jeudi 11 novembre 2010

Les oeillères

Dans la vie comme au hockey, mais particulièrement dans la vie, nous avons tous le choix, peu importe ce que nous en pensons, d'être créatif dans tout ce que nous faisons. En entreprise, c'est la même chose. On peut gérer nos communications externes comme un avocat, à la manière de Boeing, en perdant toute forme de contact avec la réalité, ou on peut décider de se donner un minimum de marge de manoeuvre, de gros bon sens, de sensibilité, d'ouverture.


En publicité, nous vivons souvent le même dilemme. Comment dire à un client que sa publicité sera mauvaise car trop de gens s'en mêlent? Que lorsqu'on demande leur avis sur une campagne publicitaire à 18 personnes dans une entreprise, elles nous le donneront, par intérêt professionnel, par obligation et non par compétence. Que la résultante n'en sera qu'une version fade et dénuée du fameux effet «wow» tant prisé par les annonceurs.


Étienne Bastien, vp et directeur de la création chez BCP, que je respecte beaucoup, l'affirmait mercredi soir lors de la table ronde précédant la diffusion du film des gagnants aux Lions de Cannes 2010: «en création, un concept exceptionnel est composé d'une seule grande idée et la prise de décision doit être simplifiée». Nous sommes choyés chez Défi, l'agence où j'évolue, d'avoir des clients ouverts à la créativité, mais ce n'est pas le cas de tous les annonceurs. Tout ça pour vous dire que je crois qu'il y a trop de gens qui ne voient que les arbres et non la forêt. Trop de gens qui minent l'essence de la créativité en perdant toute forme de jugement lorsqu'ils sont dans un contexte politique ou corporatif. La démocratie est le meilleur des systèmes politiques, mais probablement la pire solution quand on désire faire vibrer le consommateur. Le consensus, c'est une Toyota Camry beige. Ça avance, ça ne brise pas trop, mais c'est plate et ça ne passionne personne. Être créatif, c'est se donner une chance de sillonner Charlevoix avec son amoureuse par un après-midi ensoleillé de septembre, au volant d'une Tesla rouge. À vous de choisir.

3 commentaires:

  1. C'est tellement vrai ce que t'amène. C'est quelque chose qui m'a aigri beaucoup depuis que je travaille en design/infographie.

    Y a une théorie des entrepreneurs qui dit: "Plus y a de la couleur, mieux c'est!".

    C'est vrai seulement quand ces couleurs ne se mélangent pas.

    Impliquer trop de gens dans un processus décisionnel consiste à mettre la couleur de chacun des acteurs dans un pot, bien mélanger et d'étendre tout ça à la vue du public.

    Qu'est-ce que donne un mélange de peinture impliquant toutes les couleurs? C'est ça! Un gris beige.

    Moins de couleur dans le pot, plus coloré sera le résultat! Exactement comme tu dis. Ce principe est vrai même dans le monde physique. :P Pourquoi aller contre la nature alors? lol.

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  2. S'il y a une chose qui fait grincer des dents les publicitaires les plus calmes, c'est bien la phrase qui commence par « J'ai demandé son opinion à ma femme (insérer ici la variante de votre choix, ma belle-soeur [ah les belles-soeurs !], mon adjointe administrative, mon comptable, mon vendeur, mon livreur de pizza [plutôt rare, celui-là, faut dire]). »

    N'empêche, tous ces gens-là verront la publicité en question et leurs réactions peuvent nous donner une idée des réactions du public à venir. Je t'accorde qu'il ne faut certainement pas chercher à incorporer les vues plus ou moins bien informées de tout un chacun. Dieu nous garde de la publicité par comité, d'un beau beige, comme dit si bien Jordan. Mais parfois le message qui nous semble clair et frappant ne se rend pas vraiment jusqu'au public. Ce n'est pas forcément la faute du public. Le public est plein de belles-soeurs, de comptables, de vendeurs et de livreurs de pizza. Il est possible que chaque opinion ait été colorée par le fait que tout le monde déteste ou lèche les bottes de celui qui la demande (et qui est notre client, hélas). Mais il est tout aussi possible qu'il y ait un grain de vérité là-dedans. Si une personne dit que ce rouge-là est laid, je vais défendre mon rouge. Si quinze personnes disent, je pense que c'est supposé être drôle mais j'ai pas ri… hum.

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  3. Entièrement d'accord avec toi Hélène, à une nuance près: les personnes qui émettent leur avis doivent faire partie de la cible ou avoir la faculté de se mettre dans la peau de la cible et de communiquer leurs commentaires en fonction de cette perception. Si ce n'est pas le cas, leur opinion ne comptera pas vraiment à mes yeux.

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