Ils sont une poignée. Je les appelle «Les Vrais». Les «Vrais», avant tout, savent ce que vous ne savez pas et ne peuvent s’empêcher de communiquer leur savoir. C’est parfait, l’altruisme est une vertu. Les «Vrais» ont aussi une opinion sur tout et ont des convictions inébranlables. Et parce qu’ils sont altruistes et qu’ils savent discerner ce qui est bien de ce qui est mal, ce qui doit être acceptable de ce qui doit être proscrit, les «Vrais» ne peuvent s’empêcher de faire la morale. C’est là que ça se gâte.
Aujourd’hui, je vais vous parler des «Vrais» dans le contexte des médias sociaux, mais sachez qu’ils sont partout. Voyez-vous, quand on parle des principales plateformes, que ce soit Twitter, Facebook ou LinkedIn (mais je sais, il y en a d’autres), on peut facilement, dès les premiers jours où on y fait nos premiers pas, croiser des «Vrais». Ils nous feront remarquer, à raison quand même, que nous ne devrions pas laisser des jeux insignifiants sur lesquels on passe trop de temps sur Facebook s’afficher automatiquement sur nos statuts. Les «Vrais» détestent Farmville ou Mafia Wars car trop de gens y jouent. Ils forment un clan et, implicitement, dégagent une confiance et une assurance absolue sur ce que doit être la réalité des médias sociaux. Ils décréteront unilatéralement qu’ils ne faut pas faire d’auto promotion sur Twitter à une fréquence de moins de 8 heures entre les tweets, avec un cap absolu de deux, par exemple. Ils décideront aussi que vous devez être toujours de bonne humeur sur les médias sociaux. Et blablabli et blablabla. Et prendront un plaisir physique à peine camouflé à vous rappeler à l’ordre, car ils s’autoproclament «régulateurs» et se donnent tous les droits de vous pousser leur réalité dans la gorge. Mais lorsque vous grattez un peu, vous trouvez souvent des gens démunis sur le plan relationnel et en déficit d'estime de soi, donc pas super bien dans leur peau et qui sont, par le fait même, à l’origine de la majorité des cyberconflits. Vous trouvez aussi des gens qui ne peuvent accepter qu’on puisse voir les choses différemment. Et ils se connaissent tous. Et partagent tous le même dogme, à quelques virgules près. C’est un conclave de geeks. Une chambre des échos stérile.
Je pourrais partir en cavale pour rétablir certains faits, certaines réalités, mais je ne le ferai pas. Savez-vous pourquoi? Parce que ma réalité ne vaut pas plus que la leur et que mon temps m’appartient. Mais je crois fermement que les médias sociaux sont des plateformes technologique, point. Elles sont ce que nous en faisons. Elles sont des environnements libres, dans la mesure où les lois du code civil et criminel y prévalent tout autant que dans la vraie vie et qu'on y respecte la nétiquette. La loi de l’intérêt y prime avant tout. Madame Tartampion me tape sur les nerf? J’arrête de la suivre. Jo Blo diffuse trop d’autopromo à mon goût? Parfait, même chose. Ti-Clin me harcèle? Je le bloque. Simple, non? Un environnement libre où des grappes se forment par affinités, où des clans se font et se défont, où évoluent des névrosés, des gentils, des influenceurs et des moutons. C’est le reflet de la société. Alors vous me direz que les «Vrais» ont le droit d’exister, et je vous répondrai : absolument! Je vous dirai aussi que j’ai le droit d’écrire qu’ils me tapent sur les rognons avec leur morale à 3 sous et que je ne suis pas le seul à se sentir ainsi à la lumière d'échanges avec de nombreuses personnes ces derniers jours.
Pour terminer, il ne faudrait pas mettre tout le monde dans le même panier. Michelle Blanc, par exemple, est une sommité, même si elle est parfois tranchante. Elle se base sur de la recherche et sur une expérience pointue et très stratégique des médias sociaux dans un contexte généralement d’affaires. Elle est une experte et elle n’est pas seule, pensons aussi à Luc Dupont. Les «Experts», selon moi, sont ceux qui favorisent réellement les avancées car ils démocratisent, éduquent, et prônent une éthique saine. Un «Vrai» n’est pas un expert. Il voudrait en être mais ne le sera jamais, car il passe trop de temps à faire la morale. Et parce qu’il est trop souvent incapable de se détacher de la nostalgie qu’il ressent en se remémorant la période où il évoluait sur des BBS souterrains occultes, la nuit, en 1997, tout en fantasmant sur Angelina Jolie dans le film Hackers, seul avec ses kleenex dans le sous-sol humide de ses parents. Car voyez-vous, la facilité d’utilisation, la liberté et la démocratisation des outils informatiques ne sont pas faits pour tous…