lundi 30 août 2010

Gérer les attentes

Faire prospérer une agence de marketing, de communication ou de publicité, en 2010, est tout sauf simple. Les véhicules communicationnels mutent en temps réel, les médias traditionnels perdent du terrain, les consommateurs sont blasés et cyniques face à la publicité, et les nouvelles stratégies axées sur les médias mérités font souvent l'objet de doutes de la part des clients. Tout ça dans un contexte de concurrence intense entre agences, dans un marché sommes toutes assez limité. Donc, un client qui investit 200 000 $ dans une campagne de communication, c'est bien normal, s'attendra à un retour sur son investissement. Je redis le mot: «investissement». Car nous, publicitaires, ne pouvons pas constamment déclamer à nos clients qu'ils doivent investir dans leur marque sans pouvoir leur démontrer au préalable, ne serait-ce que sommairement, ce que nos actions généreront comme résultats. Nous devons nous protéger contre nous-mêmes, car c'est parfois trop tentant de promettre plus que ce que nos campagnes peuvent réellement livrer. Avoir la chanson est plus difficile que ça en a l'air dans un domaine où chacun a son air. On ne peut plus constamment se réfugier dans la notion d'augmentation de la notoriété, car même s'il est impératif de mousser la marque et de la positionner en tête de liste des consommateurs ciblés, cette notion demeure néanmoins floue en terme de résultats des ventes. Le corollaire qui unit la notoriété de la marque à ses ventes n'est pas nécessairement vrai. Combien de marques ont vu leur notoriété croître à la suite de campagnes publicitaires géniales, sans pour autant voir leurs ventes ou leur situation s'améliorer à moyen terme? Familiprix, pour ne nommer qu'elle, demeure une marque marginale dans son secteur d'activité, malgré avoir diffusé pendant plusieurs années ce qui est considéré probablement comme la meilleure campagne publicitaire de la décennie au Québec.

Alors quoi faire? Il faut établir des modèles de retour sur l'investissement réalistes, voire même légèrement pessimistes (donc atteignables), se donner différents moyens de mesurer toutes nos tactiques, bref, gérer les attentes de nos clients en leur vendant un portrait juste de leur réalité et du potentiel de nos idées. S’ils préfèrent aller de l’avant avec d’autres agences qui portent des lunettes roses, ce ne sera que partie remise. Je ne dis pas que les «flashs» géniaux en création relèvent du rêve, mais il faut voir plus loin.

Nos stratégies doivent respecter l'intelligence du consommateur et prôner l'honnêteté et l'intégrité, mais nos promesses, avant toute chose, doivent demeurer réalistes. C'est de cette façon que nous pourrons faire prospérer nos agences tout en contribuant, par le fait même, à redorer le blason d'une industrie publicitaire qui en a encore bien besoin. C'est de cette unique façon que nous pourrons aussi envisager concrètement à exporter un savoir-faire porteur d’innovation pertinente et axé avant tout sur la notion d’intérêt. Car si la créativité prime, et elle primera toujours, le réalisme, la rigueur et la tangibilité des résultats sont les seules garanties de notre croissance à tous à long terme. Il faut avoir le courage de nos ambitions.

vendredi 27 août 2010

Liberté et séduction en bleu

Aujourd’hui le ciel est bleu, c’est vendredi, alors je ne vous ferai pas la morale sur l’éthique en pub ou ne démolirai pas une campagne insipide. Non, c’est vendredi et j’ai envie qu’on finisse cette semaine en beauté avec une marque qui a justement incarné la beauté depuis des décennies, de Catherine Deneuve à Carole Bouquet, en passant par Vanessa Paradis et tant d’autres, une beauté à la fois raffinée et libre, frondeuse, à la tête forte mais aux courbes délicieuses: Chanel.

Mais ici, nous ne parlons pas de parfum ou de mode pour femmes, mais bien d’une nouvelle fragrance pour homme, tout à fait dans la même tonalité, Bleu de Chanel. Et qui de mieux que Gaspard Ulliel, que vous avez peut-être remarqué dans le film Les égarés ou encore dans Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet qui avait connu un beau succès en 2005, pour incarner la promesse de ce parfum. Physiquement impressionnant, un peu comme une version plus raffinée et typée de Romain Duris, Ulliel a eu l’opportunité unique d’être dirigé, pour le film publicitaire de lancement de la marque, par rien de moins que le maître Martin Scorcese. Ce film d’une minute, coulé à l’avance sur youtube par esprit stratégique, puis lancé officiellement sur la page Facebook de Chanel il y a deux jours, se démarque à plusieurs niveaux. En premier, il y a le rythme imposé par un montage serré qui donne un ton très américain où transpire la signature de Scorsese. Il y a les non-dits, dont la rupture, la passion, et finalement la quête dans l’affirmation. Finalement, la direction photo est sublime, alliant la coloration bleue à certains flashbacks évoquant la fin des années 60 avec leur grain et leur lumière particulière, et comment ne pas souligner l’utilisation efficace du visage de Ulliel, évidemment...


On en déduit que le film est avant tout destiné aux femmes, qui influencent le comportement d’achat des hommes dans tous les aspects aujourd’hui, mais particulièrement dans cette catégorie de produit, mais que les hommes peuvent l’apprécier tout autant en se projetant dans la situation et en rêvant de liberté. L’esthétisme en publicité représente une forme de message implicite, un langage qui transmet beaucoup plus que ce que l’on pourra entendre ou voir comme logo, et cette tonalité sert parfaitement bien la marque Chanel. Pour finir, on sent depuis quelques années un retour en force des films publicitaires de haut niveau, réalisés par les plus grands, parce que nous ne sommes plus dépendants des formats publicitaires classiques. Scorsese n’avait d’ailleurs pas tourné de pub depuis la fin des années 80. Ça augure bien pour l’avenir. Bon visionnement!


mercredi 25 août 2010

Une promo transgenre


Quand on parle de médias mérités au détriment des médias traditionnels payés, on implique, dans la majeure partie des stratégies, la production de films publicitaires, l’utilisation de différentes plateformes de médias sociaux ou encore d’applications pour téléphones intelligents et une utilisation très créative de «stunts» et d'événements qui attireront l'attention. L’idée est presque toujours la même: produire un film publicitaire ou un outil assez divertissant et hors de l’ordinaire pour que, par l’entremise d’une certaine étincelle sur les médias sociaux, on propage le buzz. Ce qui est génial, c’est que la majorité des sommes investies le sont dans l’idée et non dans le contenant. Les limites de ce que nous pouvons faire avec un film publicitaire ou un événement, lorsque nous ne sommes pas régis par les formats télévisuels et que nos budgets ne sont pas consacrés à 90% aux médias traditionnels, sont littéralement inexistantes. BMW, avec sa campagne The Hire diffusée en 2001, constituée de 8 films publicitaires réalisés par de grands réalisateurs, à l'initiative de l'agence Fallon, a joué un rôle de précurseur à ce niveau.

Certaines idées peuvent coûter des millions à réaliser et ne sont accessibles qu’aux grandes marques, pensons aux films d’Adidas Originals, mais de nombreuses tactiques ne coûtent pratiquement rien, dont le cas présenté ici pour cette promo du film The Last Exorcism qui sort en salles le 27 août . La clientèle ciblée par le film, des ados masculins férus de films d’horreurs et de sensations fortes, se retrouve présentement de manière assez marquée sur la plateforme Chatroulette, alors tout débute de l’exploitation de cette plateforme. En résumé, une fille apparemment exhibitionniste suggère un striptease sur Chatroulette à des ados boutonneux qui n’en croient pas leurs yeux. La fille est visiblement dans la vingtaine, jolie, ce que nos voisins du sud appellerait une «girl next door». Et là, lorsque vient le temps de dénuder sa poitrine qu’on imagine généreuse et parfaite, on voit ses yeux qui tournent, deviennent ensanglantés, bref, le striptease tourne au cauchemar, le tout étant une séquence d’horreur préenregistrée pour la promo. Ensuite apparaît l’url du film. Les ados demeurent évidemment sous le choc, subjugués, ils ont été menés en bateau. Mais ceci n’est que le début de la stratégie, car la vraie promo est constituée aussi d’un clip qui rassemble les meilleurs moments et les réactions les plus drôles obtenues par la tactique initiale. Ce clip, présenté ici en intro et disponible entre autres sur Youtube et Dailymotion, a été vu à ce jour par près de 2 millions de personnes, et ce n’est qu’un début.


Toute cette opération est une promo transgenre constituée d’un alliage de «stunt», de caméra cachée, de convergence vers un film et d’un site Internet en complément pour favoriser le passage à l’action. Bref, c’est une bonne idée, avec une bonne portée et une création qui marque définitivement les esprits, sans faire de jeux de mots. Et tout ça, j’en déduis, à peu de frais. Les gens qui ont été pris au piège sont évidemment victimes d’une plateforme, Chatroulette, risquée sur le plan éthique, et dont un pourcentage non-négligeable des utilisateurs semble être des hommes qui s’adonnent à des gestes explicites. Mais un fait demeure, Chatroulette pavait la voie à ce type d’opération car sa nature est précisément axée sur le voyeurisme d’une majorité de jeunes hommes qui cherchent une minorité de filles, à des fins sexuelles. Ces plateformes apparaîtront et disparaîtront, le goût du jour changera, mais un principe demeure: les possibilités en terme de stratégie de communication et de création plus grandes que jamais. Le terrain de jeu des publicitaires n’a donc presque plus de limite, à part bien sûr celles de l’éthique et du bon goût de la clientèle visée…Mais ça, c'est une autre histoire.

lundi 23 août 2010

L'étincelle de la vérité

En pub ou en branding, la stratégie la plus utilisée depuis quelques années réside dans la convergence de messages livrés sur les médias traditionnels vers des sites Internet de la marque ou des microsites dédiés précisément à une campagne. L'idée est de se servir de la créativité pour intriguer et séduire certains segments de clientèles ciblés à passer du temps de qualités et à établir une «relation» ou une «connexion émotionnelle» avec la marque. C'est la fameuse «conversation» prônée entre autres par l'agence Sid Lee dans le cadre de son leitmotiv de créativité commerciale. Cette stratégie repose donc sur une étincelle que doit provoquer la marque en mode «monologue», car c'est bien avec un monologue insipide que la très grande majorité des marques assomment à coups de dominance média, depuis la fin des années 60, les consommateurs devenus, on le sait, de plus en plus cyniques et désabusés par rapport à la publicité. L'étincelle provient donc d'un discours artificiel et orienté sur une vente potentielle, peu importe le niveau de créativité utilisé. Combien de marques peuvent se targuer d'avoir réellement enclencher un buzz de bouche-à-oreille uniquement par leurs publicités? Old Spice a réussi dernièrement, c'est une exception. Telus vient d'échouer selon moi avec un pastiche très premier degré, quoique bien réalisé. Des centaines ont échoué, et pas les derniers venus. Si vous étiez annonceur, seriez-vous prêt à jouer à la roulette russe à ce point avec votre budget publicitaire, sachant qu'on n'attend qu'un échec pour l'amputer davantage lors de la prochaine année financière? Tout ça est évident, mais on fait quoi?

On le sait tous, le bouche-à-oreille réside avant toute chose sur la volonté de partager à ses proches une expérience positive, qu'elle soit centrée sur le prix, le service client ou sur des attributs du produit ou service. Or, cette volonté altruiste de partager (elle est aussi égoïste car elle permet de nous positionner avantageusement sur le plan perceptuel) est fondée sur la réalité et non sur une promesse publicitaire. Elle est fondée sur la vérité. Bell, ou mieux encore Air Canada, peuvent bien vous saturer de publicité et se positionner en tête de liste des marques que vous connaissez dans une catégorie de produit, tout ça ne servira à rien si votre meilleur ami ou votre maman vous a décrit son expérience de marque médiocre vécue réellement la semaine d'avant. C'est pourquoi, nous les agences de publicité et de marques, devons nous recentrer avant tout sur ce que doivent être les marques de nos clients: des expériences assez exceptionnelles pour qu'elles génèrent d'elles-mêmes le bouche-à-oreille. L'agence de publicité de l'avenir est une agence de marketing spécialisée sur le «P» de la promotion, mais tout aussi efficace pour conseiller ses clients à se différencier dans tous les autres aspects du marketing: la stratégie de prix, de distribution, mais avant tout, la définition du produit et le positionnement distinctif de la marque dans l'esprit du consommateur. Nous devons être des «facilitateurs» d'un bouche-à-oreille basé sur la vérité et l'honnêteté. Les médias traditionnels ont bel et bien un rôle à jouer et ne sont pas prêts de disparaître, j'en ai déjà parlé, mais ce rôle a muté et continuera de changer. Les médias évoluent présentement d'un rôle central vers un rôle d'appoint, de rappel. Car l'étincelle, la vraie, les ambassadeurs de la marque l'auront suscitée à leur place: les masses s'inviteront d'elles-mêmes sur vos canaux youtube pour voir vos films publicitaires créatifs, ou encore dans vos magasins pour passer à l’action si ce que vous offrez est réellement exceptionnel, pas besoin de les agresser pour ça. La vérité vend.

Je vous laisse donc sur l'exception qui confirme la règle, cette publicité vue par tous, mais dont personne ne se lasse. The Man Your Man Could Smell Like... Quelle attitude!


vendredi 6 août 2010

Faire le vide

Pour aspirer à être un bon publicitaire, il faut savoir s’imprégner des courants sociaux, des tendances, être foncièrement ouvert d’esprit, mais le meilleur atout est la curiosité. Sans curiosité, on ne va pas au fond des choses et on ne peut extraire les vrais bénéfices différenciateurs de nos clients pour les transposer en mode communicationnel. Je suis un publicitaire 24/7, car c’est souvent pendant mon sommeil que les meilleures idées naissent pour ensuite surgir lorsque je suis sous la douche le matin. J’observe la publicité en tout temps, et chacune de mes expériences comme client servent à alimenter ma perception de ce que doit être une marque efficace. Évidemment, la fatigue s’installe graduellement et il faut, c’est un must, décrocher le plus que possible pendant nos vacances. Faire le vide pour mieux pouvoir se laisser absorber lors de la rentrée. C’est donc ce que je compte faire pour les deux prochaines semaines.

Avant que j’oublie, ce blogue a pratiquement 6 mois, en fait, il les aura le 18 août, et je tiens à remercier du fond du cœur tous mes lecteurs et lectrices, autant ceux qui commentent que la majorité silencieuse. FacteurPub fait dorénavant partie de mon quotidien, c’est une quasi-catharsis thérapeutique qui me force à verbaliser, mais surtout à vulgariser et à structurer plusieurs idées et vous me motivez énormément à toujours aller plus loin. Je compte donc continuer de m’y investir à fond cet automne, en fait, ne plus le faire n’est plus envisageable. De retour la semaine du 23 août. Arrivederci!

lundi 2 août 2010

Tout ne doit pas être parfait

Les gens d’affaires qui osent démarrer une nouvelle marque font souvent face à un mur de crainte par rapport à l’ampleur des travaux à faire et, surtout, à la possibilité que tout ne soit pas parfait dès le début. Cette crainte, nous la partageons aussi en agence, car le niveau de détail que nous pouvons atteindre dans le développement d’une marque est microscopique. Comment déterminer les priorités qui doivent être achevées avant le lancement des autres composantes qui pourront être développées par la suite? Il n’y a pas de recette, mais ce qui doit primer, à la base, c’est la transmission à la clientèle de l’essentiel des différentes composantes de la marque (valeurs, philosophie, personnalité, etc.) tout comme la qualité du produit ou du service dans un contexte franchement différenciateur. On doit donc livrer la marchandise et répondre aux attentes, mais dans un registre qui nous est propre. Le reste pourra être peaufiné. De toute façon, une marque est en soi un processus itératif et évolutif.

Prenons le cas du Festival Osheaga, auquel j’ai assisté cette fin de semaine. À ses débuts, ce festival ne comptait que sur des commandites mineures ainsi qu’un ou deux kiosques de bouffe qui, bien honnêtement, ne livraient pas la marchandise. Je me souviendrai toujours d’avoir fait la file 40 minutes, en 2007, pour un hamburger précuit dont la viande était froide. La programmation n’avait pas le lustre de celle de cette année ou de l’an dernier. L’espace n’était pas exploité de manière optimale. C’était un festival intéressant mais embryonnaire. C’était cependant un festival unique, sur un site unique, dédié à la musique indépendante, et son cœur, soit son contenu musical et l’expérience qui y était reliée, ont été suffisamment pertinents et vibrants pour que la clientèle y retourne, au fil des ans, en répandant au passage la bonne nouvelle à leurs proches. La version 2010 d’Osheaga, commanditée en grande pompe par Blackberry et Budweiser, se situait à des lustres de la version originale en termes d’organisation et d’innovation, entre autres avec sa portion Osheaga en ville et particulièrement avec la Scène verte Sennheiser, alimentée à l’énergie solaire, et qui offrait, à échelle humaine, un niveau de confort et une qualité sonore inégalés pour un spectacle extérieur selon moi. Les organisateurs ont tout simplement peaufiné et emballé une idée gagnante. Jamais ils n’auraient pu atteindre ce niveau lors des premières années, car ça n’aurait tout simplement pas été viable financièrement (ils fonctionnaient à perte de toute façon). Il faut être prêt à faire ses preuves, à franchir les étapes une par une, à y croire et à visualiser son succès.

C’est parfois mieux de lancer une bonne idée avec les moyens du bord que de ne rien faire, faute de perfection. Une bonne idée, pertinente, livrée par des passionnés, qui répond à un besoin réel, saura toujours faire son chemin dans la vraie vie. Car au-delà de la réflexion, le succès réside autant, sinon plus, dans la ferveur et l’action.


Photo : Les deux scènes d’Osheaga lors de la version initiale en 2006.
Crédit photo : Voir.ca

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