lundi 31 mai 2010
Les dogmes du web, de la foutaise
En gestion de marque, il n’y a pas de nouveaux médias et de médias traditionnels, pas de bons ou de mauvais médias. Cette idée est totalement fausse et sert uniquement à certains vendeurs incultes du web qui s’en servent pour miner certains médias. Selon moi, il n’existe que des véhicules médias qui offrent différentes options, chacun avec leurs forces et leurs faiblesses. Il y a des choix stratégiques à faire. Il y a un entonnoir de la marque à gérer, avec des points de contact associés aux clients qui doivent rejoindre différents objectifs, que ce soit la simple notoriété ou le passage à l’action, la vente. C’est le rôle du gestionnaire de marque de planifier ces choix et de s’assurer que les attributs de la marque sont véhiculés adéquatement en tout temps. De se priver par dogme de la publicité télé, par exemple, relève selon moi de la plus complète ignorance. La réussite d’une marque réside dans l’amalgame savant et stratégique des véhicules communicationnels et médias, de là, en autres, l’association d’une boîte comme Bleublancrouge avec Revolver3 en mars dernier. Certains réalisent l’essentiel pendant que d’autres, surtout dans le milieu du web, tentent de s’accaparer la plus grosse part du gâteau en se gargarisant de la saveur technologique du jour tout en ignorant les bases fondamentales du marketing et de la communication.
Certains médias perdent du terrain au détriment du web, c’est un fait et c’est parfait ainsi. La radio a perdu du terrain à l’arrivée de la télé dans les années 50. Elle est toujours là. La télé a perdu du terrain, beaucoup, avec l’arrivée du web. Mais elle est persiste et ce n’est pas demain la veille qu’elle va disparaître si je me fie aux cotes d’écoutes de la finale de Lost, des matchs des Canadiens ou de la Poule aux œufs d’or. La publicité doit s’adapter à son époque. Et c’est ce qu’elle fait. Trop lentement dans certains médias comme la télé, très vite dans certains autres comme le web, mais elle est régie par la loi de l’offre et de la demande, et demande il y a. De voir des gourous comme Seth Godin, que je lis religieusement quand même, annoncer la mort de la publicité traditionnelle, ne fait selon moi que trahir ses désirs et non refléter la réalité. Je vous défie de bâtir en 6 mois une notoriété spontanée de 20% chez les 25-54 ans pour une nouvelle marque en n’utilisant que le web. Bonne chance. Sans rien vouloir enlever à son expertise et à son statut de pionnière des médias sociaux dans la francophonie, quel serait le taux de notoriété de Michèle Blanc au Québec si elle n’avait pu profiter d’apparitions à la télé? Certains diront, avec raison, que nous sommes en retard par rapport aux États-Unis ou à d'autres pays comme la Grande-Bretagne ou le Japon, mais un fait demeure: le web est fabuleux média dont la portée publicitaire instantanée demeure néanmoins limitée.
Enfin, cette petite montée de lait se veut uniquement un appel à la retenue, dans un monde qui s’emballe souvent un peu trop vite. J’aimerais qu’on se donne un peu de recul et de perspective. La publicité finance encore aujourd’hui le contenu des émissions de télé que vous regardez par millions. Cette même publicité rapporte encore ses dividendes, car croyez-moi, les publicités de Brault et Martineau ont beau être mauvaises, j’ai la conviction absolue que si leur rendement était marginal, elles seraient retirées sur-le-champ. Les gestionnaires manquent souvent de jugement par rapport à la création des messages qu’ils diffusent, mais ils savent lire les rapports de ventes et faire des analyses assez justes de l’impact de la publicité sur celles-ci. Le corollaire est évident. La pub, toutes les formes de pubs, sont là pour rester. Elles changeront, évolueront, vivront des mutations, mais perdureront, quoiqu’en disent certains gourous.
jeudi 27 mai 2010
L’implication sociale en publicité de Pepsi: hypocrisie ou progrès ?
Quand une marque comme Pepsi se donne la peine de lancer une campagne sociétale participative en y investissant près de 1,2 millions de dollars juste cette année au Canada, je reste dubitatif. Pepsi n’existe que pour nous aider à nous injecter dans les veines, par voie orale, du caramel liquide pas très subtil. Parfois sans calories avec des édulcorants, parfois avec du sucre bête. Nous avons le droit d’aimer ça. Pepsi a le droit d’en vendre. Je prône la liberté de commerce et ne suis en aucun point un ayatollah, à part peut-être pour la cigarette, mais là n’est pas le point. Je me demande tout simplement si une tactique sociétale et participative mise de l’avant par une entreprise privée doit être prise au sérieux. Car c’est de ça que nous parlons. De perception, votre perception de la marque, qui apparemment, selon Pepsi, sera plus facile à modifier et à induire en comportement d’achat par une approche socialement responsable que par une approche créative plus traditionnelle.
À ce que je sache, peu importe les bonnes intentions de sa nouvelle présidente, Indra Nooyi, PepsiCo doit tout de même sa raison d’être au principe de vendre du cola. Elle doit rendre des comptes à ses actionnaires, doit engranger des résultats et une croissance qui rejoindra les objectifs fixés. PepsiCo est une entreprise privée qui fonctionne uniquement à l’intérêt. Or, d’être socialement responsable par intérêt minimise-t-il le bien qui pourrait en ressortir? En d’autres mots, faire le bien pour vendre plus de cola est-il moins louable que faire le bien par pur altruisme? Absolument.
Plusieurs entreprises empruntent selon moi la voie insidieuse de l’implication sociale pour maximiser leur capital de sympathie et, par le fait même, leurs ventes. Mais tout ça n’est qu’une mode, car passés les pionniers de ces tactiques de «bien pensants» qui redoubleront d’ardeur pour nous faire croire à leurs bonnes intentions, les consommateurs n’y verront que la tactique qui se cache derrière. On ne trompe pas le détecteur de «bullshit» du consommateur bien longtemps. Le bien qui sera fait créera des attentes futures qui ne sauront être comblées si les stratégies de marques changent. Qui plus est, ce n’est pas le rôle des entreprises privées de décider quelle cause prioriser au dépend d'une autre. Ce sont plutôt à nos gouvernements inertes de mettre leurs culottes une fois pour toutes, ne serait-ce que pour empêcher les vendeurs du temple de nous rendre socialement accros à leurs stratégies biaisées.
L’espace fiscal occupé par les entreprises a atteint un niveau plancher record, surtout à cause de la concurrence nord-américaine pour attirer les grandes corporations, mais aussi grâce à leur chantage et à leur démarchage auprès des gouvernements pour qui l’emploi est un monstre sacré sur le plan politique. Aurions-nous réellement besoin de campagnes sociétales si la juste part d’impôts des entreprises était prélevée? Sommes-nous bassement à vendre? Je suis un publicitaire, j’aime la publicité, mais pas au prix de ce niveau d’opportunisme. Respecter l’intelligence du consommateur, c’est accepter de lui communiquer implicitement notre intention commerciale tout en le séduisant par la créativité. La campagne icicestmieux.ca, c’est l’équivalent d’un gros barbu insignifiant qui exige qu’on mentionne son nom lorsqu’il donne 50$ au téléthon. Vivement pour un retour à l’avant-plan de Claude Meunier, dans un but mercantile avoué.
mardi 25 mai 2010
Les pitchs excessifs : manque de courage et incompétence
Cette bataille, c'est ce que nous appelons en pub le «pitch» ou présentation spéculative. C'est le processus de sélection d'agence de certains annonceurs, plus fréquemment les gros. C'est surtout un processus qui, lorsqu’il est mené de manière excessive en impliquant plus de 3 agences dans un contexte mal balisé, devient ingrat, impersonnel, et ne reconnaît pas le facteur humain ni la réalité financière des agences de publicité. C'est souvent une façon bien lâche de justifier le choix politique de l'agence avec laquelle on va évoluer tout en favorisant les boîtes qui ont les poches creuses. Car soyons clairs, il ne manque pas de talents à Montréal et choisir une agence ne devrait pas être une tâche bien ardue. Il suffit de regarder la liste des clients, les portfolios et cas, la philosophie et les forces des agences sur un portail comme Montreal.ad, faire ensuite une liste des 4 ou 5 agences avec lesquelles on aimerait travailler, rencontrer leur équipe et échanger avec les stratèges sur leur vision d'un mandat comme le nôtre. Et hop, ça devrait être réglé. Pas besoin d’être un génie de la bombe. Pas besoin de faire travailler des dizaines de personnes gratuitement en temps supplémentaire pour ça. Le feriez vous pour votre plombier? Pour votre électricien? Pour votre notaire ou votre avocat? C’est inhumain d'exiger à des gens de se donner à fond dans un processus qui les mènera statistiquement à l'échec, car c'est une évidence, quand vous vous lancez en «pitch», même si vous êtes très très bon, vous êtes statistiquement perdant.
J'ai gagné et perdu des «pitchs», vécu l'exaltation et la déception. Je suis passé à travers des processus honnêtes et d'autres malhonnêtes où l'on invite à retardement d'autres agences pour miner les chances de certaines, où les liens politiques occultes entre certaines personnes pipent les dés en secret, où un dirigeant arrive une heure en retard à la présentation sans même s’excuser et en rajoute en écourtant la présentation pour cause de conflit d’horaire sans même feindre un sourire, où le comité de sélection ne sait même pas faire la différence entre «branding» et «marketing», où la nature de l’exercice exigé pour la présentation ne cadre pas avec le rôle qu’aura l’agence. Oui, il y a des «pitchs» décents, où deux, maximum trois agences sont invitées et où le processus est vraiment transparent. Mais c’est trop rare. Une connaissance à moi que je vais taire et qui n’œuvre plus dans le milieu m’a déjà dit qu’elle ne s’engageait uniquement dans les «pitchs» que si elle avait l’assurance de gagner. Vous pouvez tirer vous-même vos conclusions sur le terme «assurance». Vous me direz que les agences n’ont qu’à refuser d’y participer. Plus facile à dire qu’à faire dans un contexte de concurrence féroce et où les comptes majeurs sont la plupart du temps attribués ainsi.
Hélas, vivre tout ça et accepter tout ça tout en demeurant passionné par la créativité et les défis, c’est beaucoup ça travailler en agence de publicité. C’est aussi ce qui contribue à l’essor de nos plus grandes agences d'une certaine façon. J’aimerais que ce soit autrement.
vendredi 21 mai 2010
Oui Misteur !
Misteur Valaire a lancé mardi dernier son deuxième album, Golden Bombay, dans un Club Soda survolté. Mais si je tiens à parler de MV ici, ce sera pour disséquer sa stratégie de commercialisation dans un univers musical houleux et en pleine mutation depuis plus de 10 ans. Car le monde n’a pas cessé d’aimer et d’écouter de la musique avec l’avènement du web, il a juste consommer sa musique différemment, trop souvent illégalement, à tort.
Golden Bombay est un excellent album qui représente selon moi un passage obligé vers les masses pour un groupe en pleine ascension: c’est un album de classe mondiale. Mais pour devenir un groupe global, et je crois qu’ils vont y arriver, il faut nettement plus que du talent dans cette sphère qui regorge d’artistes exceptionnels. Voici ma liste d’épicerie pour y parvenir :
- posséder un positionnement marketing et des cibles claires, c’est beaucoup relié au registre et au style musical, au talent, au fait d'être exceptionnel;
- communiquer une identité propre et différenciée, être une marque unique, on parle ici d’image et de projection du public dans celle-ci, de susciter le désir;
- prôner une stratégie innovante et adaptable en temps réel, c’est la commercialisation, le nerf de la guerre, les revenus en $$$$;
- finalement, il faut être excessivement bien entouré, rien ne tient sans ça.
Heureusement, les 5 gars de Misteur Valaire comptent sur une équipe solide en gestion, représentation et relation de presse, dont fait partie leur agent Guillaume Déziel que j’ai rencontré initialement l'an dernier lors d’une collaboration avec MV sur un mandat de Défi pour le CSSS de l’Ouest-de-l’Île. Le levier de leur succès réside aussi dans la virulence marquée de leur noyau d’adeptes, qui savent partager et communiquer leur passion pour la musique du groupe. Mais comment acquérir une base d’adeptes et que faire avec ceux-ci pour propager notre musique à un maximum de personnes? C’est là que la stratégie entre en ligne de compte.
La stratégie classique, si c’est une stratégie, consiste à vendre des disques chez les grands détaillants et sur iTunes. Il faut préalablement avoir signé avec une maison de disque et faire de la promo. D’autres ont essayé de vendre leur musique eux-mêmes sur le web uniquement, avec des résultats mitigés, car les dollars viennent avec la notoriété, et sans celle-ci, on piétine, c’est l’œuf avant la poule ou la poule avant l’oeuf. MV a plutôt opté pour une stratégie assez innovante qui résidait dans le fait de distribuer gratuitement sur son site web son premier album, Friterday Night, en suggérant une contribution volontaire (Radiohead a fait de même). Leurs adeptes initiaux sont rapidement devenus des ambassadeurs et ont favorisé l’accroissement du noyau. La viabilité commerciale du groupe reposait essentiellement sur les revenus des spectacles et des produits dérivés. Cette base grandissante d’ambassadeurs a donc été la cible primaire de l’offensive stratégique du lancement montréalais du dernier album mardi dernier. Cette fois-ci, on invitait les adeptes à payer pour avoir accès à un téléchargement complet de l’album ou encore, pour ceux qui étaient prêts à mettre quelques dizaines de dollars de plus, pour télécharger l’album en exclusivité deux semaines avant tout le monde, avec en prime un accès au lancement (et une copie physique de l’album). Mais ce n’est pas tout, les 200 premiers acheteurs de cette prévente avaient aussi accès en priorité à un «afteur» party, situé dans un lieu secret, avec transport à la suite du spectacle. Une belle mécanique. Pensez-vous que ces gens vont encore une fois favoriser la propagation virale? Évident, les médias sociaux et la blogosphère en vibrent. Et c’est sans compter sur une couverture complète des médias traditionnels, d’une présence en direct avec Claude Deschênes aux nouvelles artistiques du Téléjournal de 18h de Radio-Canada à la une du journal Voir. La machine est donc relancée de plus belle, à la puissance dix!
Il n’y a plus de recette unique pour réussir. Les stratégies traditionnelles, prévisibles, linéaires, ne fonctionnent plus. Il faut revenir à des principes plus fondamentaux qui rejoignent à la fois le marketing, la psychologie et la sociologie et les imbriquer de manière organique et évolutive. MV a réussi à développer sa notoriété sans campagne publicitaire ni budget important de marketing. Les gars ont tout simplement compris le principe du bouche à oreille. Avec à l’origine une vision musicale unique et du talent qui leur sort par les oreilles. Pas plus compliqué que ça.
Note : si les détails de leur modèle économique vous intéressent, je vous invite à aller lire le billet de Michelle Blanc qui porte sur le sujet et qui regorge de données intéressantes en plus d’une entrevue avec Guillaume Déziel.
jeudi 20 mai 2010
Publicité mexicaine: quand on se compare on se console
Pour mon dernier billet portant sur mon petit séjour au pays de Pancho Villa, je voulais vous parler un peu de la publicité mexicaine, que ce soit à la télé ou en affichage extérieur. Ma lecture de la situation est superficielle étant donné la courte durée de mon séjour là-bas, mais bon, je crois qu’elle demeure quand même révélatrice d’une certaine réalité.
Un mot résume bien la majorité des stratégies de création des publicités locales: INFANTILISANT. En télé, on prend tout simplement le peuple mexicain pour un débile léger à qui on peut tout faire passer. On y vend des simulations de rayons X sur téléphones cellulaires, des chaussures qui raffermissent les fesses, les cuisses et les mollets tout en remontant les seins et nous faisant perdre trois kilos par semaine, sans compter des jeux vidéos dignes des années 80. La qualité des messages télé est médiocre. Les concepts absents 90% du temps. Les narrations assourdissantes. Seules les adaptations des campagnes mondiales de grandes marques connues tiennent la route, notamment celles des géants de la beauté. Même chose en affichage où les panneaux sont surchargés. Nous sommes à des années lumières de l’exercice de synthèse et des théories de reconnaissance visuelle, de visibilité et de lisibilité qui régissent ce média ici.
Est-ce le reflet d’une disparité marquée entre les classes sociales et le fait triste mais bien réel d’un taux de scolarité au secondaire plus faible, soit à environ 70% de la moyenne des pays occidentaux selon Unicef? Est-ce un phénomène purement culturel? La réponse ne m’apparaît pas très claire. Aussi, le zapping et le zipping sont très fortement favorisés par la fréquence assommante de certaines publicités, dont celle du Slim Step qui vous est présentée en introduction. Enfin, j’ai remarqué que certaines chaînes ne diffusent pas ou peu de publicité, apparemment parce que leurs inventaires sont inutilisés. Ces chaînes profitent donc des périodes allouées normalement à la publicité pour placer de courts extraits de différentes émissions à titre d’accroches. Encore là, de voir à répétition les même petites séquences devient vite très lassant, voire agressant.
Vous le savez, je suis parfois très critique par rapport à certaines campagnes faites ici et à la publicité au Québec en général. À se comparer, on se console, mais pas pour trop longtemps, car je reviendrai à la charge sous peu, n’en doutez pas!
lundi 17 mai 2010
Paradise City à quelques détails près...
Je reviens tout juste d’un petit séjour au Mexique dans un resort près de Cancun. Le type d’établissement classé 5 étoiles qui promet de nous faire vivre une «expérience». Mes attentes étaient réalistes car je désirais simplement me reposer, en famille, et je n’ai pas été réellement déçu. Voyez-vous, j’ai vu neigé et je sais discerner le rêve de la réalité sur les sites web des principaux grossistes en voyages.
Après quelques jours à faire le bacon, je me suis demandé pourquoi il y avait des détails qui me rendaient complètement dingo à certains moments précis. Ma réflexion m’a amené sur le terrain du ciblage marketing: ce complexe visait large, c’est-à-dire autant les familles que les jeunes ou encore les personnes plus âgées. Cibler large veut dire tenter de plaire à tous. Mais comme vous vous en doutez, c’est une mission impossible.
J’étais assis au bar, dans la piscine, l’eau jusqu’au nombril, mon tout-petit sur les genoux et ma douce à mes côtés, à siroter un très quétaine et assumé Daiquiri aux bananes. Le moment était parfait. Le soleil voilé par l’auvent en paille du bar nous cuisait juste à point comme un braisé de Josée di Stasio, l’eau était juste à la bonne température (vous savez, la température de notre fluide corporel le plus connu), le barman Javier était souriant et empressé… Jusqu’à ce que je sente un embryon de frustration naître en moi, graduellement, pendant que mon cerveau tentait de décoder la chanson qui flottait à travers la douce brise. Un air connu mais que je n’arrivais pas à identifier. Au bout de quelques secondes, mission accomplie! C’était une version totalement lobotomisée de Paradise City, le célèbre succès de Guns and Roses. Mon moment était gâché. J’aime trop la musique pour avaler ce type de pablum auditif. Car pour moi, la musique est une composante de l’expérience de marque qui dépasse l’ameublement sonore: c’est un amplificateur d’ambiance, un catalyseur d’émotion.
À un autre moment presque parfait, pendant le dîner sur une terrasse à quelques mètres de la mer, la même irritation et le même dénouement: c’était une version d’ascenseur de la célèbre With or Without You de U2. J’aurais fait sans. Et là, je vais vous épargner ma montée de pression artérielle à la suite du classique Let’s Spend the Night Together des Stones interprété façon bossa nova par une fille qui ne comprenait visiblement pas les paroles qu’elle déclamait, le tout accompagné d’une flûte de Pan (à écouter en intro à ce billet). Je passerai aussi sous silence une version salsa de Purple Rain et une interprétation des succès des très chevelus Hall and Oats digne de Normand L’Amour au Motel Madrid.
Tout ça pour vous dire que de cibler large signifie d’aplanir pour plaire à tous, et par le fait même de déplaire à tous ceux qui recherchent une certaine forme d’authenticité. J’ai vécu un peu le même phénomène avec la nourriture et les spectacles organisés par la troupe d’animation du Club. Je ne me plaindrai pas, je suis privilégié, j’ai apprécié ma semaine et j’ai quitté le Mexique satisfait de mon séjour. Satisfait, mais pas impressionné. Satisfait comme le sont les propriétaires de Toyota Camry et de Honda Accord. Comme ceux qui portent des chaussures achetées chez FeetFirst. Mais vous le savez, satisfaire n’est plus suffisant. D’après vous, vais-je y retourner?
vendredi 7 mai 2010
Affichage ludique: un chausson avec ça?
L’affichage extérieur représente tout un défi sur le plan créatif, car c’est un média qui requiert un exercice de synthèse quasi parfait pour bien performer. C’est pourquoi, selon moi, c’est le média le plus difficile à exploiter. Son plus grand atout est la fréquence, la rétention du message reposant sur un flash publicitaire quasi-instantané. Il y a des exceptions, disons quand vous êtes pris dans un bouchon ou si vous y êtes exposé lorsque vous êtes piéton, mais bon, dans la majorité des cas, c’est tout sauf évident de percer les esprits quand notre cible média file à plus de 100 km/h et qu’elle a une ou deux secondes pour nous remarquer tout en écoutant la radio et en parlant au téléphone tout en buvant son café. L’avènement des super panneaux numériques change graduellement la donne à différents niveaux : plusieurs annonceurs sont présents en alternance sur un même panneau (un désavantage), les coûts de production sont très faibles (pas d’impression de toile, un avantage), la flexibilité dans la diffusion est accrue (nous pouvons changer rapidement la création, l’adapter au goût du jour, la faire évoluer, c’est un gros avantage) et finalement, dans certains cas, la possibilité de prôner l’interactivité (un énorme avantage). C’est ce dernier atout que McDonald’s a mis de l’avant récemment à Stockholm.
Sa stratégie repose sur le déploiement de panneaux qui véhiculent carrément un jeu. L’idée? On vous montre une succession d’images, un peu comme dans une machine à sous, et à travers lesquelles on insère le visuel d’un produit, disons un chausson aux pommes. Si vous arrivez à photographier ledit chausson lorsqu’il apparaît en mouvement sur le panneau, à l’aide de la caméra de votre téléphone cellulaire, vous gagnez automatiquement le chausson et n’avez qu’à le réclamer au McDo le plus proche, à quelques centaines de mètres, en montrant au caissier la photo. Astucieux, ludique, c’est une approche qui ne peut que fonctionner là où il y a des passants, mais ça demeure une bonne idée. Une idée plus complexe et plus chargée que le panneau conventionnel, mais qui a l’avantage de vous faire passer à l’action tout de suite, maintenant. Une idée, donc, qui se situe aux antipodes de la mission traditionnelle du panneau d’affichage extérieur qui a généralement comme objectif unique, l’augmentation de la notoriété de la marque et sa position en tête de liste dans votre cerveau, et non une augmentation des ventes par une promotion instantanée.
Les médias évoluent à un rythme fou, leurs missions aussi, mais ce sont surtout leur dynamique en regard à la rencontre des objectifs marketing et communicationnels qui, selon moi, représente le plus grand défi du stratège publicitaire. Les bonnes vieilles recettes fonctionnent de moins en moins et l’innovation est devenue un must, voire même une obligation pour sortir du lot. La complicité avec les médias devient essentielle. Astral démontre d’ailleurs plusieurs possibilités avec sa superbe vidéo True Colors présentée, entre autres, au dernier Gala des Prix Créa. C’est aussi exactement ce qu’a fait McDo… Un chausson avec ça?
Désolé pour la musique sur la vidéo de McDo qui est ultra agressante et fatigante, je me suis dit qu’on se reprendrait avec Cœur de Pirate (la préférée de ma maman, une farce entre nous) sur la vidéo d’Astral que vous retrouverez à la fin du billet… Et aussi, important, un gros merci à Marie-Annick Boisvert (@marianik1968) de m’avoir redirigé le lien, tu es une recherchiste bénévole dont je ne pourrai bientôt plus me passer! Je vous invite à visiter son blogue ici.
Un petit répit
Je vous laisse sans FacteurPub pour la semaine prochaine, de retour le lundi 17 mai avec un nouveau billet et une énergie renouvelée par quelques jours de vacances à complètement déconnecter de la réalité quotidienne. Entre-temps, je suis toujours super intéressé à recevoir vos suggestions de billets, de bitcheries ou à prendre vos commentaires sur facteurpub@gmail.com. À très bientôt!
mercredi 5 mai 2010
Mélodie Nelson: faire sa marque
Contrairement à Nelly Arcan, qui s’est fait essentiellement connaître par son roman Putain, Mélodie est un pur produit du web. Enfin de la démocratisation du web. Car, au-delà de son image physique et charnelle, Mélodie était déjà une marque connue, bien avant la publication de son livre hier. Une marque qui a su concilier esthétisme de l’écriture, humour décalé, mode de vie urbain déluré et un recul, voire même une analyse assez profonde sur le plan sociologique et psychologique de ce qu’elle est, de ce qu’elle fait. Cette fille rassemble donc des attributs de marque qui apparaissent de prime abord contradictoires, mais qui en font un cocktail unique, effervescent, aux allures de liberté, parfois aussi teinté en filigrane d’une tristesse, d’une nostalgique prise de conscience ambivalente. Cette marque unique et distinctive, c’est avant tout sur son blogue nommé tout simplement «Martini à la vanille, sodomie et vibrateur», qu’elle l’a peaufinée, mais aussi sur sa page Facebook personnelle qui compte plus de 1700 amis, sans compter la page de son livre qui rejoint plus de 600 adeptes et par ses interactions toujours sensées sur twitter. Son capital de sympathie est en forte croissance: elle a récemment donné une entrevue à Christiane Charrette sur la Première chaîne et je l’imaginerais très bien faire partie de l’une des deux dernières émissions de Tout le monde en parle, car elle incarne en soi un sujet qui ferait jaser, une affirmation très déstabilisante du féminisme, une estime de soi dérangeante, mais une expression toujours empreinte de sensibilité sous des airs narquois.
Ce que je retiens de Mélodie Nelson pour l’instant, c’est cette opportunité qui est depuis peu donnée à tous, soit de se bâtir une marque forte. Ce n’était pas possible il y a 20 ans, cette liberté de créer du contenu, d’établir des relations avec ses lecteurs, de s'établir une notoriété, bref de communiquer sa vision du monde, sans coût réel de diffusion. Tout ça relevait de l’utopie, du rêve. C’est justement ce qu’elle vendait jadis à ses clients, du rêve. Mais plus maintenant, car de faiseuse de rêves et d’orgasmes, elle est passée à quelque chose de plus puissant, de plus métaphysique, quelque chose qui réside dans les attentes décuplées de sa base d’adeptes. Je lui souhaite la meilleure des chances.
lundi 3 mai 2010
Se faire sonner les cloches
Mais pour revenir à Bell, je pense que je devrais les poursuivre pour harcèlement par utilisation abusive de publicité directe par la poste, car les lettres du géant endormi se succèdent à un rythme infernal chez moi depuis près de 4 ans, soit depuis notre départ pour Videotron. Une marque qui utilise tous les subterfuges pour que nous ouvrions ses enveloppes, entre autre en ne les signant pas, ne respecte pas mon intelligence. Pas plus qu'elle ne respecte l'environnement qu’elle bafoue en mon nom. Tous s'entendent pour convenir que cette marque, qui détenait un quasi-monopole dans son secteur d'activité, a couru à sa perte en négligeant de s'ajuster à la concurrence et en se fiant exclusivement à ses publicités pendant près d'une décennie. Elle a opéré une déconnexion totale avec ses clients, avec comme résultat une hémorragie qui ne cesse de durer. Car un client brûlé, c'est une cellule cancéreuse pour une marque, et ça prend plus que des publicités à la télé et des lettres personnalisées avec des offres opportunistes pour guérir ce cancer. Surtout quand le concurrent principal fait relativement bien le travail.
Le purgatoire de Bell, selon moi, est loin d’être terminé. Au lieu de dépenser des sommes considérables à m'assaillir de lettres insipides, elle devrait plutôt refaire les fondations de sa marque pour vrai et livrer la marchandise au lieu de nous entretenir de paroles creuses. Comme le disent nos amis anglophones : «if you're going to talk the talk, you've got to walk the walk». Un client bien servi vaut trois cents publicités, simple à comprendre, non?
Vous pouvez voir la publicité en question ici