En 2010, dans un contexte de publicité commerciale, dire sans aucune subtilité une connerie aussi grosse que «Prenez soin de l'environnement et faites remplacer votre pare-brise», ou encore «Moi je recycle pour l’avenir de mes petits-enfants», c'est pas pathétique, c'est pire encore. C'est l'équivalent de porter des bas blancs et des souliers noirs si vous n'êtes pas Michael Jackson. C'est prendre les consommateurs pour de parfaits idiots. D'en ajouter et de prétendre par communiqué que la campagne a «un impact fort» quand sa tonalité est aussi vivante qu'une plante verte, c'est vraiment se mettre la tête dans le sable jusqu'au cou. Finalement, de décliner la platitude en affichage, et l'insipidité en message radio sous la forme d'un jingle qui donne le goût de se cogner la tête sur un mur de ciment, c'est le comble. C’est ce qu’ont fait VitroPlus et son agence de publicité avec leur nouvelle campagne de publicité.
Je déteste bitcher ainsi et je n'en retire aucun plaisir, quoi que vous en pensiez. Je l'ai souvent dit, peu importe qui la fait, j'aime la bonne publicité. Et peu importe si on recycle vraiment les pare-brise, la réalité est que l'impact réel sur l'environnement est infime et ne mérite pas qu'on base toute sa campagne là-dessus. C’est ce qu’on appelle de l’écoblanchiment (greenwashing), un procédé qui est à la fois un raccourci méprisant pour le consommateur et une erreur stratégique de junior et qui consiste à utiliser l’environnement de manière disproportionnée pour se faire du capital de marque. Ou encore d’investir plus d’argent en publicité pour le dire qu’en réalité pour le faire. Cette stratégie, plus souvent qu’autrement, se revire contre l’annonceur car personne n’est dupe.
Quand je parle de respecter l'intelligence du consommateur, je veux dire de le séduire à adopter une marque par la créativité ou par la «disruption», comme le diraient avec raison les gens du groupe TBWA. VitroPlus, pour sa part, fait malheureusement de la publicité comme on en faisait en 1982: utilisation d’un message au premier degré et absence de réel concept, beaucoup de fréquence média pour palier à l'insipidité de la campagne et hop, l'affaire est ketchup. Le seul hic, c'est que le ketchup Heinz n'est plus vraiment à la mode: il est bourré de sucre, masque le goût des aliments et ne vaut pas plus que sa bouteille de plastique sur le plan nutritif. Le plus dommage, c'est que cette marque et son agence semblent ignorer le buzz négatif de la campagne sur les médias sociaux, buzz qui m'a incité à écrire ce billet à la demande de plusieurs.
Le refrain qui sert trop souvent d'excuse aux publicitaires et qui dit «parlez-en en bien ou en mal, mais parlez-en» ne tient plus aujourd'hui, à l'ère du dialogue de la marque avec le consommateur et du très juste Capital conversationnel de Sid Lee. Les gens sont tannés des gros monologues plates en publicité. Cette approche ne peut que générer une spirale négative qui sera amplifiée par les médias sociaux et qui minera le capital de sympathie pour longtemps. En résultera une marque vidée de son essence et qui sera bonne pour le recyclage.
Pour voir les messages télé en question et en savoir plus sur la campagne : http://bit.ly/9E0Dwx
La juste analyse. Fluide, limpide.
RépondreSupprimerc'est bien de dire aux automatiques qui ils sont.
Et quand ils vieillissent c'est encore plus facile.
Et en plus on leur rend service!!!
En plus, Vitro Plus se glorifie de quelque chose qui n'est qu'en essai, qu'elle n'a donc rien recycler depuis des années....Alors que le recyclage n'est pas vraiment nouveau.
RépondreSupprimerEt en plus, se payer des annonces pendant Tout le monde en parler, ça doit coûter une beurrée...
Je suis vraiment contente de voir les publicitaires comme toi s'offusquer de tels messages, car il y en a de plus en plus en ce moment...
En les dénonçant, on contribue à mieux informer les citoyens et à lancer un message clair à ces entreprises qui pratiquent le greenwashing...
Merci
Très très bon papier Mathieu. Pertinent, juste et bien écrit. C'est du greewashing comme j'en ai rarement vu. Je n'avais tellement pas noté ça quand j'ai vu la pub - en fait j'ai même pas osé cliquer pour voir la pub, tellement sa facture m'incitait à passer outre, il n'y avait rien de séduisant la dedans.
RépondreSupprimerCependant, j'irais de ma prédiction: cette campagne va performer...je suis convaincue même d'une hausse de fréquentation aux points de vente et une hausse au niveau de la notoriété...oui oui ... pourquoi ? principe du parlez-en en bien et parlez-en en mal - malgré ce que tu peux croire, j'ai vu trop d'effets de proche ou de loin qui prouve encore que cette théorie fonctionne au Québec (marché unique, concentré...). À suivre. MALHEUREUSEMENT.
mais la beauté de la chose est qu'il y a un buzz négatif sur les médias sociaux, et que le consommateur est de plus en plus critique et qu'à force de papier comme le tien, du mouvement social et du jour ou quelqu'un de proche du président de Vitro-Plus lui dira sincèrement:
" Ta campagne, c'est pas fort " et bien ça devrait inciter ces messieurs à changer de message, à penser plus stratégique, et à faire de la création. J'en reviens souvent au credo de mon agence: L'attention du consommateur est quelque chose qui se mérite. Et cet annonceur n'a vraiment pas pensé à cela.
@Sonya: Merci pour ton commentaire. J'espère que tu as tort, mais bon, c'est vrai que le Québec est un eu en retard et que les médias sociaux n'affectent peut-être pas encore assez les campagnes. Je peux toutefois te dire que même les impressions des gens plus vieux de mon entourage qui ne sont pas sur Internet me laisse croire que la création tape sur les nerfs, donc que l'usure sera rapide. On verra...
RépondreSupprimer@ Cécile : as-tu des infos sur ce qu'ils font réellement sur le terrain? Est-ce tout simplement un mensonge ce recyclage??? Je sais que c'est pas évident à faire techniquement à cause de la couche de plastique à l'intérieur...
RépondreSupprimerTrès bon article, très "à propos".
RépondreSupprimerJe ne comprend tout simplement pas comment une entreprise réputée telle VitroPlus puisse approuver cette campagne...
Qu'elle leur soit proposée par une agence, ça peut toujours passer. Après tout, comme le dirait ma grand-mère, ça prend toutes sorte de monde pour faire un monde. Mais que le client au bout du compte (et surtout du compte en banque) après avoir vu la maquette du projet puisse vraiment dire ouais ouais, merci c'est bon, on passe ça à la tivi et faire un GROS chèque...
Veut-t-on VRAIMENT encourager une entreprise nous ridiculisant avec tout son battage publicitaire? Pas moi... Si les patrons prennent de telles décisions au nom de leur entreprise... Imaginons maintenant le "professionnalisme" des ti-counes à demi-salariés posant les-dits windshields!
C'est de la junk-pub!
@Mathieu: je n'ai pas enquêté la dessus, mais selon mon collègue Fabien Deglise qui en parlait à l'émission L'après-midi porte conseil, ce n'est qu'un essai de trois mois...Or on publicise après les essais pas avant.... Surtout quand tes pubs passent à des heures de grande écoute et coûtent très chères.
RépondreSupprimerPour écouter la chronique de Fabien: http://www.radio-canada.ca/emissions/lapres-midi_porte_conseil/2009-2010/chronique.asp?idChronique=108638
pour l instant ils envoient leurs vieux pares brise dans un seul et unique endroit pour les conserver.une seul endroit existe au canada pour recycler les pares brise et je sais que ceux de vitro plus n y sont pas diriger!
RépondreSupprimerPour ceux qui veulent aller plus loin et pour la référence du livre Conversational capital que tu cites dans ton billet:
RépondreSupprimerhttp://www.amazon.com/Conversational-Capital-Create-Stuff-People/dp/0137145500
Des exemples d'écoblanchiment dans le domaine de l'informatique et des appareils électroniques : http://www.greenit.fr/tag/greenwashing
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