En publicité, au-delà de notre volonté d’être percutant et séduisant, il faut toujours faciliter le passage à l’action, s’assurer que le consommateur puisse joindre facilement l'annonceur. En 2010, je crois que cette question est moins cruciale car, avec l’omnipotence de Google, il suffit de mettre le nom de la marque bien en évidence et hop, le tour est généralement joué si le référencement organique de l’entreprise est le moindrement au point. J’irais même jusqu’à croire qu’il est désormais inutile, entre autres, de placer son numéro de téléphone ou même la coordonnée de son site Internet dans certains médias, dont l’affichage extérieur ou même la télé, car tout passe trop vite et le temps de mémorisation doit être consacré en priorité à la marque. Évidemment, tout ça tient pour acquis que l’attribution de la marque sera évidente, car trop de messages sont drôles et créatifs, mais négligent cet aspect. En résulte un bouche-à-oreille sur la blague ou le concept en question et non sur l’annonceur, qu’on va souvent confondre avec ses concurrents. C’est ce que j’appelle de la belle créativité stupide.
Lundi dernier, à la suite de notre rencontre hebdomadaire de planification, Claude Dutil, le président de Défi, m’a apporté toutes sortes de publicité qu’il avait vues. L’une d’elle, de Qualinet (illustrée en intro), m’a réellement fait sursauter. J’ai donc fait le tour du bureau en demandant à chacun ce qui clochait dans la publicité. Réponse unanime: le numéro de téléphone de l’annonceur qui est 514 666-6666. L’annonceur a donc eu la bonne idée de faciliter le moyen de le rejoindre en cas de sinistre en trouvant un numéro facile à mémoriser. Le hic? C’est le chiffre du diable!!!!! Vous me direz que ça ne change pas grand chose et que les superstitions n’ont pas leur place en publicité, mais on ne peut ignorer l’interprétation inconsciente de symboles qui dépassent largement le contexte actuel et qui s’inscrivent parfois dans un héritage très profondément ancré en nous. J’ajouterai que je n’ai pas imaginé cette interprétation car TOUS les gens à qui j’ai montré cette publicité (une pleine page diffusée dans La Presse) ont réagi spontanément et sur-le-champ. L’annonceur aurait peut-être dû se demander pourquoi ce numéro était encore disponible... Enfin, je ne spéculerai pas sur le contexte de cette prise de décision, n’en demeure pas moins que d’associer le diable à une entreprise qui œuvre, de surcroît, dans la gestion de sinistres (parfois causés par le déferlement de la nature, ce qu'on appelle un «act of god»), m’apparaît particulièrement téméraire, si ce n’est carrément suicidaire. Devil !