'intéressent d'autant plus.

vendredi 25 février 2011

À fleur de peau



J’ai souvent mentionné ici, tout comme lors de ma dernière chronique télé à l'émission l’Extra en compagnie de Gildor Roy et Marie-Andrée Poulin, que les créatifs québécois marchaient sur des œufs en matière de rectitude politique et de valeurs morales, un certain retour de balancier mêlant actuellement le progrès social, notamment les acquis issus du féminisme, à certaines valeurs conservatrices de droite. La preuve de cet état de fait est bien visible sur nos écrans: peu d’entreprises d’envergure dérogent de la voie du «politiquement correct». La créativité osée devient donc de plus en plus dangereuse pour les annonceurs. Pour être bien honnête, je trouve ce contexte plus pernicieux que sain. Évidemment, vous comprendrez que mon objectif n’est pas de défendre ou de cautionner une créativité qui encouragerait l’exploitation sexuelle ou le sexisme pur. Mais au-delà de ces extrêmes, est-ce être réellement évolué que de s’énerver pour un bout de cuisse qui dépasse, que ce soit celle d’un homme ou d’une femme?

Certains produits, souvent en rapport avec la mode, ne peuvent réellement évacuer la suggestion des corps et l’induction du désir. Où se situe la limite du bon goût? Comment discerner les enjeux du progrès social de certaines valeurs rétrogrades qui, ultimement, ne servent pas la cause féministe? Est-ce qu’une publicité comme celle de Calvin Klein montrée en intro et lancée cette semaine, qui se veut un clin d’œil à la campagne originale de 1994 mettant en vedette Kate Moss, est socialement acceptable à une heure de grande écoute? Je crois que oui, sans hésitation. Mais est-ce que Steven Meisel, le réalisateur du message initial qui a également dirigé la nouvelle mouture, a réellement eu la même marge de manœuvre aujourd’hui qu’à l’époque? Enfin, au-delà de toutes ces interrogations, un fait demeure, l’acceptation du sexe et de la nudité me semble un révélateur évident d’une certaine maturité sociale. Car si nous sommes collectivement souvent si pressés de condamner la publicité osée, c’est que nous savons très bien qu’elle provoque certains effets. Tout comme nos voisins du Sud, être une société à fleur de peau, une société encore fragile quant à sa réelle identité, une société qui s’excite pour des riens, n’est-ce pas là le vrai problème?

mercredi 23 février 2011

Le verre à moitié plein



En publicité, c’est facile de tomber dans le négatif. Les concurrents sont toujours moins bons, les adversaires politiques toujours malhonnêtes et si vous n’utilisez pas nos services, il vous arrivera le pire. Tout ça est facile. Ça ne requiert pas réellement de créativité car on se contente de provoquer la peur tout en induisant notre produit comme une solution. Malheureusement, ça traduit aussi une incapacité flagrante à communiquer de manière claire et inspirante ce que nous apportons de plus et quelle est notre vision du monde, notre idéal.

Je crois que les consommateurs apprécient le positif. Et là je ne parle pas d’humour gratuit, non, je parle de faire du bien, de montrer le bon côté des choses, de susciter l’espoir. Je crois que c’est encore plus vrai en ces périodes de révolutions politiques et sociales au Moyen-Orient. Chaque être humain possède en lui cette fabuleuse aspiration à un avenir meilleur, ne serait-ce que pour ses enfants ou ses petits-enfants. Aussi désespérants puissent nous paraître certains cycles politiques ou l’état des valeurs morales ambiantes, le progrès finit toujours par surpasser les absurdités, imperceptiblement lentement, mais tout aussi sûrement. La vie apporte naturellement son lot de problèmes, pourquoi donc en rajouter avec la publicité quand il y a tellement d’autres stratégies de création qui s’offrent à nous?

Prenons en exemple le film publicitaire de Coca-Cola montré en intro. Malgré une succession assez banale de séquences d’archives et de vidéos amateurs, une émotion de bien-être émerge naturellement de cette chorale d’enfants qui entonnent la chanson «Whatever» du groupe Oasis. Le produit est associé au message de manière racoleuse mais cohérente à la fin. On nous donne presque l’impression que le bonheur transpire d’une boisson dont la nature consiste à favoriser l’ingestion massive de sucre liquide. Ce n’est pas rien, c’est surtout infiniment mieux que d’accabler son principal concurrent, Pepsi, de tous les maux de la terre. Sans tomber dans un «jovialisme» déconnecté de la réalité, pourquoi ne pas communiquer, tout simplement, que le verre est à moitié plein?

lundi 21 février 2011

Les attardés

Facteur Pub vient tout juste de célébrer son premier anniversaire et arborera un nouveau visage sous peu. Je compte toutefois continuer de me donner à fond car la publicité et les stratégies de marque sont au centre de nos vies. Plus encore, parce que c’est ma passion. Merci à tous et toutes pour votre fidélité, c’est le meilleur encouragement à redoubler d’ardeur, jour après jour.


Je redémarre donc la deuxième année de ce blogue en traitant du sujet de la marque sous un angle plus «sociologique» que créatif. Nous le savons, plusieurs marques vieillissent mal. J’ai déjà parlé ici de Laura Secord, mais le principe s’applique à tous les secteurs d’activité. Lorsque la durée de vie d’un produit achève ou que la demande envers un service particulier fond comme neige au soleil, une question se pose : continuer et mourir ou évoluer et prospérer? C’est simple au fond, pour réussir, il faut être en symbiose avec le contexte social, en accord avec les grandes tendances, bref, être pertinent. Or, changer, évoluer, c’est se remettre en question sur nos fondements. Ce n’est pas facile. Ça veut souvent dire de faire une croix sur ce qui nous a mis au monde. Ça prend du courage.


Prenons le cas de notre très chère société d’état Hydro-Québec. Un succès retentissant qui a fait rejaillir des milliards en profits dans les coffres de gouvernements provinciaux souvent en perdition. Une société dont la nature même, l’hydroélectricité, représente en soi une vision de l’énergie propre. Or, ce qui était valable il y a trente ans ne l’est plus. Les grands projets de centrales hydroélectriques, aussi porteurs puissent-ils avoir été, ne représentent plus l’innovation en terme de développement durable en 2011, surtout pas quand le prix de revente de cette énergie est inférieur à son coût. J’aimerais croire que nous sommes plus évolués que ça. Selon moi, la nature même de la marque Hydro-Québec est surannée. La planète entière regarde les Chinois détruire leur territoire avec des projets de barrages mal conçus, l’occident s’ouvre à de nouvelles formes d’énergies, et nous, que faisons-nous? Nous démarrons des projets hydroélectriques dignes d’une autre époque et abandonnons à l’industrie privée le développement anarchique de projets énergétiques alternatifs (éolienne, gaz de schiste) à des endroits inappropriés, en brandissant le sempiternel épouvantail des centrales au charbon. Une absurdité complète. La marque Hydro-Québec devrait, c’est une évidence, valoriser l’exploitation judicieuse et stratégique de nos biens collectifs et cesser d’agir en autiste borné à l’hydroélectricité. Cette marque devrait se renommer Énergie-Québec. Elle devrait envisager, par exemple, le développement éolien en utilisant ses terrains et l’espace qu’occupe son réseau de distribution dans le Grand Nord, au-delà des zones touristiques. Elle devrait s’assurer que des maires véreux tout comme des industries gazières et pétrolières insouciantes ne s’en mettent plein les poches sur le dos des contribuables québécois en les volant en toute impunité. Elle devrait faire ce que son essence lui dicterait : développer l’énergie québécoise dans un cadre nationalisé, optimal, visionnaire et générateur de rendement.


La marque Hydro-Québec ne véhicule plus les bonnes valeurs ni la bonne vision stratégique. Mais pour renouveler cette marque phare du Québec moderne, il nous faudrait un gouvernement, un vrai, alors que nous sommes dirigés par un régime fantoche, par une succession d’ombres sans convictions. On part de loin. Sur ce, je vous laisse sur la bande annonce du film Chercher le courant, une note discordante dans la morosité ambiante, le signe que l’engagement citoyen existe encore, envers et contre tous.


jeudi 17 février 2011

La démagogie


Être démagogue* en publicité est probablement la chose la plus facile à faire. On simplifie et on mousse certains bénéfices, on allège et on évite habilement les défauts, bref, on distortionne la réalité et hop, on met au monde une évidence qui fera l’affaire de l’annonceur. Être démagogue n’est pas malhonnête au sens légal. Ce n’est ni éthique ni juste pour autant, mais c’est un moyen comme un autre de faire valoir son point de vue. Évidemment, de nombreux politiciens y ont recours, la plupart du temps lorsqu’ils désirent davantage prendre le pouvoir qu’apporter des idéaux ou une vision du monde qui leur est propre. En ce qui me concerne, la démagogie est un mode qui sert très bien les faibles d’esprit, les opportunistes et les lâches. La campagne publicitaire de la Ville de Laval, dans son ensemble, est excessivement démagogique. Elle se prend de haut, arborant une arrogance qui trahit son insignifiance. C’est l’équivalent du célèbre personnage incarné par Jacques Villeret dans le Dîner de con, trop pris dans sa bulle pour réaliser à quel point sa stupidité est divertissante.

Comme si la verdure n’existait pas à Montréal? Comme si le métro était facilement accessible quand on vit à Laval-sur-le-lac? Comme si l’étalement urbain était réellement une option quand on conçoit la grande région dans son ensemble en terme de développement durable? Comme si la congestion était inexistante quand on part de Ste-Rose pour se rendre à Ville-Saint-Laurent pour travailler? Comme s’il n’y avait pas de gangs de rues sur l’île Jésus? Comme si ça coûtait moins cher d’avoir deux véhicules et une maison à Laval plutôt qu'une auto et une maison à Montréal? Comme si c’était logique d’émettre des gaz à effet de serre pour se rendre au dépanneur le plus proche? Comme si c’était réellement transcendant d’attendre 15 minutes à un feu rouge le samedi matin sur le boulevard St-Martin en allant au Wallmart? Comme si les règles élémentaires d’urbanisme étaient une option et non une obligation? Comme si d’avoir un voisin dans le même bloc mettait autant notre vie en péril que de côtoyer un terroriste d’Al-Quaida?

Si je m'en remets à ce que le sympathique (et non moins gonflé à l’hélium) comédien de la trépidante série culte des années 90 Tribu.com me déclame, ou encore à ce que sa jovialiste contrepartie éprise de son «walk-in» et de son garage double avance candidement, vivre à Laval équivaut à me contreficher du bien collectif. Mais bon, venant d’une ville menée par un Tony Soprano fixé dans le «spray net» qui semble tenir par les couilles la moitié des ministres des 3 derniers gouvernements provinciaux, ça ne m’étonne guère. J’imagine que selon les bonzes de la deuxième ville en importance au Québec, il n’y a pas d’agence assez sophistiquée établie à Laval pour façonner leurs campagnes de publicité, sinon pourquoi choisir une agence qui a pignon sur rue dans le centre-ville de Montréal? Et venant d’une agence dirigée par des comiques qui ont simulé des comptes Facebook pour lancer le Bixi pour le compte de l’ennemi de l’autre côté de la rivière des Prairies, on ne peut être étonné. Irrité, contrarié, mais pas étonné. Après tout, se prétendre publicitaire et avoir des amis dans les cercles politiques n’est pas plus illégal qu’utiliser la démagogie et simuler de fausses identités sur les réseaux sociaux à des fins virales. Au mieux discutable, peux-être limite, mais aucunement illégal.

Soyons clairs: je n’ai rien contre Laval. J’y ai grandi. Certains secteurs y sont superbes. Comme Montréal, comme St-Jérôme, comme St-Chrysostome, Laval demeurera un endroit qui comblera certaines personnes dont la réalité, souvent le lieu de travail, tourne autour de là. Pas besoin d’une campagne de dénigrement à peine voilée pour comprendre ça. Faites-moi rêver, stimulez mes aspirations, mais de grâce, respectez un peu vos citoyens et arrêtez de les faire passer pour des crétins finis pour qui la quête existentielle se résume à l’installation d’une piscine hors-terre.

* La démagogie selon wikipédia : «Le discours du démagogue sort du champ du rationnel pour s'adresser aux passions, aux frustrations du peuple. Il recourt en outre à la satisfaction immédiate des souhaits ou des attentes du public ciblé, sans recherche de l'intérêt général mais dans le but de s'attirer la sympathie et de gagner le soutien. L'argumentation démagogique peut être simple afin de pouvoir être comprise et reprise par le public auquel elle est adressée. Elle fait fréquemment appel à la facilité voire la paresse intellectuelle en proposant des analyses et des solutions qui semblent évidentes.»

mardi 15 février 2011

La fin, puis le commencement

Aujourd'hui, je vous écris en ami, donc pas de publicité, pas d'analyse, un peu de moi, comme je le fais parfois, pas trop souvent.


C'était en novembre 2004. Ma trentaine était mal entamée. Les contrats de mon entreprise d'alors ne se matérialisaient pas. Ma vie personnelle était dans un cul de sac. J'avais atteint le fond du baril. La lumière au bout du tunnel était celle d'un train en sens inverse m'arrivant en plein visage. Même la SAQ était en grève générale. Bref, ça n'allait pas du tout. Il y a de ces moments dans la vie où peu importe ce que l'on tente, rien ne fonctionne. Notre énergie n'est pas la bonne. La voie empruntée n'est pas la bonne. Et dans ces périodes, le réflexe de base réside dans la résilience, or, la seule solution qui tienne quand rien ne va, c'est plutôt de faire table rase et de passer à un autre appel. Pas facile. Un peu comme tomber dans le vide. C'est là qu'arriva dans ma vie le magnifique Funeral. Un album au titre révélateur qui a représenté pour moi la première étape d'un deuil important dans ma vie, celui de tout un bagage qui ne me servait plus, mais mieux encore, Funeral a accompagné ma renaissance. Un album phare d'un groupe phare.


La suite est une histoire qui se perpétue encore aujourd'hui: rencontre de ma Douce, intégration à l'équipe de Défi et concentration professionnelle dans un registre qui me sert aujourd'hui très bien, puis naissance de mon Tout-petit, bref, une histoire à des lustres de mon parcours initial qui me menait tous azimuts, c'est-à-dire partout et nulle part.


Et là, le 13 février 2011, le groupe récolte, au grand étonnement de certains, pour son lumineux The Suburbs, le prix Grammy de l'album de l'année. Puis viennent deux autres prix majeurs aux Brit Awards le surlendemain. Une consécration mondiale. Une reconnaissance inespérée pour un groupe qui a presque toujours fait à sa tête et qui se veut une ode à la liberté. Celle de créer, de fusionner, de changer d'idée, de mourir et de tout recommencer. Je vivais à Outremont à quelques rues de leur Mile-End initial en 2005. Je crois les avoir entendus pratiquer dans un local sur l'avenue du Parc à cette époque. Le parcours de ma deuxième vie a donc été parsemé de cette musique, vibrante, puissante, maladroitement symphonique par moment, un peu à la manière d'un chaos organisé, comme la vie, celle de gens qui aiment et qui s'aiment. Une mosaïque improbable qui a foisonné à Montréal et pour qui Montréal représente un ferment créatif unique. Leur victoire, c'est un peu la mienne.


Peu importe la suite de l'histoire, rien ne sera plus jamais pareil. Il y aura toujours pour moi l'avant et l'après de cette émergence d'un «band» de troubadours rencontrés à l'Université McGill au début des années 2000. L'après l'emportant toujours sur l'avant, car au-delà de la peur de refaire sa vie, il y a réellement le bonheur. Merci Arcade Fire.



Photo: Reuter

dimanche 13 février 2011

Le mirage



L'humour en publicité est surutilisé au Québec, je suis souvent revenu sur le sujet, mais ça semble persister plus que jamais. Un humour facile, qui ménage tout et son contraire, rarement grinçant, souvent absurde. De Marc Labrèche à la narration des publicités de Ikea, en passant par le désastre de Jean-Thomas Jobin il y a quelques temps pour l'Industrielle Alliance, ou encore André Sauvé pour la Liberté 55 (ces deux dernières campagnes étaient dans la même tonalité, sur fond blanc, pour des marque au logo bleu et diffusées en même temps, qui plus est dans des secteurs d'activité connexes), tout est mis en oeuvre pour divertir, mais ça ne fonctionne que trop rarement. Enfin trop rarement à mon goût. Probablement parce que l'humour absurde, dans un contexte publicitaire à des lustres d'un spectacle-concept, provoque une incohérence implicite. Là où nous attendons la vision du monde d'un individu marginal et divertissant, nous ne récoltons qu'une version aseptisée par les impératifs du produit et l'objectif commercial sous-jacent. C'est malheureusement le cas des nouvelles publicités du jus Oasis, marque phare du leader québécois A. Lassonde, diffusées depuis le début de l'année.


François Morency est un humoriste populaire consacré. Son travail relève d'un certain contraste entre un ton assez percutant, l'absurdité, les pastiches et les imitations, notamment celle du vénérable Claude Poirier. L'idée ici n'est pas de juger de son travail, mais bien de constater son effet particulier, qui ne plaît pas à tous. Là où les grandes marques visent une clientèle relativement vaste, je ne peux comprendre que certaines optent pour des humoristes à ce point polarisants. C'était particulièrement flagrant avec le choix de Jean-Thomas Jobin à l'époque. Mais pour revenir à Oasis, leurs messages ne lèvent tout simplement pas. Il me paraissent une coche trop décalés. Une coche qui évacue la pertinence. Après avoir sondé mon entourage, les avis sont relativement unanimes: ce n'est pas drôle. Oui, le positionnement québécois de la marque est bien communiqué. Oui, les bénéfices sont évidents. Mais la chimie n'opère pas. Le gâteau ne lève pas. Pantoute. C'est l'expression parfaite d'une publicité-mirage qui promet plus qu'elle ne livre, le mirage d'une oasis qui nous laisse sur notre soif.

vendredi 11 février 2011

Le Boulevard des Rêves brisés



Nous le savons tous, la vie est la résultante d’une succession de choix, d’occasions, de hasards et de coïncidences. Des milliers de parcours possibles, mais au final, qu’une voix, la nôtre, parfois celle de la résignation face à nos ambitions initiales, parfois celles du succès inespéré, parfois, et c’est souvent le cas, un peu des deux. Cette potentialité de succès absolu dort en chacun de nous, mais la réalité nous rappelle à l’ordre. Le quotidien nous ramène sur terre. Nos peurs nous minent. Vieillir, pour la très grande majorité de nous tous, c’est avant tout faire son deuil de ce que j’appelle le «Syndrome de la Rock Star». Certains y arrivent et savent conjugueur leur bonheur au quotidien, tandis que d’autres se vautrent dans les excuses pour justifier éternellement leur immobilisme, leur procrastination devant l’éternel. Ce film publicitaire de Jim Beam, premier producteur de bourbon, joue exactement sur cette corde, habilement.

Jim Beam nous dit simplement que les choix les plus osés sont ceux qui nous mènent à nos rêves. Évident mais ô combien révélateur. Willem Dafoe
, d’une versatilité désarmante, incarne avec brio un produit masculin dans une approche de création «aspirationnelle» qui, je vous l’admets, a suscité chez moi quelques questionnements. On ne perd pas son temps à vanter le goût ou les bénéfices «steak-blé d’inde-patate» du produit, on me livre plutôt une réflexion intimiste sur le destin et les possibilités. Tout ça me fait accepter une facture relativement classique, pour un produit qui demeure néanmoins assez conservateur. Mais le choix d’en boire devient soudainement plus intéressant. C’est aussi ça la publicité.

mardi 8 février 2011

Un état d'esprit

La créativité est un état d'esprit. Une manière de reformuler sa vie. De communiquer ses idéaux. C'est une façon de véhiculer sa propre conception du monde. La créativité est une ouverture à la culture, surtout celle des autres, car comment arriver à les séduire si on n'a que de référence que celle de son nombril? La créativité est une question d'anticipation, de futurologie, de flair. Les pastiches ne font pas histoire, les références oui. Finalement, être créatif, si on ne sait pas démontrer pourquoi notre approche fonctionnera, relève de l'utopie. Car si on ne peut exprimer l'efficience de ses idées, dans quelques arguments clairs, en rapport avec les objectifs du client, tout devient futile. Ne pas savoir expliquer veux dire qu'on n'a pas compris.


Lorsque j'ai l'opportunité de parler de mon métier aux étudiants en marketing et en communication de certaines universités, j'aime mettre l'accent sur l'importance de la culture générale et d'un certain recul sociologique. Sans compter la nécessité de savoir se placer dans la peau de l'autre. Ici au Québec, nous sommes condamnés à l'excellence si nous désirons sortir du lot sur l'échiquier planétaire. Pour y arriver, il faut être plus astucieux, mais il faut avant tout mieux comprendre et voir plus loin. Les bonnes idées ne suffisent plus, nous devons aspirer à d'excellentes idées qui marqueront notre époque. L'émotion doit prendre un sens qui nous dépasse, qui nous fait rêver à mieux.


C'est pour cette raison que j'ai préféré la publicité «Imported from Detroit» de Chrysler à «La force» de Volkswagen ou «House Sitting» de Doritos lors du dernier Superbowl. Pour la manière de renouveler le message. Pour une certaine retenue. Mais avant tout par la créativité d'un film publicitaire qui passait avant tout par la lucidité, en rapport avec l'état d'esprit de la clientèle ciblée. Une humilité non dénuée de confiance, un état d'esprit façonné à la dure par les excès d'un système qui se voulait le moteur du monde.


lundi 7 février 2011

Le Noël des publicitaires est déjà terminé…

Le Noël de la publicité est déjà passé. Trois heures d’excellentes publicités entrecoupées par un petit match de football assez serré. Un des rares moments de l’année où le public se délecte de publicité au lieu de zapper frénétiquement à chaque pause commerciale. Un retour en force des grands annonceurs, dont Pepsi, mais aussi une présence marquée de l’industrie automobile «étrangère», notamment du côté allemand et coréen. Une alternance d’astuces de réalisation et d’effets spéciaux, de jeu minimaliste, de punch au sens propre comme au figuré, bref, une palette de saveurs en création qui devrait en avoir séduit plus d’un et plus d’une, avec notamment les présences de Justin Bieber et de son célèbre toupet (Best Buy), ainsi que du non moins séduisant Adrian Brody (Stella Artois). Une confirmation évidente que les grands rendez-vous sportifs ne s’adressent désormais plus qu’aux hommes avides de testostérone, mais tout autant aux hordes d’adolescentes en délire. Vive le Superbowl!

Voici donc ma sélection des meilleures publicités de la cuvée 2011 présentée au Show du matin aujourd’hui lors de 6 segments, ainsi que mon coup de cœur qui n’a pu être montré ce matin car d’une durée de plus de deux minutes, soit la publicité de la Chrysler 200, un grand film publicitaire qui se voudra un révélateur de l’état actuel de cette industrie qui se relève. Un gros merci à Normand Boulanger, mon éternel complice, avec qui ce fut un réel plaisir de regarder tout ce matériel, mais aussi d’échanger, de commenter, d’évaluer et de choisir les publicités qui nous semblaient les plus réussies. Et vous? Laquelle vous touche le plus ou vous a fait le plus réagir? Allez-y, j’attends vos commentaires!

Ps : J’ai loupé la référence au film Barry Lyndon de Stanley Kubrick dans la publicité «The Border» de Coca-Cola, même si j’adore Kubrick, alors mea maxima culpa. Merci à Caroline Ménard de me l’avoir signalée.




















vendredi 4 février 2011

Voir plus loin que le bout de son nez



Dans le contexte sociologique qui prévaut actuellement en occident, les «marketers», communicateurs et publicitaires doivent constamment marcher sur des œufs et anticiper les possibilités de voir certaines de leurs campagnes se faire trucider par différents groupes de pression si le discours ne correspond pas à la rectitude politique ambiante. Pour être absolument certain de ne pas choquer, il est même hautement risqué de faire ne serait-ce que l’apologie d’une tranche de pain blanc de crainte de se faire taxer de favoritisme préjudiciable au pain multigrain. Vous comprendrez que la ligne est donc infiniment étroite entre l’efficacité créative percutante et le respect des différences. Je crois bien humblement que la clé réside dans le ton et dans la nature de l’organisation qui choisit de lancer ce type d’opération.

Prenons le cas de l’Association des aveugles norvégiens, avec sa nouvelle campagne publicitaire qui vise à favoriser l’embauche des non-voyants. Là où la tentation de naviguer dans la pitié, la manipulation et la tristesse devait être assez forte, l’agence Try Oslo a, au contraire, tout simplement misé sur un humour intelligent, subversif, décapant, décalé et totalement positif. Venant de cette association, la dérision passe très bien. Pouvons-nous reprocher à un aveugle de rire un peu de lui-même et de sa situation? Non. C’est son droit. Qui plus est, on représente les aveugles comme des gens hautement professionnels et complices de la réalité des entreprises. Avec en prime des avantages concurrentiels qu’aucun autre type d’employé ne peut avancer. Très judicieux. Un autre signe qui ne trompe pas, l’idée de départ est suffisamment puissante et porteuse pour être déclinée de manière efficace en plusieurs messages.

Une seule question me trotte par ailleurs à l’esprit depuis hier: croyez-vous que cette campagne aurait pu être déployée ici au Québec en 2011? Je suis loin d’en être sûr, mais j’aimerais avoir votre avis, car je me questionne sur notre faculté collective à accepter l’autodérision. En fait, sommes-nous réellement capables de voir plus loin que le bout de notre nez en publicité? Je vous laisse sur les deux autres messages de la campagne. Je vous reviendrai lundi avec une révision des meilleures pubs du Superbowl XLV que j’aurai aussi l’occasion de faire, exceptionnellement, au Show du matin sur V entre 6h30 et 8h30 la même journée.




mercredi 2 février 2011

Une stratégie en tons de gris…



Enfin un message du Lait qui est digne de l’héritage publicitaire de la marque! Car ce dernier message est très réussi. Prudent, mais très efficace car le courant passe et le bénéfice ultime, le réconfort, est enfin transmis. Je dis prudent, car le risque de se planter est quasi nul quand on utilise comme trame d’ambiance une chanson consacrée par voie de sondage «la chanson la plus réconfortante des Québécois» et qu’on tourne des scènes typées qui montrent différents segments de la population. Mais soyons honnête, cette publicité est très habilement réalisée, la direction artistique est tout simplement superbe, l’utilisation du tricot de laine tout à fait approprié et le choix de la chorale pour l’interprétation de la chanson absolument intéressant et rassembleur. Un bel exercice qui devrait replacer la marque au sommet des annonceurs québécois. Et même un peu plus.


Je tiens par contre à souligner qu’il a fallu deux années d’errance et de publicités tout aussi étranges qu’incongrues pour enfin trouver le juste ton avec cette plateforme nommée «Source naturelle de réconfort». Et ça, franchement, ce n’est pas très fort. Les louanges actuelles sont amplement méritées, mais il faudra se souvenir des leçons des dernières années: Le Lait est une marque rassembleuse, accessible, qui transcende la culture populaire pour rejoindre la population dans une zone privilégiée. Les «trips» de création absurdes, notamment les marionnettes présentées l’an dernier, tout comme les exercices de style qui prennent le dessus sur le concept (les situations avec la grand-mère en 2009) n’y ont pas leur place. C’était clair avant, c’était évident pendant et ce l’est encore plus aujourd’hui avec le succès de cette publicité qui devrait selon moi être éventuellement souligné lors du gala des Prix Créa. Une réussite immaculée pour une stratégie en tons de gris.

Nike et Cyrano à ma chronique pub
J’ai vraiment apprécié présenter cette nouvelle publicité de Nike lors de ma dernière chronique pub à l'émission l'Extra sur V. J’aimerais toutefois ajouter une précision qui explique en partie l’efficacité du message: les vers initiaux de la poésie d’Edmond Rostand dans Cyrano de Bergerac ont été truqués pour servir la cause de la publicité en question. En bref, on a légèrement triché. Les vers eux-mêmes ne semblent pas avoir été modifiés, mais plusieurs d’entre eux ont été supprimés pour faciliter le rythme et la pertinence. On a d'ailleurs décortiqué de manière brillante la publicité et le texte sur ce blogue français. Voilà, je vous la remontre pour notre plaisir à tous!

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails