(deuxième partie)
L’épisode décrit en première partie est symptomatique de notre époque. L’image est tellement omniprésente, les outils informatiques tellement accessibles et faciles d’utilisation, que nous en sommes venus à confondre la manière avec le fond, le fond étant la réflexion, l’analyse, la stratégie, l’esthétisme fondamental, la cohérence. Ce promoteur avait rogné sur l’essentiel sans en avoir la moindre idée. Sa boutique ferma ses portes l’année suivante et l’échec du projet fut probablement mis sur le dos de la conjoncture économique. Sa marque ne s’était jamais donnée la chance de marquer les esprits en étant exceptionnelle.
La réalité est toute autre. La vision n’a jamais été aussi essentielle que maintenant et la VISION vend. L’EXCEPTION vend. La DIFFÉRENCE vend. Le consommateur achète ce qu’il perçoit comme sa vérité : cohérence, absence de compromis, attitude saine, personnalité affirmée, approche intuitive, respect de son intelligence. Il se magasine un positionnement personnel, il place les pions de sa marque personnelle à travers ses choix de consommation. Il paie 4 $ son latté chez Starbucks, il paie plus cher pour avoir le vrai iPod ou le iPhone, achète plus cher un condo faisant partie d’un projet certifié Leeds, paie près de 30 000 $ pour une Prius et achète bio (souvent sans trop savoir pourquoi). Ce type de consommateur était marginal en 1998 mais se fait de plus en plus nombreux en 2010. Comme l’annonçait Starbucks dans sa campagne visant à repousser l’assaut de Mcdonalds sur le marché du café : « il y a un prix à payer moins cher » (j’ajouterais « surtout dans le regard des autres »). Oui, il y aura toujours une partie de la population qui se rendra chez Wallmart pour les prix. Mais elle se fera de plus en plus rare et le prix comme unique élément différenciateur aura ses limites. Simplement parce que les deux plus grandes tendances de notre époque sont le respect de l’environnement et la santé, deux concepts purs et intimement liés à l’individu, à ses aspirations, à son image. Ce sont cette pureté et ce respect que le consommateur recherche vraiment. Comment pourra-t-il faire pour se positionner socialement à travers des marques dénuées du sens de l’engagement et des valeurs autrement que par les bas prix (à l'exception de certains produits de consommation courante à faible degré d'implication par l'acheteur) ? Pourtant, la très grande majorité des entreprises s’obstinent à lui donner le contraire de ce qu’il recherche viscéralement et à investir, encore aujourd’hui, des millions de dollars en mauvaise publicité pour faire passer la pilule. Croyez-moi, la pilule ne passera plus encore bien longtemps. Elle ne passe déjà plus très bien...