vendredi 26 février 2010
Être exceptionnel n’est plus une option mais une obligation ! (partie 2)
L’épisode décrit en première partie est symptomatique de notre époque. L’image est tellement omniprésente, les outils informatiques tellement accessibles et faciles d’utilisation, que nous en sommes venus à confondre la manière avec le fond, le fond étant la réflexion, l’analyse, la stratégie, l’esthétisme fondamental, la cohérence. Ce promoteur avait rogné sur l’essentiel sans en avoir la moindre idée. Sa boutique ferma ses portes l’année suivante et l’échec du projet fut probablement mis sur le dos de la conjoncture économique. Sa marque ne s’était jamais donnée la chance de marquer les esprits en étant exceptionnelle.
La réalité est toute autre. La vision n’a jamais été aussi essentielle que maintenant et la VISION vend. L’EXCEPTION vend. La DIFFÉRENCE vend. Le consommateur achète ce qu’il perçoit comme sa vérité : cohérence, absence de compromis, attitude saine, personnalité affirmée, approche intuitive, respect de son intelligence. Il se magasine un positionnement personnel, il place les pions de sa marque personnelle à travers ses choix de consommation. Il paie 4 $ son latté chez Starbucks, il paie plus cher pour avoir le vrai iPod ou le iPhone, achète plus cher un condo faisant partie d’un projet certifié Leeds, paie près de 30 000 $ pour une Prius et achète bio (souvent sans trop savoir pourquoi). Ce type de consommateur était marginal en 1998 mais se fait de plus en plus nombreux en 2010. Comme l’annonçait Starbucks dans sa campagne visant à repousser l’assaut de Mcdonalds sur le marché du café : « il y a un prix à payer moins cher » (j’ajouterais « surtout dans le regard des autres »). Oui, il y aura toujours une partie de la population qui se rendra chez Wallmart pour les prix. Mais elle se fera de plus en plus rare et le prix comme unique élément différenciateur aura ses limites. Simplement parce que les deux plus grandes tendances de notre époque sont le respect de l’environnement et la santé, deux concepts purs et intimement liés à l’individu, à ses aspirations, à son image. Ce sont cette pureté et ce respect que le consommateur recherche vraiment. Comment pourra-t-il faire pour se positionner socialement à travers des marques dénuées du sens de l’engagement et des valeurs autrement que par les bas prix (à l'exception de certains produits de consommation courante à faible degré d'implication par l'acheteur) ? Pourtant, la très grande majorité des entreprises s’obstinent à lui donner le contraire de ce qu’il recherche viscéralement et à investir, encore aujourd’hui, des millions de dollars en mauvaise publicité pour faire passer la pilule. Croyez-moi, la pilule ne passera plus encore bien longtemps. Elle ne passe déjà plus très bien...
mercredi 24 février 2010
Être exceptionnel n’est plus une option mais une obligation ! (partie 1)
La publicité, c’est bien connu, sert de bouc émissaire aux fervents de la redistribution de la richesse et de la justice sociale (j'en suis) et c’est normal. La publicité est aussi décriée par la majorité des téléspectateurs, ça aussi c’est normal quand on les bombarde d’autant d’insipidités pendant les pauses. La publicité est le poste où les gestionnaires classiques coupent en priorité, ça aussi c’est normal, car congédier un employé fait beaucoup plus mal. La publicité est souvent rabrouée par les spécialistes de l’Internet et des médias sociaux qui la disent dépassée, encore là c’est normal, car ils prêchent pour leur paroisse et manquent parfois de recul. Pendant ce temps, les publicitaires s’entretuent à 8 ou 10 pour obtenir un mandat de quelques dizaines de milliers de dollars en honoraires. Aucun programme du BAC n’est donné au Québec, spécifiquement en publicité. Mais tous se disent experts. Et là, un client potentiel t'appelle.
J’arrive dans la salle de réunion d’un promoteur qui s’apprête à lancer une boutique d’accessoires de cuisine. Le gars est volubile, enthousiaste, passionné. Il recherche une firme pour l’aider à établir l’image de marque de ce projet tout en générant des résultats. Il laisse miroiter une panoplie d’autres projets en gestation. Il parle pendant presque une heure, explique, se lance dans les figures de style, bref, y met toute la gomme. Je lui résume notre approche, en quelques mots: faire que son projet soit un virus, s’assurer que le virus soit puissant et tenace, pour finalement planifier sa propagation. Le virus, comme le dirait Malcolm Gladwell, c’est bien entendu le «buzz». Il faut que le «buzz» soit assez contagieux si nous voulons qu’il se répande et il faut trouver les meilleurs foyers possibles de propagation. Je l’écoute, mais mon cerveau a déjà identifié les pistes de stratégie et de création, je vois déjà l'arborescence de son mix-communicationnel. Si bien qu’après une heure de rencontre, je suis convaincu d’être le stratège de la situation. Persuadé que mon agence fera de ses projets une réussite, je suinte la conviction, il le sent, m’invite à visiter les locaux vides en construction, me montre l’essence de son projet. Je suis retourné à l’agence quelques minutes plus tard, emballé. Malheureusement, et je le comprendrai plus tard, ma vision du projet et mes ambitions à le propulser sur la voie de l’innovation se situaient à des années-lumière de la perception qu’avait l’entrepreneur lui-même de son projet, de son bébé. Là où sa vision s’arrêtait, la mienne ne faisait que débuter. Nos perceptions n'étaient pas compatibles. Le terme «exceptionnel» n'avait pas la même signification pour lui que pour moi.
Je n’ai jamais revu le type. J’ai discuté avec son adjointe à quelques reprises et le projet a été confié à des pigistes qui lui permettaient de respecter son budget (lire qu’il a fait des économies de bouts de chandelles). Après quelques mois, je suis repassé devant la vitrine de sa boutique. L’affichage de son commerce en façade était nul: trop petit, pas assez lisible. Le nom et le logo étaient corrects, au goût du jour, mais sans plus. Pour économiser quelques milliers de dollars, le promoteur avait confié à des amateurs la gestion de la marque de son établissement. Jamais il n’aurait confié à des gens inexpérimentés l’installation de la plomberie ou de l’électricité, mais sa marque, l’essence même de son projet, était le fruit du travail d’incompétents, de la totale improvisation… (la suite et conclusion à lire ce vendredi)
mercredi 17 février 2010
En un mot : bienvenue !
Bienvenue sur Facteur Pub, mon nouveau bébé, mais aussi un lieu de liberté d’opinion dans lequel j’aimerais voir autant d’audace que de diversité. Car la publicité est avant tout un univers de perceptions: lorsqu’elles sont partagées par les masses elles définissent une certaine réalité, mais plus souvent qu’autrement elles sont uniques à chaque individu, en fonction de son bagage, de sa culture, de ses idées ou de ses croyances. Facteurpub, c’est un point d’interrogation sur le rôle de la publicité, sur sa mission, sur la place qu’elle occupe dans nos vies, qu’on le veuille ou non. C’est un angle. Le mien.
Mais pourquoi maintenant ? Simplement parce qu’observer et critiquer la pub, surtout sous un angle sociologique, me passionne depuis longtemps et qu’à présent, j’ai décidé de m’y consacrer plus concrètement, dans une perspective d’échanges d’idées, franches et honnêtes.
Je veux être clair, j’aime la pub. Celle qui s’expose comme le révélateur de l’évolution sociale, celle qui se place à l’avant-plan des grandes tendances, des courants idéologiques. Celle qui nous fait réfléchir ou qui nous déstabilise. En fait, je préfère souvent la publicité aux publicités. Surtout à celles, abjectes, stupides, agressantes, que nous bombardent à la télé ces détaillants de meubles aussi insipides les uns que les autres. Tout comme ces autres affiches aussi inutiles que laides qui tapissent trop souvent les wagons du métro et ternissent nos vies pour vanter ces insignifiantes écoles de formation à la con. La pub doit concilier son rôle marketing et sa responsabilité civique et sociale. La pièce manquante de ce puzzle a toujours été et sera toujours la créativité. Il n’y a pas de créativité dans les publicités que je méprise.
Pour terminer, je voudrais que nous respections tous, nous les publicitaires, l’intelligence du consommateur. Que nous restions conscients de l’irrésistible « bullshit detector » du public, si minutieusement entraîné depuis 30 ans par son exposition répétée à des publicités mensongères et trompeuses, aux astérisques si subtils qu’on en est venu à ne voir que ça. Que nous bâtissions une complicité avec nos cibles plutôt que de les considérer comme de vulgaires têtes de bétail. J’aime la publicité et les bonnes publicités, et ce blogue se veut le prolongement de ma passion, de ma carrière. Alors merci à l’avance d’y contribuer, que ce soit par une simple visite, un court commentaire ou une attaque en règle, car je respecte beaucoup plus le choc des idées que la collusion dans la médiocrité parfois prônée insidieusement par mon industrie.